19 Déc

Chroniques de Noël : Alice au pays des merveilles… et nous avec

La période de Noël est propice aux ‘beaux livres’ comme on aime le dire. Mais au-delà de son format XL et de sa luxueuse présentation, cette nouvelle adaptation du célèbre roman de Lewis Carroll est avant tout une belle déclaration d’amour à ce texte plein de faux-semblants qu’on nous a, pendant des années, faussement présenté comme un conte pour enfants…

Oubliez les versions successives de Walt Disney et de Tim Burton. Elles n’ont pas, malgré leur succès auprès du jeune public, réussit à masquer la vérité : oui, publié pour la première fois en 1885, Alice Au Pays Des Merveilles est surtout une grosse pilule de LSD. Un trip plein de chapelier fou, de lapin toujours en retard et d’hallucinations qui n’en sont pas peut-être pas tant que ça… Il aurait été donc très tentant pour l’illustrateur Daniel Cacouault d’illustrer cette Xe adaptation d’une façon très psychédélique et délurée. Trop même.

Intelligemment, cet illustrateur qui vit entre Paris et Nantes, et qui enseigne, entre autres, à l’école des Gobelins a donc préféré puiser dans son expérience passée sur les contes de Grimm pour à la fois s’ancrer complètement dans l’univers victorien d’origine avec ses haut-de-forme, ses robes opulentes ou ses coiffes raphaelites tout en baignant le tout dans une atmosphère doucereuse de rêve éveillé.

En gros, prenez le compatriote de Carroll, le célèbre peintre John Martin, ôtez à ses oeuvres leurs symboliques guerrières voire sataniques et vous obtiendrez plus ou moins le même résultat.

© Bragelonne / Caroll & Cacouault

Ici, Alice n’est plus une enfant mais pas encore tout à fait une adulte. Elle rencontre des créatures fantastiques dont on ne sait si elles lui veulent du bien et du mal, tout comme on ne sait jamais ici si on nage en plein fantasme ou si ces forêts de champignons géants, par exemple, existent vraiment.

En fait, en gardant toutes ces frontières floues sans jamais en gommer la beauté intrinsèque, Daniel Cacouault, qui avoue avoir été aussi influencé par le travail du grand réalisateur japonais d’animation Hayao Miyazaki, rend hommage de la plus belle façon au texte d’origine dont il respecte, voire sublime, le parti-pris malicieux.

À ce titre, la postface où le traducteur Maxime Le Dain explique toute la difficulté, mais donc aussi l’intérêt, de traduire un texte bourré de références plus ou moins cachées à la culture anglo-saxonne populaire du XIXème siècle est aussi éclairante. Alors, un ‘beau livre’ comme on dit donc ? Oh que oui. Mais pas que…

Olivier Badin

Alice Au Pays Des Merveilles de Lewis Carroll, illustré par Daniel Cacouault et traduit par Maxime Le Dain, Bragelonne, 35€

© Bragelonne / Caroll & Cacouault

2020, année de la BD : des centaines d’événements partout en France annonce le ministre de la Culture

Le ministre de la Culture Franck Riester a lancé mercredi 18 décembre BD 2020, une année qui aura pour objectif de mettre en valeur « la formidable vitalité de la bande dessinée, le savoir-faire et la créativité de nos artistes, la richesse et la diversité des œuvres, et un patrimoine remarquable ».

2020 année de la BD ! C’est officiel depuis hier avec le discours de lancement prononcé par le ministre de la Culture Franck Riester, 2020 sera donc une année nationale de la BD avec quatre marraines et parrains, Florence Cestac, Catherine Meurisse, Jul et Régis Loisel, des centaines d’événements annoncés à travers la France et des actions en faveur des auteurs. 

Plus de 300 événements partout en France

Le détail des rendez-vous n’est pas encore connu mais le ministre parle de plusieurs centaines d’événements au plus près des Français.

