22 Sep

Mes années hétéro, une fiction qui a valeur de témoignage signée Hugues Barthe

On pourrait imaginer ce récit biographique ou même autobiographique tant le ton est juste et la description, précise, mais ce n’est pas le cas. Mes années hétéro est une fiction, une fiction basée sur les témoignages de gays appartenant à la génération précédant la dépénalisation de l’homosexualité. Une époque où près de la moitié des Français la considérait comme une tare…

Car oui, il n’y a pas si longtemps, 37 ans pour être précis, l’homosexualité était encore passible dans certains cas de sanctions pénales. François Mitterrand mit un terme à cette situation en 1982, mais il faudra attendre 1999 pour le PACS et 2013 pour le mariage homosexuel. Un long chemin !

Et c’est précisément le 18 mai 2013, le jour de la promulgation de la loi du mariage pour tous que débute le récit d’Hugues Barthe. Avec un vieil homme. Il s’appelle Rémi. Il est homosexuel, devrait être fou de joie mais ne l’est pas. Peut-être parce que ces avancées arrivent un peu tard pour lui. Peut-être aussi parce que Rémi est du genre réservé.

« Je n’ai jamais pris part à la conquête des droits des gays, trop longtemps isolé et englué dans mes difficultés personnelles ».

S’il considère avoir réussi sa vie parce qu’il a deux filles qui font sa fierté, Rémi a dû cacher son homosexualité pendant des années sans savoir s’il pourrait un jour la révéler et la vivre pleinement.

« Dans les années 70, la plupart des homos provinciaux prenaient femme. Ils n’avaient pas le choix, surtout quand ils voulaient des enfants ».

@ Delcourt / Barthe

C’est l’histoire de Rémi, mais c’est aussi l’histoire de beaucoup d’hommes, que raconte Mes années hétéro. Une histoire qui commence dans les années 50 à Yvetot, petite bourgade situé du côté de Rouen, où l’on a vite fait de s’ennuyer quand on est un enfant. C’est au pensionnat que Rémi découvre son homosexualité même s’il ne met pas encore ce mot-là sur ce qu’il ressent.

Et puis la vie d’alors fait qu’il se marie, pour faire comme tout le monde. Il a deux enfants, deux filles. Mais très vite, il ne peut plus se contenter de cette vie d’hétéro bien rangée. Rémi fréquente les lieux de rencontre pour homosexuels, multiplie les aventures, jusqu’à son divorce, jusqu’à sa rencontre avec l’homme de sa vie. Nous sommes dans les années 80, Mitterrand a été élu et l’homosexualité est enfin dépénalisée.

@ Delcourt / Barthe

« Après des années de quasi-silence sur la question, radios et télés commançaient timidement à parler des gays. Je suivais cette évolution avec curiosité. Etrangement, je me sentais exclu. Je ne me suis jamais senti aussi seul ».

Mes années hétéro n’est pas un témoignage à proprement parler puisque il a été écrit à partir de plusieurs témoignages mais il en a la valeur et la force. Le livre est absolument passionnant de bout en bout parce qu’il montre avec beaucoup de justesse et d’émotion ce qu’a pu être la vie de tous ces hommes qui ne rentraient pas dans le moule, ne correspondaient pas aux normes établies par la société. Si aujourd’hui, 8% « seulement » des Français considèrent l’homosexualité comme une tare, ils étaient 42% en 1975, selon un sondage récent de l’IFOP. Il y a donc visiblement un progrès mais le combat n’est pas terminé ! À lire et faire lire d’urgence.

Eric Guillaud

Mes années hétéro, de Hugues Barthe. Delcourt. 17,50€

16 Sep

Mon premier rêve en japonais : un récit autour de la construction identitaire signé Camille Royer

Comment se construire une identité quand on est issue de deux cultures? Camille Royer a un père français et une mère d’origine japonaise, elle raconte son enfance dans un premier album où la réalité et l’imaginaire s’entrechoquent…

À huit ans, Camille est une gamine comme toutes les gamines ou presque, un peu téméraire, pour ne pas dire turbulente dans la journée, un peu froussarde à la nuit tombée. Alors, afin qu’elle s’endorme plus facilement, sa mère japonaise lui raconte les plus beaux contes de son pays l’initiant ainsi à sa culture.

