Noël approche et vous séchez affreusement côté cadeaux ? Pas de panique, les Chroniques de Noël sont là pour vous venir en aide avec des bandes dessinées qui pourraient bien faire de l’effet au pied du sapin. Comme celle-ci, sortie en septembre dernier, un conte philosophique signé Jérémie Moreau…
Jérémie Moreau. Si ce nom ne vous dit pas grand-chose, peut-être que celui de son ouvrage précédent, La Saga de Grimr, vous parlera un peu plus. En janvier 2018, l’auteur recevait avec cet album le Fauve d’or Prix du Meilleur album du festival d’Angoulême.
Une « exposition inattendue » et un « poids certains auprès des éditeurs », nous expliquera-t-il quelques mois après dans une interview toujours disponible ici, poursuivant : « cela m’a donné plus de liberté en quelque sorte. Surtout que j’ai un lien très particulier avec Angoulême : c’est parce que j’avais décidé de participer au concours junior à l’âge de huit ans que j’ai commencé à vraiment me mettre à dessiner sérieusement et cela ne m’a pas lâché. Donc le Fauve d’Or c’est un peu ma Palme d’Or à moi ! »
Pour ce nouvel album sorti en septembre, Penss et les Plis du monde, Jérémie Moreau reste en état de grâce même s’il est étrangement écarté de la sélection officielle pour la compétition du FIBD 2020.
Qu’importe, l’important est ailleurs, dans les 230 pages du livre, 230 pages qui nous embarquent dans les temps bien reculés de la préhistoire, à une époque où les faibles ne faisaient pas long feu.
Et justement, Penss, le héros de cette histoire, est considéré comme un faible. Il ne sait pas chasser, ne sait pas pécher, ne sait certainement pas combattre. Et pour cause, Penss passe son temps à observer la nature et les animaux tel un poète, un philosophe. C’est un faible donc, pire encore, c’est un poids. Pour son clan. Pour sa mère. Jusqu’au jour où Penss, à force d’observer cette nature sauvage, parvient à la dompter, à en faire une terre nourricière…
« Cet album est venu dans la suite logique de La Saga de Grimr… », explique Jérémie Moreau, « je voulais creuser un peu plus ce rapport charnel à la grande nature, à cette force qui traverse les montagnes, les arbres, les animaux (…) Certains appellent ça le vitalisme. Pour Spinoza (qui a été l’une de mes influences philosophiques principales avec Leibniz et Deleuze), c’est le « conatus » que l’on pourrait résumer comme l’ensemble des forces qui résistent à la mort ».
Nul besoin cependant d’avoir un Bac + 12 en philo pour lire et apprécier cet album qui nous interroge aussi sur la différence, sur notre rapport à la nature, sur notre place dans la société, une aventure intime au coeur de la grande aventure de l’humanité.
Eric Guillaud
Penss et les plis du monde, de Moreau. Delcourt. 34,95€