« Tout au long de l’année 2020, nous allons promouvoir la bande dessinée, dans toute sa diversité, partout en France et dans le monde, favoriser l’intégration de cet art à nos politiques culturelles et veiller à mieux accompagner tous les créateurs (…) Pour cela, la bande dessinée doit s’enraciner dans les manifestations culturelles proposées dans tous nos territoires, trouver plus de place encore dans les bibliothèques et les médiathèques qui sont nos premiers services culturels de proximité.  Je sais que nous pouvons déjà compter sur les initiatives de nombreuses collectivités territoriales. Je pense en particulier, bien entendu, à Angoulême, devenue depuis de nombreuses années la capitale mondiale de la bande dessinée ».

Une commande publique nationale d’estampes

« Pour enrichir notre patrimoine et le faire circuler partout en France, j’ai décidé de lancer une commande publique nationale d’estampes. Cette commande mettra en valeur le travail des artistes de la BD. Leurs œuvres intégreront les collections du centre national des arts plastiques et pourront aussi être empruntées auprès des artothèques ».

La langue française en avant

« Le dynamisme de la BD française hors de nos frontières pourra naturellement s’appuyer sur la francophonie. Créer en langue française, cette langue que nous partageons avec 300 millions de locuteurs à travers le monde, est aussi une chance dans une compétition internationale toujours plus intense. Je sais pouvoir compter sur les actions menées par l’Institut français pour permettre aux œuvres de nos créateurs de rencontrer un public toujours plus large ».

Des actions dans les écoles

« Vous le savez, l’un de nos objectifs prioritaires est que 100 % des enfants de 3 à 18 ans bénéficient d’actions d’éducation artistique et culturelle à l’école. Dans cette perspective, je souhaite que la bande dessinée y trouve toute sa place. Je salue l’implication du Ministère de l’Education nationale et de la jeunesse dans « BD 2020 » pour travailler ensemble dans cette direction. Ainsi, nous permettrons que nos enfants se familiarisent avec le 9e art et aillent à la rencontre des créateurs, qui sont déjà nombreux à s’engager pour la transmission de leur art. Créer en langue française, cette langue que nous partageons avec 300 millions de locuteurs à travers le monde, est aussi une chance dans une compétition internationale toujours plus intense. Je sais pouvoir compter sur les actions menées par l’Institut français pour permettre aux œuvres de nos créateurs de rencontrer un public toujours plus large ».

Des actions concrètes au service des auteurs et des créateurs

« Au début de cette année, j’ai demandé à Bruno Racine de mener une mission d’analyse et de prospective autour des artistes auteurs, de leur place dans notre société. Son travail est aujourd’hui achevé. Il me sera remis prochainement et nous permettra d’envisager des actions concrètes au service des auteurs et des créateurs. Je veux faire de BD 2020 une chance pour entreprendre un certain nombre d’expérimentations au service des créateurs. Une occasion de conforter les éléments de connaissance dont nous avons besoin pour conduire notre action ».

L’intégralité du discours est disponible ici

16 Déc

Chroniques de Noël. La Tournée : une bonne dose d’humour british façon Andi Watson…

Noël approche et vous séchez affreusement côté cadeaux ? Pas de panique, les Chroniques de Noël sont là pour vous venir en aide avec des bandes dessinées qui pourraient bien faire de l’effet au pied du sapin. Comme celle-ci, La Tournée, une histoire savoureusement kafkaïenne au graphisme joyeusement minimaliste…

Vous imaginiez la vie d’écrivain fascinante, les tournées de dédicaces effervescentes, les rencontres incessantes ? Alors cet album-là pourrait bien vous amener à réviser quelque peu votre jugement.

Certes, G.H. Fretwell, le héros de cette histoire, n’a rien d’un écrivain célèbre, non seulement il n’est pas connu du public, mais pire encore, il n’est pas reconnu par ses pairs. Juste un petit écrivain qui vérifie tous les jours si la chronique littéraire du journal La Tribune parle enfin de son dernier livre baptisé « Sans K ».

C’est justement pour la promotion de celui-ci qu’il entame une tournée des librairies. Mais à chaque étape, c’est la même histoire, le libraire n’a pas reçu ses livres ou, plus pathétique encore, aucun lecteur ne daigne se présenter.