Mais la vie n’est pas toujours un conte de fée et la mère de Camille est malheureuse. Son pays, sa famille, lui manquent. Camille est effrayée à l’idée qu’elle reparte un jour au Japon. De quoi perturber ses nuits…

C’est Sébastien Gnaedig, directeur éditorial de Futuropolis et juré pour différentes écoles d’illustration et de bande dessinée, qui a remarqué le travail de Camille Royer. Mon premier rêve en japonais était à l’origine un dossier de fin d’étude. « J’ai tout de suite été frappé par des images puissantes, un style déjà singulier… », explique-t’il. « Et un récit fort : celui de l’enfance aux carrefours de 2 cultures où très vite affleure une gravité sur des scènes du quotidien à priori anodines ».

« Lors de ma dernière année à l’école Estienne… », raconte Camille Royer, « j’ai choisi de faire mon stage de fin de cycle au Japon, chez un illustrateur. J’avais envie de créer ma propre relation avec ce pays, loin des histoires de famille houleuses. Y aller pour mon dessin, c’était créer ma propre histoire avec le pays natal de ma mère, de mes grands-parents. Dessin et dessein se confondant certainement. J’ ai appris à lâcher l’aquarelle que j’utilisais à outrance. Mon maître tokyoïte m’a entrainée tous les jours à épurer mon dessin et alléger mes couleurs. Je suis rentrée en France, réconciliée avec le Japon. Ce livre porte les fruits de cette réconciliation. Sans le savoir, je posais déjà les bases d’un premier livre de bande dessinée ».

Un premier album surprenant mais qui ne peut laisser indifférent tant d’un point de vue graphique que narratif. Entre quotidien et imaginaire, Mon premier rêve en japonais raconte la construction identitaire d’une enfant partagée entre deux cultures.

Eric Guillaud

Mon premier rêve en japonais, de Camille Royer. Futuropolis. 21€

@ Futuropolis / Royer

14 Sep

Mamas, un petit précis de déconstruction de l’instinct maternel signé Lili Sohn

Est-ce que le féminisme est soluble dans la maternité ? Ou peut-être l’inverse ? C’est toute la question que se pose Lili Sohn dans cet ouvrage paru aux éditions Casterman. Un peu plus de 300 pages où l’on parle d’instinct maternel et de conscience féministe, d’horloge biologique et de pression sociale..

Oui la couverture est rose. Mais ne vous y fiez pas. L’auteur Lili Sohn n’a pas perdu de son mordant pour s’attaquer aux préjugés, aux stéréotypes. Elle l’a déjà fait dans ses albums précédents, La Guerre des tétons et Vagin Tonic, elle le fait à nouveau ici en racontant son expérience personnelle. Avec des doutes bien sûr, avec des interrogations mais aussi des convictions.

Et elle commence par le début, par son enfance. De quoi rêvait Lili Sohn enfant ? En 1, d’avoir un mari gentil, en 2 d’habiter au bord de la mer et en 3… d’avoir quatre enfants.

En grandissant, Lili Sohn a découvert la vie et remis à plus tard ses envies d’enfant. D’ailleurs, en avait-elle encore envie ? Puis elle s’est battu contre un cancer du sein à coups de chimiothérapie (elle le raconte dans La Guerre des tétons) au risque de devenir stérile. Et depuis ce jour-là, depuis cette éventualité de ne plus pouvoir mettre au monde, Lili Sohn n’a plus qu’une obsession, un truc viscéral, quasi-indépendant d’elle-même : avoir une enfant.

« Est ce que c’est mon instinct maternel qui se réveille ? Je suis totalement obsédée part mon désir d’enfant! », écrit-elle dans le livre.

Obsédée, c’est le mot. Mais en même temps circonspecte! Et de se poser des questions sur cet instinct maternel et la maternité au point de penser qu’elle a trahi. Trahi quoi ? Un idéal ? « En fait, j’ai le sentiment de trahir le féminisme », continue-t-elle.

Et de citer quelques personnalités comme Simone de Beauvoir qui, s’expliquant sur la maternité déclara : « Je ne la refuse pas ! Je pense seulement qu’aujourd’hui c’est un drôle de piège pour une femme ».

Un piège ? Pour Lili Sohn, « c’est vraiment le mot… », explique-t-elle dans une interview, « Avec un désir d’enfant, tu te sens en porte-à-faux et à contre-courant de l’émancipation féministe »

Avec finesse et humour, Lili Sohn raconte donc son chemin de pensée jusqu’à l’accouchement et au-delà sans jamais avoir la prétention de détenir la vérité et de donner l’évangile. « J’ai l’impression qu’avec mon histoire et en me dévoilant sincèrement, j’amène facilement mes lecteurs d’une question à l’autre, sans avoir une étiquette militante. Je n’impose d’ailleurs jamais mes opinions. Je raconte mes sentiments et mes raisonnements personnels, et je pars en toute honnêteté de ma propre ignorance, sans présupposer celle des lecteurs. Mes livres sont des carnets de route qui rebondissent vers des réflexions plus larges ».

