L’éditeur la présente comme la plus grande autrice coréenne contemporaine et force est de constater que chacun de ses albums nous subjugue. Après Les Mauvaises herbes et L’Attente, Keum Suk Gendry-Kim revient avec La Saison des pluies, un titre ô combien poétique pour un récit qui nous embarque une nouvelle fois du côté sombre de l’âme humaine…
Longtemps, la consommation de viande de chien a fait partie des pratiques traditionnelles en Corée du Sud. Vous allez vous demander pourquoi je vous raconte ça d’entrée et de si bon matin, si tant est que vous lisiez cette chronique de si bon matin. Tout simplement parce que ce nouveau livre de Keum Suk Gendry-Kim a été écrit en réaction à cette pratique. Et quel est le rapport avec le titre La Saison des pluies me direz-vous ? À en croire l’autrice, la saison des pluies serait une période favorable pour la disparition des chiens dans son pays.
Heureusement, cette pratique est semble-t-il en déclin. Le chien est de plus en plus, notamment auprès des jeunes, considéré comme un animal de compagnie. Près de 78% des Sud-coréens estimeraient ainsi que l’interdiction de la vente et de la consommation de viande de chien et de chat serait une bonne chose. Le président coréen Moon Jae-in en avait même fait un argument de campagne avant d’être battu lors de la dernière présidentielle par le conservateur Yoon Seok-youl qui, lui, estime qu’il s’agit là d’un choix personnel.
Quoiqu’il en soit, Keum Suk Gendry-Kim espère bien faire encore bouger les lignes avec ce très beau récit paru aux éditions Futuropolis et qui vous rappellera peut-être dans son esprit le travail de l’immense Tanigushi avec toutefois un trait beaucoup moins épuré, beaucoup plus expressif.
Sur quelque 250 pages, Keum Suk Gendry-Kim raconte sa vie à la campagne après avoir quitté Séoul. Un changement de vie radical qui lui permet de profiter pleinement de son chien, Carotte, lors de grandes balades dans la nature. Carotte et les autres car au fil des jours, l’autrice croise d’autres chiens, certains qui ont été abandonnés, d’autres enfermés dans des cages sans avoir touché le sol depuis des mois, peut-être des années, d’autres enfin attachés, maltraités, comme du bétail, prêts à être consommés.
Ici comme ailleurs, les mangeurs de chiens ne sont finalement pas rares pour le plus grand désespoir de Keum Suk Gendry-Kim et le nôtre…
Au-delà de dénoncer cette pratique, La Saison des pluies nous offre un tableau de la société coréenne contemporaine et une belle réflexion sur la place des animaux dans nos sociétés.
Eric Guillaud
La Saison des pluies de Keum Suk Gendry-Kim. Futuropolis. 26€ (en librairie le 13 avril)