Les jours se suivent et se ressemblent, pluvieuses, tristes, jusqu’au moment où l’une des libraires, Rebecca, sans K, comme le nom de sa femme, disparaît après son passage. Il est le dernier à l’avoir vue vivante, la police le soupçonne…

Avec un dessin minimaliste, un trait simple, presque simpliste, en tout cas léger, tellement léger qu’il en deviendrait évanescent, Andi Watson nous embarque dans une histoire aussi burlesque que dramatique autour d’un pauvre type qui ne maîtrise plus rien, que ce soit dans sa vie personnelle ou professionnelle.

Connu pour ses romans graphiques qui explorent les relations entres les hommes et les femmes, parmi lesquels Breakfast After Noon (nominé aux Eisner Awards en 2001), l’auteur aborde dans ce polar à l’atmosphère très british la condition pas toujours enviable de l’écrivain. 272 pages pour rire tout de même à ses dépends et se donner envie d’en connaitre un peu plus sur Watson. Six albums ont été publiés à ce jour aux éditions Ça et Là La Tournée fait partie de la sélection officielle Angoulême 2020.

Eric Guillaud

La Tournée, d’Andi Watson. Çà et Là. 22€

© Çà et là / Watson

15 Déc

Chroniques de Noël. Clyde Fans, un pur chef-d’oeuvre signé Seth

Noël approche et vous séchez affreusement côté cadeaux ? Pas de panique, les Chroniques de Noël sont là pour vous venir en aide avec des bandes dessinées qui pourraient bien faire de l’effet au pied du sapin. Comme celle-ci, et particulièrement celle-ci, Clyde Fans du Canadien Seth, un véritable bijou d’écriture, de graphisme et de conception…

Vingt ans, oui vingt ans auront été nécessaires à Seth pour venir à bout de ce projet. Et même un peu plus si l’on remonte au moment précis où l’auteur colle son nez sur la vitrine du magasin Clyde Fans quelque part dans une rue de Toronto, aperçoit malgré l’obscurité deux portraits accrochés sur le mur du fond, et commence à imaginer l’histoire de ce lieu, fermé depuis belle lurette, et de ses habitants.

Clyde Fans a donc existé. Pour le reste, Seth a tout imaginé faisant de ce magasin le siège d’une entreprise de ventilateurs électriques créée par un certain Mr Matchcard, reprise et emmenée à la faillite par ses deux fils, Abe et Simon, qui n’ont pas anticipé l’arrivée de l’air conditionné. Un peu comme un réalisateur de films muets qui n’aurait pas cru au cinéma parlant.

« Je disais peut-être à l’époque que j’avais choisi cette devanture par goût du passé… », explique l’auteur, « ou parce qu’elle m’évoquait le progrès et l’échec. A posteriori, il me paraît évident que c’était plus simple que cela. J’ai été séduit par l’univers clôt de ce commerce disparu ».

© Delcourt / Seth

Dans cet « univers clôt », Seth élabore un monde figé, un monde qui aurait pris la patine du temps, à l’image de la devanture du magasin, un monde en noir et bleu, désuet et triste.

« Ce que j’y ai vu, et a nourri mon intérêt durant ce long projet, c’est un monde autonome. un petit monde tranquille, sombre et isolé, meublé des reliquats de l’après guerre morne de mes parents. Un monde de solitude peut-être, mais qui attirait parce qu’il existait distinctement de notre monde agité ».

© Delcourt / Seth

Seth déroule une histoire familiale sans réelle intrigue, sans faits marquants, mais qui pourtant nous absorbe du début à la fin, sur près de 500 pages. Et c’est là tout le talent d’écriture et de narration de l’auteur associé à un sacré coup de crayon. Chaque planche est une petite merveille de précision et d’élégance, on pense bien évidement par la méticulosité du dessin et par l’attention portée à la conception même du livre au Jimmy Corrigan du multi-primé Chris Ware (Une référence !), lequel a d’ailleurs écrit : « Seth est l’un des meilleurs auteurs de bande dessinée qui ait jamais vu le jour et Clyde Fans est l’un des meilleurs romans graphiques jamais écrits. Que vous faut-il d’autre ? »

Rien. Il ne nous faut rien d’autre, juste un peu de temps pour le lire et le savourer, et juste un peu d’argent pour l’acheter, plus qu’un peu d’ailleurs, c’est le seul hic de l’histoire, Clyde Fans est affiché à 50€. En période de fêtes, ça peut faire mal au porte-monnaie…

Eric Guillaud

Clyde Fans, de Seth. Delcourt. 49,90€

14 Déc

Devenez membre du jury du Prix du Public France Télévisions du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême !

