Et si on la gardait ? Pour les vacances. Pour les week-ends. Pour les souvenirs. Tant de choses vécues entre ses murs, de petits et grands bonheurs, de petits et grands malheurs aussi…
« Et si on la gardait? » , se répètent José, Vicente et Carla en triant les affaires de leur père, décédé il y a maintenant un an. « Et si on la gardait? ». Mais la maison commence à prendre l’humidité. Trop loin de la ville, trop loin de la mer, trop loin de la famille, personne n’y vient. Alors, José, Vicente et Carla doivent se résigner, nettoyer, faire place nette pour un éventuel acheteur.
Un arbre à abattre, un coup de peinture à donner sur la façade, un volet à réparer, un muret à retaper et, à chaque fois, des souvenirs qui rejaillissent, plongeant les uns et les autres dans un état mélancolique.
« Vendre cette maison, c’est comme renier une partie de notre passé », dit l’un des frères. Et de se remémorer les moments les plus heureux passés ici, l’air qui sentait le pin et la terre mouillée les jours de pluie, les cigales qui n’arrêtaient pas de chanter certains étés, la tonnelle à laquelle tenait tant le père, les jours de bricolage en famille… puis la disparition de la mère, la maladie du père, les visites à répétition chez le médecin, la fin.
Encore un très bel album signé de Paco Roca ! L’auteur espagnol nous avait déjà conquis avec La Nueve, Les Rues de sable, L’Hiver du dessinateur ou encore et surtout avec Rides publié en 2007, réédité en 2013 sous le titre La Tête en l’air, un succès de librairie vendu à plus de 30 000 exemplaires en Espagne, traduit en 10 langues, récompensé par les prix les plus prestigieux en Europe et au Japon et adapté en film d’animation pour le cinéma.
La Maison fait partie de ces albums qui ne s’oublient pas la dernière page tournée. C’est un livre qui se déguste, qui se mérite presque, qui demande un peu plus d’attention que les autres. Lire, regarder bien sûr, mais aussi imaginer, écouter les silences, sentir dans l’atmosphère cette mélancolie emprunte de nostalgie, la fameuse saodad que chantait Cesaria Evora.
Sur un peu plus de 120 pages au format à l’italienne, Paco Roca nous parle de la mort, de ce qui reste, de ce qui se transmet, de cet héritage non monnayable, non palpable. En faisant le vide dans la maison, les deux frères et la soeur font le ménage dans leurs têtes, reviennent à l’essentiel, et en même temps ont l’impression de redécouvrir le père, ce père qui les aimait, les attendait parfois. Magnifique !
Eric Guillaud
La Maison, de Paco Roca. Editions Delcourt. 16,95€