08 Mai

La Mémoire de l’eau (tome 1), de Vernay et Reynès. Editions Dupuis. 11,95 euros.

L’endroit pourrait ressembler au paradis. La mer et le ciel pour horizons, des collines verdoyantes et une maison perchée sur les hauteurs. Une très grande maison dont viennent d’hériter Caroline et sa fille Marion. Et ça tombe plutôt bien. Caroline, en pleine rupture sentimentale, a décidé de changer de vie. Adieu la ville, bonjour le bord de mer. Un cadre idyllique pour se refaire une santé. Le paradis je vous disais. Le paradis ou presque. A quelques pas de la maison, Marion découvre sur des rochers d’étranges sculptures à la signification obscure. Un peu plus tard, elle fait la rencontre du sinistre gardien de phare. Et bientôt se réveillent de vieilles légendes oubliées…

Prévu en deux volets, ce récit fantastique de Valérie Vernay au dessin (Agathe Saugrenu…) et de Mathieu Reynès au scénario (Alter Ego…) allie avec brio secrets de famille et légendes maritimes. Une histoire attendrissante ! E.G.

05 Mai

Tonight, de Nine Antico. Editions Glénat. 13,90 euros.

C’est décidé, cette année Pauline passera la soirée du Nouvel an seule chez elle en compagnie d’une bonne bouteille de champagne et de quelques DVD. Marre des fêtes où on festoie mollement en se disant qu’ailleurs c’est forcément mieux ! Et puis Pauline est certaine d’apprécier ces quelques moments de solitude. Enfin… jusqu’au douze coups de minuit. Et puis Pauline se dit que finalement elle ferait bien d’en profiter pendant que ses seins ne tombent pas et que sa peau n’est pas encore flétrie. Allo Julie…

Présentée comme la spécialiste de l’étude des moeurs des jeunes femmes, Nine Antico a de fait signé nombre d’albums tournant autour de cette thématique comme Le Goût du paradis aux éditions Ego comme X, Girls don’t cry Chez Glénat ou Coney Island baby à L’Association.  Dans ce nouvel opus, l’auteure nous raconte heure pas heure plusieurs soirées avec Pauline et ses amies et nous offre un florilège d’échanges, d’interrogations et de réflexions sur les filles, les garçons, les sorties, le sexe, l’amour, la nuit, la vie…  le tout dans un style graphique et narratif très original et très contemporain, pour ne pas dire branché ! E.G.

04 Mai

Gringos Locos, de Schwartz et Yann. Editions Dupuis. 14,95 euros.

Gringos Locos raconte l’histoire d’un voyage. Un voyage mythique qui a marqué au fer rouge le Neuvième art et que certains présentent même comme une aventure fondatrice de la bande dessinée belge moderne. Un voyage qui s’est déroulé aux Etats-Unis et au Mexique avec, dans les rôles principaux, Joseph, Maurice et André. Ces prénoms ne vous disent rien de particulier ? Et si je vous dit, Joseph Gillain, dit Jijé, André Franquin et Morris ? Oui, trois des plus grandes signatures de la bande dessinée franco-belge. Trois créateurs d’univers issus des pages du journal de Spirou et réunis ici par la même volonté de rejoindre les studios Disney à Los Angeles. Nous sommes à la fin des années 40. L’Europe peine à se relever de la Seconde guerre mondiale, la guerre froide s’installe et nos trois lascars succombent aux sirènes du rêve américain. Mais voilà, Disney connaît à cette période une mauvaise passe et licencie plus qu’il n’embauche. Joseph, Maurice et André se retrouvent au Mexique pour quelques mois…

Réalisé par le tandem Yann-Schwartz, par ailleurs responsable de Groom vert de gris, un album remarqué et remarquable, Gringos Locos aurait pu sortir ce vendredi 4 mai sans faire plus de bruit que nécessaire. Mais voilà, avant même de rejoindre les bacs de vos libraires préférés, Gringos Locos est devenu l’objet d’une sérieuse polémique. Les héritiers des trois personnalités évoquées dans ses pages ont en effet fait connaître leur mécontentement, assurant ne pas reconnaître leurs aïeux dans le profil psychologique dressé par les auteurs. Résultat des courses, beaucoup, beaucoup, de lecture avec cet album à commencer par les 46 planches bien sûr, suivies d’un avertissement aux lecteurs précisant que la lecture de l’album doit être envisagée comme celle d’une simple fiction, puis des explications sur deux pages du scénariste Yann et enfin d’un livret de 10 pages présenté comme un droit de réponse de la famille, et qui sous forme d’une interview de Benoît Gillain, est censé rétablir la réalité des choses. Une querelle sans intérêt ? Pour la plupart des lecteurs, certainement. Mais dès ce matin France Inter s’emparait du sujet dans un de ses journaux matinaux. Autant dire que l’heure est grave ! Nonobstant cette polémique, Gringos Locos offre sous le trait stylé années 50 d’Olivier Schwartz un récit rocambolesque et survitaminé. E.G.