Vous résidez en Nouvelle-Aquitaine, vous êtes un lecteur/une lectrice passionné(e) de bande dessinée et vous souhaitez devenir juré d’un prix littéraire ? Alors posez votre candidature pour être membre du jury du Prix du public France Télévisions lors du prochain festival d’Angoulême ! Comment faire ? On vous l’explique ici…

© extrait affiche 2020 Burns

Décerné par des lecteurs et très convoité par les éditeurs, le Prix du public du Festival de la BD d’Angoulême (FIBD) avait été mis en sommeil lors de l’édition 2019. Cette disparition n’aura été que provisoire, puisqu’il revient pour la 47e édition du festival, qui se déroulera du 30 janvier au 2 février prochain.

Comment ça fonctionne ?

Dans la sélection officielle du Festival International de la Bande Dessinée, un comité de journalistes et spécialistes de la littérature de France Télévisions choisira 10 titres. Ensuite, c’est à vous de voter !

Suite à cet appel à candidatures 9 téléspectateurs seront sélectionnés et les 10 bandes dessinées leur seront offertes en lecture. Ce jury de lecteurs se réunira le samedi 1er février dans les coulisses du Festival pour délibérer, voter et élire l’heureux/euse lauréat(e) du Prix du Public France Télévisions ! Il sera décerné lors de la cérémonie de remise des prix du Festival le soir même.

Ne tardez plus, écrivez-nous une lettre bien argumentée et exposez les raisons pour lesquelles vous voulez participer à cette nouvelle aventure. Parlez de vous, de votre passion pour la bande dessinée, aussi bien que de vos derniers coups de cœur littéraires…

Pour poser votre candidature, c’est ici

Les Tuniques Bleues, La guerre des Lulus, Le Petit Spirou, Game Over, Gaston, Spirou… 10 BD jeunesse pour Noël

Dernière ligne droite avant Noël ! Pour vous aider dans vos cadeaux, voici une sélection de bandes dessinées pour les plus jeunes…

On commence avec la 63e, oui vous avez bien lu, la 63e aventure des Tuniques Bleues. Indémodables, indétrônables, incontournables, les héros de Lambil et Cauvin n’en ont toujours pas fini avec la guerre de Sécession. Une nouvelle bataille est engagée pour mettre un terme au siège de Peterburg, nous sommes en 1864, c’est la tristement célèbre bataille du Cratère qui fit plusieurs centaines de morts, « l’une des affaires les plus lamentables », aurait dit le Général Grant à son sujet. Quoiqu’il en soit, le sergent Chesterfield et le caporal Blutch sont appelés à la rescousse. Pas sûr que ça change quelque chose… Un classique toujours au top ! (Les Tuniques Bleues tome 63, de Lambil et Cauvin. Dupuis. 10,95€)

On fait un saut dans le temps de quelques dizaines d’années et nous voici au cœur d’une autre guerre, celle de 14-18, avec le sixième tome d’une très belle série imaginée par Régis Hautière et Hardoc. Au cœur de la guerre ? Plus exactement à la fin de la guerre, puisque ce nouvel album débute précisément le 11 novembre 1918. Les cloches sonnent la fin des hostilités mais pas la fin des difficultés. Lucien, l’un des Lulus de la série, est hospitalisé à Troyes. Il se remémore ses années à l’orphelinat de Valencourt et sa rencontre avec ceux qui allaient devenir ses meilleurs amis, Lucas, Ludwig et Luigi, la bande des Lulus… (La guerre des Lulus tome 6, de Hautière et Hardoc. Casterman. 13,95€)

Bientôt 30 ans et toujours aussi petit le Spirou de Tome et Janry. Normal puisqu’il s’agit ici de raconter les aventures du petit Spirou avant qu’il ne devienne grand et vive des aventures trépidantes en compagnie de son acolyte Fantasio. Il est petit mais il a tout du grand héros de papier, tellement universel. Dans ce nouvel opus, le dix-huitième, notre enfant terrible est bien décidé à dire la vérité sur tout, sur les cours de gym, sur l’hiver, sur la méditation, sur la fin du monde, sur les impôts, sur les fourmis volantes et même sur le Père-Noël… (Le petit Spirou tome 18, de Tome et Janry. Dupuis. 10,95€)