Et si vous pensez que ce livre à la couverture rose ne s’adresse pas aux garçons, vous avez tort. Car au-delà de ses interrogations sur la maternité et le féminisme, Lili Sohn nous interroge tous sur la liberté de l’individu face à la société et ses diktats.

Eric Guillaud

Mamas, de Lili Sohn. Casterman. 20€

@ Casterman / Sohn

 

12 Sep

Nous avons testé pour vous : la box découverte de la librairie de la bande dessinée à Angoulême

C’est un concept en plein essor dans le monde du e-commerce, la vente de box par abonnement. Même les libraires s’y sont mis à l’image de la Librairie de la bande dessinée et de l’image à Angoulême. Mais ce concept est-il toujours intéressant pour le lecteur ? Réponse ici…

La boîte découverte du mois d’août

Produits de beauté, gastronomie, vin, bière, vinyles, livres… depuis une dizaine d’années, la vente de box par abonnement est devenue une tendance forte du e-commerce au point de révéler un nouveau comportement du consommateur qui privilégie ici la surprise et la découverte à l’achat mûrement réfléchi.

Vous êtes un amateur mais vous n’avez pas le temps de chercher ou ne savez pas par quoi débuter, on choisit pour vous, on vous l’envoie et vous n’avez plus qu’à ouvrir le paquet et profiter. C’est le concept des box par abonnement.

Dans le secteur de la bande dessinée, un site de vente en ligne par abonnement, La Box BD, s’est développé sur ce modèle tandis que plusieurs librairies en ligne s’en sont inspirées pour proposer à leur tour des box, Momie par exemple ou la Librairie de la bande dessinée et de l’image à Angoulême qui nous intéresse aujourd’hui.

Sur le site de cette dernière, on parle de boîte découverte ou de boîte mystère, chaque envoi associant au roman graphique sélectionné par les libraires une ou plusieurs surprises « choisies selon le thème, la saison, les envies ».

On a donc eu envie de tester tout ça. Premier constat, question livraison, pas le temps de s’impatienter, la boîte est arrivée à destination très rapidement. Et surtout très bien protégée.

Une fois déballée, nous découvrons une boite grise très tendance, avec son beau ruban bleu et la carte de la librairie. Pas d’erreur possible, c’est bien la box tant attendu.

Bon Ok, l’emballage est beau mais ce qui nous intéresse vraiment est à l’intérieur. Ouverture du paquet…

Enveloppée dans un beau papier de soie jaune, le livre et ses surprises.

Côté livre, ceux qui pouvaient s’attendre à un roman graphique seront peut-être un peu déçus, ceux qui s’intéressent par contre à l’écriture et au dessin, à la conception même d’une bande dessinée, seront aux anges. En effet, le choix du mois s’est porté sur Ma Leçon de BD par Franquin, un livre de Roger Brunel dans lequel l’auteur dévoile les conseils que lui a prodigué le maître André Franquin à l’occasion de sa première bande dessinée, Graphos et Mandou, publiée dans les pages du journal Spirou, le tout en images, Franquin lui ayant envoyé à l’époque, c’était dans les années 70, les corrections sous forme de croquis, 19 pages de crayonnés accompagnés de commentaires.

Côté surprises, les libraires ont gardé l’idée d’un regard sur la création en accompagnant l’album d’un carnet de dessin Daler Rowney au format A5, d’une gomme rectangulaire ainsi que d’un crayon de la marque Koh-I-Noor, d’un feutre Uni-Pin line avec une pointe de 0,7 mm, d’un crayon aux couleurs de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image et d’une carte postale Spirou et Fantasio avec quelques infos sur la box au verso.

Ma leçon de BD par Franquin / @ Glénat – Brunel

La surprise est belle mais question prix, on en est où?

On sort la calculatrice et on fait les comptes : 11,5€ l’album + 7,5€ environ de matériel de dessin, on arrive à 19€, auxquels il faut ajouter l’envoi par La Poste, 7,80€, la boîte, le ruban et le papier de soie, disons 3€. Au total donc, on avoisine les 30€ pour un abonnement à… 40€ par mois.

Dans le cas précis de cette boite, vendue en août, la surprise et la découverte seraient donc facturées au prix d’environ 10€, ce qui peut sembler élevé mais trouve son explication semble-t-il dans la jeunesse du concept.