30 Avr

Orcs, de Stan Nicholls et Joe Flood. Editions Gallimard. 25 euros.

Stan Nicholls est une figure de la littérature SF et fantasy. Il est notamment l’auteur des Chroniques de Nightshade et du cycle Orcs dont les romans ont été vendus à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde et lui ont rapporté quantité de récompenses et de prix littéraires. Voici donc le prolongement naturel des romans, l’adaptation en bande dessinée avec aux pinceaux un jeune auteur américain tout juste sorti de l’Ecole des Arts visuels de New York et qui signe ici sa première bande dessinée, Joe Flood. Et le résultat est plutôt convainquant. Sur près de 200 pages, Joe Flood met en images l’univers fou de Stan Nicholls dans un style proche du comics, offrant à l’arrivée un plongeon sans retour possible dans les tréfonds du royaume de Maras-Dantia aux côtés de ces soldats impitoyables que sont les orcs. Magnigfique ! E.G.

Les Satellites, de Alexandre Franc et Claire de Gastold. Editions Gallimard. 16,30 euros.

Ne vous méprenez pas, Aurélien et Nicole sont bien frère et soeur. Une relation pour le moins fusionnelle qui peut prêter à confusion même si Nicole à un fiancé ou du moins un prétendant, Henri, un garçon très bien élevé, propre sur lui, intelligent… mais peut-être un peu trop sérieux, voire ennuyeux, pour la jeune femme. Aurélien, lui, n’a pas de fiancée, pas de prétendante, mais une lubie : il veut se trouver une mère adoptive. Et qu’importe si ses parents sont toujours en vie. Il passe donc une petite annonce dans Libé, rencontre Olivia, une femme mûre. A partir de ce moment, il n’aura de cesse de tourner autour d’elle comme « une Lune autour de sa planète », dira un proche d’Olivia, sans réellement savoir ce qu’il en attend. Mais cette relation ne plait guère à sa soeur Nicole qui va mener une enquête sur Olivia et découvrir qu’elle n’en est pas à sa première adoption…

Etonnant récit que celui-ci. Etonnant et original. Très original. Car au delà de l’histoire d’amour frère-soeur, Alexandre Franc, déjà aperçu dans le feuilleton Les Autres gens, et Claire de Gastold, dont c’est ici la première bande dessinée, nous parlent plus largement des jeunes, de leurs sentiments, de ce besoin d’émancipation parfois contrarié par un besoin de protection et donc un attachement à la cellule familiale. Une bonne histoire, une belle écriture et un dessin tout en finesse sont les points forts de cet album paru dans la collection Bayou des éditions Gallimard. E.G.

28 Avr

Sortilèges et manipulations, Tif et Tondu (tome 11), de Will et Desberg. Editions Dupuis. 24 euros.

Voici voilà donc le onzième volume de l’intégrale consacrée aux aventures de Tif et Tondu. Les quatre titres réunis cette fois, initialement publiés entre 1987 et 1991, sont dans l’ordre d’apparition le poétique Magdalena, le diptyque « politique » constitué des Phalanges de Jeanne d’Arc et de La Tentation du bien, et enfin Coups durs, lui-même compilation de trois récits courts. Dans le cahier graphique qui accompagne ce recueil, vous apprendrez que Will, lassé par ces héros qu’il anime depuis la fin des années 40 et surtout occupé par de nouveaux projets plus adultes dans la collection Aire libre (Jardin des désirsLa 27e lettre et L’Appel de l’enfer), est alors décidé à passer le relais. Denis Lapière au scénario et Alain Sikorski au dessin prendront la suite jusqu’en 1997 offrant aux jeunes lecteurs six récits supplémentaires que nous retrouverons dans les deux derniers volumes de l’intégrale à paraître prochainement. E.G.

American tragedy, L’Histoire de Sacco & Vanzetti, de Florent Calvez. Editions Delcourt. 14,95 euros.

Sacco & Vanzetti ! Deux noms qui résonnent en nous, qui nous semblent familiers. Et pourtant, combien d’entre nous savent encore aujourd’hui qui étaient réellement Sacco et Vanzetti ? Poème, film, chanson, livre… l’histoire de ces deux hommes, deux anarchistes d’origine italienne exécutés sur la chaise électrique en 1927 du côté de Boston aux Etats-Unis, a fait le tour du monde plusieurs fois. Dès leur condamnation pour braquage et meurtre, sans preuves formelles, des comités de défense se sont créés un peu partout. Mais il faudra attendre 1977, 50 ans plus tard, pour que les deux hommes soient réhabilités.

