27 Fév

Quand la saga Alien rencontre le pape du cyberpunk William Gibson

Bien qu’un peu oublié aujourd’hui, le romancier américain William Gibson reste l’un des précurseurs du cyberpunk, préconisant dès 1984 non seulement l’avènement d’internet mais aussi la collusion de plus en plus dangereuse entre les machines et notre intimité. Sur le papier, il semblait donc parfait pour apporter sa pierre à l’édifice de la saga Alien. Sauf que la rencontre n’a hélas jamais eu lieu…  En fait si, elle a bien eu lieu mais on ne l’a jamais su. Jusqu’à maintenant…

Comme Gibson le raconte lui-même dans la préface, peu après la sortie du deuxième volet réalisé en 1986 par James Cameron, les trois producteurs du film sont rentrés en contact pour lui commander un scénario. Malgré le fait qu’il n’avait jamais alors travaillé pour le cinéma et jamais réalisé une œuvre de commande avec des instructions assez précises auparavant, il a accepté. Sauf qu’une fois son deuxième jet terminé et ses « obligations contractuelles » remplies comme il le dit, il n’en entendra plus jamais parler. Et quelques années plus tard, ce sera finalement une toute autre histoire qui servira pour Alien 3, réalisé par un alors jeune inconnu David Fincher.

Le scénario de Gibson, lui, est resté dans un tiroir pendant plus de trois décennies, jusqu’à ce que l’éditeur américain Dark Horse (Hellboy, Conan etc.) propose de lui donner vie en BD. Un an après sa sortie américaine, le résultat est désormais disponible en français via Vestron, nouvel éditeur indépendant crée en Février 2019 dont le catalogue plein de zombies (Evil Dead), de monstres de l’espace (Predator) et de groupes de hard-rock peinturlurés (Kiss) sent bon les soirées bières-pizza à regarder des vieilles VHS aux jaquettes sanglantes tout en lisant Mad Movies.

© Vestron / Gibson, Christmas & Bonvillain

Cette suite alternative reprend les choses là où le film Aliens les avait laissées, après que Ripley (le personnage joué par Sigourney Weaver) et ses amis aient atomisé la planète d’origine des xénomorphes, le ‘petit’ nom de nos amis alien une fois leur âge adulte atteint.

Sauf qu’ici, au lieu de ‘tuer’ tous les autres personnages secondaires en faisant s’écraser leur navette sur une planète ‘prison’ comme on le voit dans Alien 3, le vaisseau est braqué par des mercenaires séparatistes qui, sans le vouloir, déclenchent donc une nouvelle épidémie.

En parallèle, la très cynique compagnie Weyland Yutani, qui est l’employeur de Ripley et qui est très au courant de ce qui se passe, essaye de récupérer son joujou extraterrestre pour faire une arme bactériologique, histoire de la vendre ensuite au plus offrant.

© Vestron / Gibson, Christmas & Bonvillain

Avec toutes ses références à la mythologie Alien et ses personnages hérités des films, Alien 3 – Le Scénario Abandonné s’adresse donc clairement avant tout aux fans hardcore avides de prolonger l’expérience. Une avidité d’ailleurs largement récompensée ces dernières années, vu le nombre de romans graphiques et de BD disponibles sur le marché.

L’intérêt de cet énième avatar est que Gibson rajoute un petit côté ‘guerre froide’ à l’ensemble : l’essentiel de l’action se focalise sur le combat opposant les rebelles à la compagnie, comme si le monstre n’était finalement qu’une excuse et n’était là avant tout que pour révéler tout le cynisme de l’être humain.

Après, certains fans risquent de grimacer en voyant Ripley être mise complètement de côté ou devant un scénario parfois un peu confus et plus politique, quitte à trop souvent s’éloigner de l’action pure. Mais bon, ce ne serait pas Alien non plus si quelques torses n’étaient pas implosés de l’intérieur et si cela ne giclait pas sur les murs un minimum non plus…

Alors, est-ce que cela aurait fait un meilleur Alien 3 à l’écran ? Pas sûr. Mais est-ce que cela prouve une nouvelle fois que cet univers dont les premières ébauches datent du milieu des années 70 n’a pas encore révélé tous ses secrets quarante-cinq ans après ? Oh que oui.

Olivier Badin

Alien 3 – Le Scénario Abandonné de William Gibson, Johnnie Christmas et Tamra Bonvillain, Vestron, 17,95 euros