« Notre concept ayant moins d’un an, nous sommes en phase de test et par conséquent, nous essayons autant que faire se peut d’équilibrer le prix de revient entre les différents mois… », nous a expliqué Marie Auguste, de la libraire de la bande dessinée et de l’image, « Par exemple, pour le mois de juillet, notre coût de revient était supérieur au prix public de la boîte découverte. Elle comportait la bande dessinée Jeune fille en Dior de chez Dargaud ; un ensemble de produits dérivés liés à l’exposition Mode et bande dessinée (exposition de l’été à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême) à savoir un tote-bag, un miroir de poche et son pochon, un carnet de note, une trousse de toilette, une carte postale ».

Bref, vous l’aurez compris, certains mois sont plus intéressants que d’autres d’un point de vue purement pécuniaire. Parmi les livres retenus ces derniers mois, on trouvait : Animabilis (Thierry Murot, Futuropolis, 23€) en janvier 2019, L’Art du sushi (Franckie Alarcon, Delcourt, 18,95€) en avril 2019, Le Patient (Timothé Le Boucher, Glénat, 25€) en mai 2019 ou encore Sortir de terre (Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer, Editions de la Goutière, 15€) en juin 2019…

Alors, intéressant ou pas la boîte découverte ?

Pour les amateurs éclairés et gros acheteurs de BD, clairement non. Pour les amateurs occasionnels qui n’ont pas le temps de suivre l’actualité et qui aiment être surpris, oui. Pour un cadeau à un amateur averti, non. Pour un cadeau à un amateur occasionnel ou à un néophyte, oui.

Eric Guillaud

Plus d’infos sur la librairie de la bande dessinée et sur la boîte découverte ici

11 Sep

Jojo, Michel Vaillant, Zorglub, Les vacheries de Nombrils, Mort et déterré, Les Cavaliers de l’apocadispe… La belle rentrée des éditions Dupuis en dix albums

Chez Dupuis comme dans toutes les maisons d’édition à pareille époque, ça se bouscule légèrement du côté des nouveautés. Plus de 25 titres entre fin août et début septembre sont parus, de quoi s’y perdre un peu, se ruiner beaucoup. Alors voici une petite sélection maison, dix albums que nous avons aimés…

On commence avec l’affreux Jojo, pas si affreux que ça en fait. Il est même plutôt sympa notre Jojo avec sa bouille toute ronde, sa casquette verte et sa salopette rouge. Haut comme trois pommes grignotées, Jojo fut l’un des premiers enfants terribles de la bande dessinée franco-belge, ouvrant la voie à d’autres garnements comme Le Petit Spirou et Titeuf. Empruntes de poésie et de douceur, ses aventures évoquent l’enfance et ses grands questionnements, la famille, les copains, la mort, l’absence, le manque… la vie en fait. Cette troisième intégrale réunit cinq albums parus entre 1999 et 2003, Le Retour de papa, La chance de Sébastien, Les choix de Charlotte, Jojo au pensionnat et Une pagaille de Dieu le Père. C’est beau, sensible, bourré d’émotion et de tendresse, c’est du Geerts ! (Jojo L’Intégrale tome 3 1999 – 2003, de Geerts. 35€)

Une autre réédition, plutôt pour les adultes cette fois, L’Almanach de Servais réunit douze récits. À chaque mois son prénom, à chaque prénom son conte campagnard délicatement teinté de fantastique et d’érotisme. Paru initialement en 1988, L’Almanach enchantera ceux qui aiment le graphisme réaliste, Servais excelle dans ce domaine avec un trait absolument minutieux et sublime. Mais Servais est aussi un merveilleux conteur qui sait embarquer le lecteur comme personne dans des histoires pleines de mystères, de traditions et de croyances (L’Almanach, de Servais. 35€)

Il est assurément l’un des plus grands coureurs automobile au monde, un héros comme nul autre, Michel Vaillant est de retour pour une nouvelle aventure, la huitième de la nouvelle saison. Et c’est toujours le même bonheur, un scénario aux petits oignons, un graphisme dynamique de toute beauté et un héros au top qui, après avoir remporté les 24H du Mans, se retrouve par un concours de circonstances au volant d’une F1 Renault embauché pour courir le Grand prix de France. Treize jours, c’est le temps qu’il lui reste pour se refaire une condition physique, oublier ses réflexes acquis dans les courses d’endurance et pour dompter la bête. Magnifique ! (Michel Vaillant, 13 Jours, de Graton, Lapière, Benèterau et Dutreuil. Dupuis, 15,95€)

