Il en a sous le capot ce Gaétan Nocq. Ou sous la plume si vous préférez. C’est ce que je me disais à la lecture de son premier album Soleil brûlant en Algérie. C’est ce que je me dis aujourd’hui encore en découvrant Les Grands cerfs, un magnifique album qui porte la griffe des éditions Daniel Maghen et offre le rôle principal à la nature…
Soleil brûlant en Algérie, Capitaine Tikhomiroff, Le Rapport W, et aujourd’hui Les Grand cerfs, chaque album de Gaétan Nocq est un sacré voyage doublé d’une rencontre. Cette fois, pas de retour dans notre passé, il nous emmène dans les Vosges d’aujourd’hui pour retrouver une femme, Claudie Hunzinger, artiste plasticienne et romancière.
Avec son mari, elle s’est installée dans une ancienne métairie isolée au coeur de la forêt pour « fuir le bruit des hommes » et surtout vivre la nature, sentir ses odeurs, partager le territoire des animaux sauvages et notamment des cerfs. De cette expérience, elle en a écrit un livre, Les Grands cerfs, publié en août 2019 aux éditions Grasset. L’héroïne se prénomme Pamina, son mari, Nils, des personnages fictifs, une part d’imaginaire pour une histoire vraie.
C’est en écoutant L’Heure bleue, l’excellente émission de Laure Adler sur France Inter, que Gaétan Nocq découvre l’existence de ce livre et son auteure. Le plaidoyer qu’il entend, « un plaidoyer à la fois poétique et alarmant sur l’état de la nature sauvage aujourd’hui », dira-t-il le touche, l’intrigue même. Au point qu’il décide d’adapter le roman en bande dessinée. Et le résultat est là ! Enfin presque. Le livre, qui devait sortir fin août, ne sera finalement disponible dans toutes les bonnes librairies que le 23 septembre. Un petit souci à l’impression, me souffle-t-on dans l’oreillette.
Quoiqu’il en soit, Gaëtan Nocq signe ici un magnifique ouvrage, très certainement une fidèle adaptation – j’avoue ne pas avoir lu le roman de Claudie Hunzinger – avec un parti pris autour de la couleur surprenant mais assumé, des teintes bleues et rouges qu’il défend par son souhait « d’exprimer un climat, un état psychologique ».
Et ça fonctionne, Les Grand cerfs, la bande dessinée comme le roman, nous parle de l’amour que porte cette jeune femme pour la nature sauvage, prête à passer ses nuits dehors à l’affût, pour apercevoir les cerfs, « on suit Pamina dans son travail de repérage, sa quête de traces, d’indices de renseignements ». Il nous parle aussi du travail de l’ONF, l’Office National des Forêts, qui se doit de réguler avec les chasseurs leur population.
« Beaucoup de choses m’ont interpellé dans son roman, le lieu, ce monde à part, cette vallée des Vosges, la découverte de la nature sauvage, un « roman de grand air » comme elle le dit. Mais ce n’est pas Bambi, c’est un roman qui s’ancre dans le réel et qui interroge notre monde contemporain ».
Parce que la beauté a toujours côtoyé la cruauté, Les grands cerfs n’offre pas une fin heureuse. C’est en tout cas une histoire qui nous ouvre les yeux sur la richesse, la diversité, de la faune sauvage de nos forêts et qui nous apprend beaucoup sur nous-mêmes.
Eric Guillaud
Les Grands cerfs, de Gaétan Nocq. Editions Daniel Maghen. 29€