Après Une Mystérieuse mélodie publié chez Glénat en 2016, le Grand Prix du Festival International de la Bande Dessinée 2017 renoue avec l’univers de Mickey à travers cette histoire qui nous embarque tout en haut de la montagne. Au menu, une tante de 104 ans, exploratrice de son état fraîchement partie sous le soleil pour soigner ses rhumatismes, un précieux carnet que Minnie veut à tout prix récupérer dans le chalet himalayen de cette vielle tante et des histoires de Big Foot autrement appelé Homme des Neiges. Du Mickey avec la Swiss touch de Cosey, un régal ! (Minnie et le secret de Tante Miranda, de Cosey. Glénat. 17€)

Et hop, un petit dix-huitième pour la route ! La série Game Over, c’est aujourd’hui dix-huit albums parus en même pas quinze ans, plus d’un million d’exemplaires vendus, une série mère, Kid Paddle, qui cartonne de la même façon, et un auteur, Midam, nageant forcément dans le bonheur, en tout cas dans l’humour le plus débridé, preuve en est ce nouvel opus qui met toujours en scène le Petit Barbare et sa Princesse dans des gags aussi drôles que dégoulinants de mauvaises intentions. 43 gags, autant de façon de mourir bêtement, écrasé, broyé, découpé, haché menu, fondu. Autant de façons aussi de mourir de rire ! (Game over tome 18, de Midam, Adam et Thitaume. Dupuis. 10,95€)

Alix. Qui ne connaît pas Alix ? Depuis 1948, Jacques Martin, et ses successeurs nous plongent dans la Rome de César autour de ce jeune héros, esclave d’origine gauloise devenu le fils adoptif du riche romain Honorus Galla. Dans ce 38e épisode, inspiré d’un synopsis original de Jacques Martin, Mathieu Breda au scénario, Marc Jailloux au dessin et César au pouvoir, envoient Alix chez les Helvètes pour rallier les peuples à la cause romaine. Un grand classique ! (Alix tome 38, de Breda, Jailloux, Martin. Casterman. 11,95€)

En selle avec le sixième tome en quatre ans d’À Cheval!, une série qui permet de découvrir la vie d’un centre équestre à travers – et c’est là toute son originalité  – le regard de ses pensionnaires, en l’occurrence les chevaux. Au scénario, Miss Prickly, au dessin, Laurent Dufreney et dans les rôles principaux, Cookie, Xanax, Flash, Noisette, Bijou, Kamboui… ainsi que quelques humanoïdes. Dans ce nouvel épisode, l’hiver est arrivé, la neige est tombée en abondance, « un rêve éveillé » pour les chevaux… du moins au début ! (À Cheval! tome 6, de Dufreney et Prickly. Delcourt. 10,95€)

Les voitures Simca, la lessive Omo, les crayons Baignol et Farjon, les appareils photos kodak, les piles Philips ou encore la RATP, notre employé à tout faire préféré, s’est régulièrement adonné aux joies de la publicité. Pour de vraies ou pour de fausses marques, pour la promotion du journal de Spirou ou pour celle de ses propres aventures. Dans ce hors-série baptisé Gaffes en réclame, les édition Dupuis ont rassemblé nombre de ces illustrations et planches publicitaires, certaines inédites en album, d’autres publiées à l’époque dans le journal de Spirou ou en mini-albums. (Gaston, gaffes en réclame, de Franquin. Dupuis. 12,50€)

Petit retour dans le passé avec cette nouvelle aventure de Spirou et Fantasio hors série, scénarisée et dessinée par l’auteur allemand Flix. C’est effectivement à Berlin au temps où le mur existait, où la partie est de la ville appartenait à la République démocratique allemande (RDA) que nous retrouvons notre tandem. Nullement pour y faire du tourisme mais pour retrouver le comte de Champignac qui semblerait avoir été enlevé pour participer à un mystérieux congrès international de mycologie. Une aventure trépidante, une belle mise en images, un Spirou très réussi ! (Spirou à Berlin,de Flix. Dupuis. 14,50€)