Amour, gloire et jalousies, bienvenue au royaume de Blanche-Fleur où tout le monde s’apprête à fêter le mariage de la princesse Cécile. Pour l’occasion, la tavernière du royaume, Anne, a lancé la construction d’une nouvelle taverne mais le chantier est à l’arrêt faute de main d’oeuvre. Et pire que tout, l’odieuse Candice, son ennemie, a elle-aussi décidé d’ouvrir une taverne, juste en face, la plus belle taverne du monde. « Ce sera chic et pas cher », prévient-elle. Entre Anne et Candice, forcément, c’est un peu la guerre mais ce n’est rien à côté de ce qui se trame dans les couloirs du palais. Certains veulent la tête du roi, notamment la reine qui fomente une invasion du royaume avec l’aide de son frère… Nul besoin d’avoir lu les six volumes de la très belle série Le Royaume pour se plonger dans ce one-shot où on y retrouve les principaux personnages. Comme toujours, et malgré les coups tordus qui s’enchaînent à la vitesse d’un cheval au galop, Feroumont nous offre un récit en forme de conte de fée, léger, drôle et moderne ! (Le Royaume de Blanche-Fleur, de Feroumont. 19,95€)

La finance vous passionne mais vous n’y comprenez rien et ne savez pas par quel bout l’aborder ? Alors, ce livre est fait pour vous. Olivier Bossard, directeur exécutif du master Finance de HEC Paris et professeur de finance à Pékin et Tokyo (oui, quand même!) s’est toujours impliqué pour la rendre accessible à tous, en donnant des cours et aujourd’hui avec ce petit livre publié par les éditions Dupuis. Pourquoi dans une maison d’édition dédiée à la bande dessinée me direz-vous ? Tout simplement parce que l’auteur s’appuie visuellement sur une série phare de l’éditeur, Largo Winch, qui nous plonge depuis 1990 dans le monde de la finance. Qu’est-ce qu’un délit financier, un marché émergent, un paradis fiscal, les stocks options ? Quelles sont les grandes places financières ? Comment lance-t-on une offre publique d’achat hostile ? Comment se fait l’accès aux marchés financiers ? Autant de questions auxquelles Olivier Bossard apporte des réponses avec des mots simples et des illustrations extraites des aventures de Largo Winch. (Largo Winch, introduction à la finance, d’Olivier Bossard. 25€)

Nouvelle série, nouveau héros, nouveaux auteurs BD, Mort et déterré des Québécois Jocelyn Boisvert et Pascal Colpron nous embarquent dans le monde des zombies en compagnie d’un ado, Yan Faucher, tué accidentellement par un dealer. Tué, enterré mais aussi vite déterré par son meilleur ami, notre zombie « cent pour cent réel » retourne promener sa mauvaise mine et son odeur de cadavre ambulant du côté de chez lui où depuis sa mort, la grande soeur tourne mal, la mère perd les pédales et le père, sa fierté. Bref, du boulot pour Yan bien décidé à ne pas laisser sa famille se consumer à petit feu. Zombiesque ! (Mort et déterré tome 1, de Boisvert et Colpron. 9,90€)

On connaissait l’humour au dessous de la ceinture, Delaf et Dubuc ont osé l’humour au niveau du nombril. 12 ans que ça dure et fait un carton auprès des ados. 8 albums, près de 2 millions d’exemplaires vendus, alors forcément ça donne des ailes et des idées comme cette série parallèle aux Nombrils. Elle s’appelle Les vacheries des Nombrils et permet aux auteurs de renouer avec l’esprit du tout début de la série, des gags en une page libérés du carcan parfois rigide d’une histoire en 50 pages. Le deuxième tome paru en cette rentrée nous permet de retrouver nos trois héroïnes délurées et leurs vacheries… (Les vacheries des Nombrils, de Dubuc et Delaf. 10,95€)

« Pour moi, c’est un des personnages de la série les plus riches et les plus vrais, en fin de compte.», confiait l’auteur Jose Luis Munuera à la sortie du premier tome. « Même si, au départ, il incarne un archétype, celui du savant mégalomane, celui du méchant des années cinquante, des James Bond des débuts, ce côté-là est contrebalancé par son profil de gaffeur impénitent, de crétin pitoyable qui essaie d’attirer l’attention du monde entier par ses inventions qui se révèlent de plus en plus ridicules ! À cause de, ou grâce à, ces contradictions, c’est un personnage qui détient un charme et un potentiel dramatique formidables! » Et ce personnage, vous l’aurez deviné, c’est Zorglub. Créé en 1959 par André Franquin pour le récit Z comme Zorglub de la série Spirou et Fantasio, Zorglub vit aujourd’hui ses propres aventures. Il revient dans un troisième tome surprenant où l’on croise un Elvis Presley et quelques autres stars mais surtout une charmante Lady Z qui pourrait lui faire tourner la tête… (Zorglub tome 3, de Munuera. 10,95€)

