Avec Hoka Hey! de Neyef, sorti il y a quelques mois, et aujourd’hui La femme à l’étoile d’Anthony Pastor, le western prouve qu’il en a encore sous le sabot pour se renouveler en abordant des thématiques très actuelles comme ici le féminisme…
Sorti en octobre 2022, Hoka Hey! a assurément fait de l’effet dans le milieu du neuvième art au point de se retrouver inscrit dans la sélection officielle du festival d’Angoulême 2023 ainsi que dans la sélection restreinte du Prix du Public France Télévisions, et au final de décrocher le Prix des libraires Canal BD. À la plus grande joie de son auteur Neyef.
Rebelotte avec La Femme à l’étoile dont la sortie est prévue pour le 5 avril. Un album d’Anthony Pastor cette fois, publié par Casterman, qui du long de ses 260 pages devrait lui aussi marquer fortement les esprits !
Leur point commun ? Au-delà de nous embarquer dans l’Ouest américain, univers ô combien violent, masculin et machiste, et de s’approprier pleinement les codes du western, l’un et l’autre prennent des chemins de traverse pour aborder des thématiques très contemporaines, nous interrogeant sur la filiation, l’acculturation et l’oppression des minorités dans le premier cas, la condition féminine dans le second, celui qui nous intéresse ici.
Avec un héros, ou plutôt une héroïne, Perla, qui s’est emparé d’une étoile de shérif non pas pour faire la loi comme les hommes mais pour afficher son refus de l’ordre patriarcal établi.
Sans spoiler l’histoire, Perla est une fugitive, recherchée par le marshal Pierce. Mais elle est plutôt du genre à ne pas se laisser faire. Planquée dans un village fantomatique, une ancienne mine d’or, elle voit arriver Zachary, lui aussi activement recherché. Ensemble, ils vont devoir apprendre à se connaître et à se complémenter pour affronter l’hiver hostile et surtout les hommes de loi qui ne manqueront pas de débarquer.
Dans ce huis clos fortement enneigé, Perla ne tient pas le rôle habituel assigné à la femme dans ce genre d’univers. Perla est une femme indépendante, de caractère, qui manie aussi bien les armes que la tactique. Zachary, lui, n’a visiblement pas les épaules aussi carrées et doit accepter dans les premiers temps une forme de soumission.
Réalisé de façon traditionnelle, au pinceau et en couleur directe, dans un lavis à l’encre bleue des plus subtiles, l’album d’Anthony Pastor est une petite merveille graphique en même temps qu’une oeuvre sensible à l’air du temps, à nos questionnements, aux questionnements de l’auteur lui-même qui trouve ici, dans ce genre très masculin, l’occasion d’exprimer sa position d’homme féministe refusant, dit-il, « le rôle assigné de la domination et son héritage« .
Bien évidemment, La Femme à l’étoile reste avant tout une fiction, un divertissement au scénario parfaitement ficelé, aux atmosphères oppressantes à souhait, aux psychologies fouillées, des personnages qui au fil de l’histoire nous dévoilent leurs blessures profondes, un récit où l’intime finit par côtoyer l’universel. Brillant !
Eric Guillaud
La Femme à l’étoile d’Anthony Pastor. Casterman. 27€ (en librairie le 5 avril)