C’est cette histoire passionnante que met en images American tragedy. Avec un graphisme proche de celui utilisé pour Reanimator, un de ses albums précédents, et une atmosphère générale très sombre, Florent Calvez s’attache à décrire l’affaire le plus froidement possible, peut-être un peu trop. Reste que cette histoire et par conséquent cet album nous permettent de replonger dans une période de l’histoire particulièrement agitée mais où l’on pouvait encore mourir pour des idées et pas forcément de mort lente comme le chantera plus tard Georges Brassens. Une histoire qui a quelque chose d’universelle ! E.G.

Plus d’infos sur le site wikipedia

Co-mix Art Spiegelman, une rétrospective de bandes dessinées, graphisme et débris divers. Editions Flammarion. 30 euros.

Absolument magnifique et totalement indispensable ! Les éditions Flammarion, déjà responsables du somptueux MetaMaus publié en janvier de cette année, proposent ce mois-ci une monographie d’Art Spiegelman à l’occasion de l’exposition qui lui est consacrée au Centre Pompidou jusqu’au 21 mai. Art Spiegelman, le célèbre auteur de Maus, prix Pulitzer 1992, couronné Grand prix de la ville d’Angoulême en 2011, président de l’édition 2012, est l’un des plus grands représentants du Neuvième art. Son album sur la Shoah a ouvert de nouvelles voies à la bande dessinée et fait entrer celle-ci dans l’âge adulte, reconnue depuis comme un art qui peut aussi trouver sa place dans les musées.

Cette monographie revient donc sur cet album mythique mais également sur les travaux antérieurs de l’auteur et ceux plus récents, couvrant de fait une large période de création, depuis les années 70 jusqu’à nos jours. On y trouve de nombreux inédits, des planches originales, des dessins, des croquis, des couvertures de magazines, et même des reproductions de ses derniers travaux dans des domaines aussi étonnants que la danse, l’opéra et les vitraux.

Ouvrage collectif, dirigé par l’artiste lui-même, Co-mix Art Spiegelman nous offre un panorama exceptionnel de son oeuvre, depuis ses premiers pas dans le milieu underground américain jusqu’à la consécration. E.G.

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L’info en +

L’exposition se tient au Centre Pompidou jusqu’au 21 mai avant d’être présentée à Vancouver, Cologne et New York.

Plus d’infos sur le site du Centre Pompidou

25 Avr

Le journal Spirou aux couleurs de la France

Spirou en bleu blanc rouge ! Paru ce mercredi 25 avril, le magazine de bande dessinée belge se donne pour ambition de sauver la France. En couverture, une Marianne fait la manche sous les affiches de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, nos deux derniers candidats à la présidentielle. Plus loin, une ambulance du Samu arrive avec notre célèbre groom au volant. Pas de panique, la solution pour s’en sortir serait dans les pages du magazine. Une solution simple et déjà testée dans le numéro spécial Sauvez la Belgique paru en juillet 2011 : la franche rigolade ! EG

20 ans ferme, de Sylvain Ricard et Nicoby. Editions Futuropolis. 17 euros.

20 ans ferme ! Voilà ce à quoi Milan vient d’être condamné pour sa participation à un braquage. Pas besoin d’avoir fait une grande école pour comprendre que ce jeune homme de 20 ans ressortira de prison pour ses 40 ans. Peut-être un peu avant s’il obtient une remise de peine pour bonne conduite. Mais la prison n’est pas un monde de bisounours. Milan, comme tous les taulards avant lui et après lui, devra jouer des coudes et des poings pour faire sa place, se faire respecter. Nous sommes au milieu des années 80, Milan entame une longue descente en enfer avec pour quotidien les humiliations, la promiscuité, les luttes de pouvoir entre prisonniers, les violences, les séjours en quartier disciplinaire, l’arbitraire de certains gardiens, les injustices, les incessants transferts. Non, chacun le sait, le monde carcéral n’est pas à l’image de ce qu’il devrait être, un endroit où l’on enferme et prépare en même temps à la réinsertion. Et même si Milan se doutait bien avant d’y mettre les pieds que l’endroit n’a rien du club med, le jeune homme va tout au long de son incarcération s’opposer et se battre avec ses moyens pour améliorer le sort des taulards…
Ce récit, poignant, passionnant, criant de vérité, est basé sur le témoignage d’un ancien détenu, Milko, aujourd’hui président de Ban Public, l’Association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe. C’est son quotidien qui est donc ici raconté avec une objectif clair. Le scénariste Sylvain Ricard explique : « Cette histoire pose juste la question du rôle de la prison dans notre pays, des solutions que la société se doit d’apporter aux problèmes inhérents à son fonctionnement, à ses échecs et à ses devoirs vis-à-vis de tous les citoyens ». Et à défaut d’apporter des solutions, cet album interroge, nous interroge, sur ce territoire de la nation qui devrait être l’incarnation parfaite des lois ! E.G.