Inutile de présenter Lewis Trondheim à moins que vous reveniez d’un voyage intergalactique de plusieurs décennies. L’auteur, parmi les plus prolifiques de la planète BD, achève avec ce douzième tome intitulé Lâcher prise la saga fantastique moyenâgeuse Ralph Azam. Et si vous voulez connaître la fin, ne comptez pas sur moi pour vous la dévoiler, la seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il y a effectivement du lâcher prise.  (Ralph Azam tome 12, de Trondheim. 12,50€)

Aïe aïe aïe, les cavaliers de l’apocalypse, pardon de l’apocadispe, sont de retour et ça pourrait bien être le carnage général, y compris dans le peloton du Tour de France, oui oui, que ces trois garnements vont réduire à l’état de bouillie par leur maladresse légendaire. Mais bon, un peu de scotch et rien n’y paraîtra plus. Un deuxième tome aussi déglingué que le premier signé Libon qui avait précédemment, en compagnie de Sergio Salma, imaginé les aventures d’Animal lecteur. De quoi rester scotché ! (Les Cavaliers de l’apocadispe, de Libon. 12,50€)

09 Sep

Oblivion Song : le papa de The Walking Dead se lance dans la science-fiction

Un monde parallèle, des scientifiques qui ont trop voulu jouer avec mère Nature, des militaires cyniques, un homme en quête de rédemption… Voici quelques-uns des ingrédients de cette nouvelle série qui verse certes dans le spectaculaire mais qui n’oublie jamais l’humain.

Oblivion Song pourrait presque être une série de science-fiction comme les autres, avec ses histoires de mondes parallèles et ses monstres terrifiants et démesurés régnant sur un monde cauchemardesque. Sauf que derrière tout ça, on retrouve le scénariste de la série mondialement connue The Walking Dead, Robert Kirkman dont on reconnaît d’ailleurs très vite le style. Et ça fait toute la différence.

Sa patte ? Imbriquer de l’horreur pure, mais galvanisée par le champ des possibles offert par la science-fiction, dans un contexte malgré tout très humain où chaque personnage a le temps de prendre de l’épaisseur et de laisser paraître ses forces mais aussi ses fragilités.

Le point de départ de la série est assez ambitieux : dix ans auparavant, sans crier gare, toute une partie de la ville de Philadelphie a disparue dans une autre dimension, ses 300,000 habitants avec. Des scientifiques ont malgré tout réussi à fabriquer une sorte de pont entre les deux mondes. Depuis, l’un d’entre eux fait quotidiennement le voyage pour tenter de ramener des gens parmi ceux qui ont réussi à survivre dans ce monde surnommé ‘Oblivion’ (‘oubli’), bien que cernés par des monstres de cauchemar et des moyens limités. Mais il cherche avant tout son frère, disparu corps et âme depuis la catastrophe…

@ Delcourt / Kirkman, de Felici & Leoni

Très réussie visuellement, cette nouvelle saga post-apocalyptique (dont les droits ont déjà été vendus au cinéma) est tout-à-tour bouillonnante et mélancolique. Certes, le tout met un certain temps à démarrer mais ensuite, cela va à un train d’enfer. Trop parfois, (surtout dans le tome 2, sorti cet été) et on a parfois un peu du mal à suivre. Mais cela vaut le coup de s’accrocher car Oblivion Song a les qualités de ses défauts. Notamment cette obsession qu’a toujours eu Kirkman de tout miser sur ses personnages et d’en faire les derniers espoirs d’une société sinon en pleine décadence. Ici, la clef de voûte de son récit reste l’opposition régnant entre ces deux frères qui ont tous les deux fait deux choix de vie très différents mais qui vont devoir, malgré tout, s’entraider.

À travers leur quête commune, on découvre donc une réflexion à peine voilée sur la notion de résilience, de rédemption mais aussi de culpabilité. On peut aussi y coller plein d’autres choses comme une métaphore sur un monde post-11 Septembre ou les Etats-Unis sous Trump mais bon, chacun y verra ce qu’il veut. Reste que tout cela faisait, justement, déjà la saveur de The Walking Dead et que cette double-lecture marche de nouveau très bien ici. Surtout qu’avec son épilogue aussi inattendu que frustrant, malgré ce que le deuxième tome laisse initialement croire, on en a visiblement pas fini avec Oblivion Song, bien parti pour prendre le même chemin que son illustre grand frère.