On termine avec le cinquième volume de cette belle série de Mathieu Reynès qui remporte un certain succès auprès des jeunes filles. Il faut dire que l’héroïne, que l’on a pu découvrir dès novembre 2015 dans les pages du journal Spirou, puis à partir de janvier 2016 en album, est dotée d’un sacré tempérament et d’un pouvoir surnaturel qui fait fantasmer. Il s’agit de la télékinésie, faculté métapsychique hypothétique de l’esprit qui permettrait d’agir directement sur la matière. Ça peut aider à déplacer des montagnes. Harmony, c’est de la SF pour tous plutôt bien écrite et plutôt bien mise en images.  (Harmony tome 4, de Reynès. Dupuis. 12,50€)

Eric Guillaud

11 Déc

Chroniques de Noël. Les damnés de la Commune, un triptyque exceptionnel de Raphaël Meyssan

Noël approche et vous séchez affreusement côté cadeaux ? Pas de panique, les Chroniques de Noël sont là pour vous venir en aide avec des bandes dessinées qui pourraient bien faire de l’effet au pied du sapin. Comme celle-ci, Les damnés de la Commune, une histoire de la Commune racontée à partir d’authentiques gravures de l’époque…

On vous le disait à la parution du premier volet en décembre 2017, c’était un boulot de titan, un boulot de dingue, qui attendait l’auteur Raphaël Meyssan. Au risque qu’il n’en voit pas le bout, qu’il abandonne devant la difficulté de l’entreprise. Mais non, Raphaël Meyssan est bien allé jusqu’au terme de son projet, livrant en cette fin d’année le troisième et dernier volet d’une aventure pas comme les autres.

Et toujours avec le même principe : raconter l’histoire d’un communard et à travers lui l’histoire de la Commune dans une BD exclusivement réalisée avec des gravures de l’époque.

Tout est parti, nous explique l’auteur-narrateur dans les premières pages de l’album, d’une étrange découverte à la bibliothèque historique de Paris. Dans un livre ancien, une adresse, 6 rue Lesage, la sienne précisément. Et un nom, Charles Lavalette, sergent du 159e bataillon pendant le siège de Paris, promu commandant par la Commune, un gars qui semble avoir compté à époque mais qu’on a complètement oublié, comme tant d’autres, aujourd’hui.

© Delcourt / Meyssan

« Il y a avait dans mon immeuble, dans mon quartier si éloigné du centre de la cité, une histoire. Une toute petite histoire, effacée par le temps. Celle d’un homme inconnu enfouie dans une histoire méconnue : la Commune de Paris de 1871 ».

Piqué par la curiosité, Raphaël Meyssan plonge dans les archives papier, consulte des journaux, des centaines de journaux, et des gravures. Pendant des mois, des années, il cherche, trie, engrange, jusqu’à se demander quoi en faire ?

« Je suis parti à sa recherche comme on part en voyage. J’ai bourlingué dans le temps , parcouru les rues pour retrouver sa trace, arpenté des livres pour rattraper sa vie. Au milieu des archives, j’ai cherché son histoire « 

© Delcourt / Meyssan

Son histoire, il l’a raconte finalement en BD mais d’une façon peu orthodoxe. Il faut préciser que Raphaël Meyssan ne sait absolument pas dessiner. Alors, son regard, son pinceau, son trait, il les trouvera dans les gravures de l’époque qu’il scanne, avant de recadrer, grossir, retourner, mettre en cases et ajouter le texte, exactement comme dans une bande dessinée classique.

Et il nous raconte ainsi l’histoire de cet homme, Lavalette, mais aussi et surtout l’histoire de la Commune, la République assiégée, l’insurrection du 31 octobre, le siège de Paris, la faim, le froid, la mort, le lait coupé à l’eau ou au plâtre, les animaux du zoo du Jardin des plantes qu’on abat pour avoir un peu de viande, Gustave Flourens, Auguste Blanqui, Jules Ferry….

Un travail extraordinaire qui devrait donner lieu à une adaptation audiovisuelle sur Arte dans le cadre de la commémoration des 150 ans de la Commune en 2021.

