Deux gars bien de chez nous, dont le scénariste du déglingos Monkey Bizness, rendent hommage à leur façon à la BD populaire fantastique des années 40 et 50 avec l’aide appuyée de quelques petits hommes verts et d’un humour corrosif…
Près d’un siècle après son lancement, la culture pulps fascine toujours. Les pulps ce sont ces magazines – d’abord de petites nouvelles, puis à partir des années 40, de comics – faits avec du papier bon marché et vendus limite à la sauvette pour quelques pièces, à destination avant tout de quelques nerds puis d’adolescents en manque de sensations fortes. En plus d’avoir servi de rampe de lancement à de nombreux futurs grands auteurs (Ray Bradury, HP Lovecraft, Robert E. Howard etc.), ces publications trop souvent ignorées voire moquées à leur époque ont surtout servi de laboratoire. En fait, elles ont souvent offert à ses nombreuses petites mains, souvent payées une misère, une liberté éditoriale totale, leur permettant ainsi de défricher souvent ce qui était alors considéré comme des sous-genre littéraires (roman policier, fantastique, horreur) sans aucune contrainte. Autre particularité : le format étant souvent court car plus ou moins calqué sur celui des feuilletons du début du siècle, les récits étaient souvent assez ramassés avec un rythme soutenu.
Depuis en gros une trentaine d’années, les pulps ont droit à une réhabilitation bien méritée. Aux États-Unis, certains éditeurs se sont même spécialisés dans les rééditions plus ou moins luxueuses, comme DARK HORSE avec le catalogue EC COMICS par exemple. En France, DELIRIUM a aussi rendu à nouveau disponible des récits des magazines CREEPY, EERIE ou VAMPIRELLA. Un travail salvateur qui a ensuite poussé des auteurs contemporains a, à leur tour, tenter d’émuler ce style délicieusement rétro. Un style qui, sous couvert d’histoires horrifiques pleines de bestioles gluantes, permet quelques critiques bien senties de notre société et de ses travers nombrilistes.
Or si le scénariste Eldiablo et le dessinateur Romain Baudy s’essayent à leur tour à cet exercice plus ou moins périlleux, ils ne le font pas sur les mêmes bases. Car contrairement à l’écrasante majorité, eux n’ont pas tenté graphiquement de restaurer le style dans son jus, préférant au contraire une approche plus actuelle, mais tout en conservant l’esprit frondeur et brut.
Intitulé Space Connexion et réparti sur deux volumes (le premier, Darwin’s Lab est déjà disponible), cette mini-anthologie regroupe comme il se doit des histoires courtes allant de 7 à 20 planches. Leurs points communs ? L’omniprésence de races extra-terrestres… Et de la bêtise humaine ambiante. Dès qu’ils se retrouvent face à des aliens tentant de les sauver d’une pandémie mondiale (cela vous rappelle quelque chose peut-être ?), de les étudier pour mieux les comprendre ou pour les empêcher de piller une terre ancestrale, les hommes ont forcément les mauvaises réactions ou font les mauvais choix, ce qui les amène invariablement à la même impasse. Les cinq récits compilés dans ce premier tome racontent donc chacun à leur façon la même chute en quelque sorte mais avec le même humour très acide et toujours croqué de façon quasi-cartoonesque. À la fois un hommage et une tentative plutôt réussis de s’approprier cette sous-culture de l’histoire de la BD populaire du milieu des années 50 encore trop méconnue en France.
Olivier Badin
Space Connexion – 1 : Darwin’s Lab d’Eldiablo et Romain Baudy. Glénat. 15,50 €