Olivier Badin

Oblivion Song tome 1 & 2, de Robert Kirkman, Lorenzo de Felici et Annalisa Leoni, Delcourt, 16,50€

@ Delcourt / Kirkman, de Felici & Leoni

03 Sep

Les éditions Rouquemoute font leur rentrée!

Il n’y a pas que les écoliers à faire leur rentrée, les éditeurs aussi. Avec un peu moins la boule au ventre, quoique, et des centaines de nouveaux livres dans la besace. C’est la rentrée littéraire, le rendez-vous incontournable de l’année chez Rouquemoute comme ailleurs…

Souvenez-vous, nous leur avions rendu une petite visite en janvier dernier à l’occasion de leur deuxième anniversaire, les éditions Rouquemoute étaient installées du côté de la place du 8 mai à Rezé. Elles le sont toujours mais plus pour très longtemps. C’est le grand projet de l’année 2019, il devrait bientôt se concrétiser, de nouveaux locaux au coeur du quartier de la création sur l’île de Nantes pour accueillir en plus de leurs bureaux, un café librairie dédié à l’édition BD indépendante nantaise. Son nom :  Les Boucaniers.

La suite ici

02 Sep

Conan chez Marvel : Quel souffle par Crom !

Les plus grands héros ne meurent jamais. Et surtout pas Conan. La maison mère des Quatre Fantastiques et d’Iron Man a jeté une nouvelle fois son dévolu sur le cimmérien et le résultat est aussi sanglant qu’énorme…

On a déjà eu l’occasion plusieurs fois de le dire dans ce blog : bien que méprisé en Europe, et surtout en France, chez lui aux Etats-Unis, le personnage de Conan le Barbare reste synonyme de business. De gros business même. Notamment dès que l’on touche à son adaptation BD, dont les premières esquisses remontant aux années 60 furent d’ailleurs à l’avant-garde de sa reconnaissance. Or vu que sur le vieux continent ses droits sont tombés dans le droit commun, n’importe qui peut aujourd’hui se le réapproprier et on assiste depuis peu, notamment à travers la récente série d’adaptation lancée par Glénat avec des auteurs français, à une timide mais réelle campagne de réhabilitation.

Enfin ça, c’est chez nous. Parce que de l’autre côté de l’Atlantique, ces droits sont encore gérés par les descendants de Robert E. Howard et cela reste une histoire de gros sous. D’où une licence ayant plusieurs fois changé de mains depuis un demi-siècle. Et après des années chez Dark Horse, elle est revenue aujourd’hui du côté du Marvel, qui l’avait déjà exploitée entre 1970 et 1993 avant de l’abandonner sur un coup de tête. Histoire de fêter son retour au bercail, la maison à idées comme on l’appelle a donc décidé de mettre le paquet ! D’où l’annonce immédiate de quantités de ‘spin-off’, de produits dérivées et de divers projets, avec en guise de tête de gondole la résurrection de la série Conan The Barbarian (‘Conan le Barbare’ en VF) qui avait été brillamment lancée par le duo Roy Thomas Barry Windsor-Smith en 1970.

@ Marvvel – Panini Comics / Aaron, Asar & Zaffino

Alors si l’on se base sur les six premiers épisodes réunis dans un premier tome vendu pour le prix imbattable de dix euros, histoire d’attirer les curieux, on peut déjà dire que c’est une réussite. Déjà parce qu’au-delà la couverture signée par le désormais trop rare Esad Ribic, on retrouve ici au scénario Jason Aaron, vétéran des X-Men. Et le gars a visiblement bossé son sujet, profitant de l’occasion pour le ‘réactualiser’ tout en collant au plus près à l’esprit originel de son créateur. Ici, Conan est plus que jamais frustre, très physique, sans remord et pourtant nanti d’une sorte de moral bien à lui. Bref, un barbare dans le sens noble du terme et que l’on retrouve ici à plusieurs stades de sa vie, même si le fil rouge est cette nouvelle méchante qui promet, cette ‘crimson witch’ en VO (‘sorcière cramoisie’) qui veut à tout prix voler son sang pour réveiller son dieu malfaisant.