Eric Guillaud

Les Damnés de la Commune (3 tomes), de Raphaël Meyssan. Delcourt. 23,95€ le volume

Chroniques de Noël. Il était 2 fois Arthur, une biographie de Cravan et Jack Johnson signée Carré et Antico

Noël approche et vous séchez affreusement côté cadeaux ? Pas de panique, les Chroniques de Noël sont là pour vous venir en aide avec des bandes dessinées qui pourraient bien faire de l’effet au pied du sapin. Comme celle-ci, sortie en septembre dernier, Il était 2 fois Arthur ou la trajectoire de deux boxeurs dans un monde qui ne prenait pas de gants…

On peut détester Trump pour diverses raisons mais on doit lui reconnaître une certaine faculté à déstabiliser son monde, à être là où ne l’attend pas du tout, par exemple lorsqu’il réhabilite un champion de boxe noir victime de racisme. C’était en mai 2018 et ce champion en question n’était autre que Jack Arthur Johnson, sacré champion du monde de boxe en 1908, condamné à de la prison en 1913 pour avoir eu des relations avec une femme blanche.

Jack Arthur Johnson est l’un des deux boxeurs dont on peut croiser les destinées – et dont les destinées se croisent – dans cet album signé Carlé et Antico. Le second étant Arthur Cravan, poète et boxeur, considéré par les dadaïstes et les surréalistes comme un des précurseurs de leurs mouvements respectifs.

Les deux hommes se rencontrèrent une fois, en 1916 à Barcelone, pour un combat que l’on présente comme la première performance de l’histoire de l’art.

La boxe, un art ? En tout cas, pour beaucoup, un moyen d’échapper à sa condition. Jack Johnson l’a espéré en plongeant à corps perdu dans ces combats synonymes pour lui de liberté. Mais s’il eut le droit de monter sur les rings, Johnson s’aperçu très vitre que pour le reste, rien n’était gagné. Le champion restait un champion noir dans une Amérique ségrégationniste et raciste qu’il fuit un temps avant d’y revenir et de purger une peine de prison pour avoir épousé une femme blanche.

Arthur Cravan, lui, était blanc. Pourtant, lui aussi dérangeait les bonnes moeurs, faisant du scandale une véritable stratégie. Fuyant pour sa part l’Europe en guerre, Cravan rejoignit l’Espagne avant d’embarquer pour New York et finalement disparaître mystérieusement au large du Mexique.

Malgré des options narratives à mon sens discutables, Carlé et Antico nous offrent ici une double biographie singulière et prenante doublée d’un regard lucide sur le monde de la boxe et plus largement sur le monde occidental de ce début du XXe siècle.

Eric Guillaud

Il était 2 fois Arthur, de Carlé et Antico. Dupuis. 28,95€

09 Déc

Une nouvelle collection autour du sport et notamment du football aux éditions Dupuis…

Vive le sport ! Et vive le sport avec les éditions Dupuis qui viennent de sortir simultanément quatre albums, autant d’aventures au coeur des clubs de l’Arsenal, de l’Olympique lyonnais, du F.C. Barcelone et du standard de Liège…

Des aventures humaines mêlant réalité et fiction autour d’un club de football légendaire, voilà le speech commun à ces quatre premiers albums publiés il y a quelques jours dans la nouvelle collection Sport des éditions Dupuis.

Le Standard de Liège, l’Olympique Lyonnais, l’arsenal F.C. et le F.C. Barcelone sont au coeur de ces aventures, ici deux enfants que tout oppose réunis grâce au football, là un jeune garçon et son nouveau beau-père qui se découvrent une complicité le temps d’un match, là encore une travailleuse sociale qui va tout faire pour dégotter un abonnement pour un des ses protégés handicapés, là enfin une journaliste culture envoyée sur la finale de Coupe de France et qui se retrouve plongée dans une folle enquête policière.

Dans des styles graphiques différents, ces quatre albums illustrent comment la passion pour le ballon rond peut aussi aider dans la vie à briser la glace, dépasser les préjugés, les peurs, changer le rapport à l’autre…

Eric Guillaud

Standard de Liège de Lambert et Rosel, FC Barcelone de Torrents et Dalmases, Arsenal FC de Glogowki, Olympique lyonnais de Maingoval et Dutreuil. 15,95€ le volume