Épique, très graphique et en même temps proche du souffle quasi-cinématographique des récits originels, cette pourtant xième adaptation donne juste envie d’empoigner son glaive et d’aller tailler dans le gras en hurlant ‘croooooom’, tant elle est entraînante. Vivement la suite nom de Zeus, surtout que le titre est volontairement pessimiste et que, bien sûr, le tout se termine sur un cliffhanger difficilement supportable…

Olivier Badin

Conan le Barbare, tome 1 : Vie et Mort de Conan, de Jason Aaron, Mahmud Asar et Gerardo Zaffino, Marvel/Panini Comics, 10 €

Bienvenue en Chine : le témoignage d’un expat signé Milad Nouri et Tian-You Zheng

Nouveaux dans la bande dessinée, Milad Nouri et Tian-You Zheng signent un premier roman graphique réussi aux éditions Delcourt, un témoignage d’expatrié en Chine qui rappellera à certains le Shenzhen de Guy Delisle…

En Chine, pour imiter le canard, on fait « ka ka » et non « coin coin » comme en France. Ça peut vous sembler futile, dérisoire, voire comique, mais ça en dit long sur les différences pouvant exister et perdurer entre nos deux cultures. Pour se faire comprendre par un restaurateur chinois, Milad Nouri finit par dessiner nos amis palmipèdes. Là, plus d’erreur possible !

C’est par le dessin également qu’il nous raconte aujourd’hui son expérience d’expat en Chine. En confiant cette fois les crayons à un dessinateur, un vrai, Tian-You Zheng. Car lui a beau savoir dessiner les canards, il est quand même plus à l’aise dans le commerce international et dans l’entrepreneuriat.

Des sociétés, Milad Nouri en a créé plusieurs, à la fois en Chine où il s’est installé il y a maintenant une douzaine d’années, et à Hong Kong. Bienvenue en Chine raconte son parcours, à commencer par son premier séjour à Canton avec une bande d’amis étudiants comme lui. Puis, une fois son diplôme en poche, c’est son installation que nous suivons, ses débuts dans le business, sa rencontre avec celle qui deviendra sa femme, une Chinoise… Bien sûr, rien n’est simple. À toutes les étapes de sa vie professionnelle ou intime, Milad est confronté à une foultitude de difficultés. On le suit avec intérêt, plaisir et amusement tant le décalage est énorme et propice à des situations ubuesques.

Impossible en lisant Bienvenue en Chine, de ne pas penser à Shenzhen du Canadien Guy Delisle. Dans le fond et dans la forme, les deux ouvrages sont finalement assez proches, offrant un identique trait faussement naïf, quoiqu’un peu plus épuré ici, une bonne touche d’humour et parfois de gravité lorsqu’il s’agit d’évoquer la mort accidentelle de sa première petite amie chinoise. À lire? Non, à dévorer…

Eric Guillaud

Bienvenue en Chine, de Milad Nouri et Tian-You Zheng. Delcourt. 17,95€

@ Delcourt / Nouri & Zheng

29 Août

Pages d’été. Un Anglais dans mon arbre, Olivia Burton sur les traces de son ancêtre explorateur avec Mahi Grand

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Non, Un Anglais dans mon arbre ne raconte pas l’histoire d’un espèce de farfelu anglais dans un arbre perché même si le titre et la couverture peuvent aisément le laisser supposer. Si on parle d’arbre ici, c’est d’arbre généalogique, et si on parle d’Anglais, c’est d’un ancêtre décédé depuis belle lurette, précisément un ancêtre d’Olivia Burton, auteure de ce livre paru chez Denoël Graphic en mars dernier, un arrière-arrière-grand-père dont elle découvre l’existence le jour des funérailles de son père.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire et il faut guère de temps à Olivia Burton pour remonter la filière et en découvrir un peu plus sur ce Sir Richard Francis Burton,c’est son nom, aventurier et explorateur au long cours, écrivain, poète, linguiste, diplomate, premier traducteur du Kâmasûtra mais aussi des Mille et une nuits, oui oui, premier occidental à pénétrer dans La Mecque (déguisé en musulman) et découvreur des sources du Nil. Surprise et heureuse de cette belle découverte, Olivia Burton décide d’abandonner sa petite vie confortable et de se faire elle-aussi aventurière en se lançant sur les traces de l’ancêtre, façon remake.

Ce sont ses pérégrinations que retrace donc Un Anglais dans mon arbre, avec au programme pas mal d’émotions, de découvertes, d’humour, une belle balade sur le continent africain le tout subtilement mis en images par Mahi Grand. C’est lui qui avait illustré le premier scénario d’Olivia Burton, L’Algérie c’est beau comme l’Amérique paru chez Steinkis en 2015 et dont on disait déjà le plus grand bien ici-même. Un très bon livre à déguster dans votre arbre ou ailleurs…

Eric Guillaud

Un Anglais dans mon arbre, de Olivia Bruton et Mahi Grand. Denoël Graphic, 23 € (paru en mars 2019)