Si c’est en lâchant des flatulences au clair de lune que certains célèbres acteurs convoquaient les extra-terrestres, c’est en passant, l’arme à gauche que la centenaire Yvonne, elle, se retrouve face à des êtres venus d’un autre monde à qui elle va devoir faire un peu de pédagogie si elle veut sauver ses fesses…
Alors c’est vrai, ça pique un peu les yeux lorsqu’on commence par vouloir mettre dans la même phrase les mots ‘roman graphique’, ‘roman graphique’ et, euh, ‘extra-terrestres’. Mais c’est justement ce qui fait tout l’intérêt de ce beau petit livre signée Tiphaine Rivière, déjà remarquée en 2015 pour Carnets de Thèse. Car oui, c’est quoi la bêtise humaine ? Comment l’expliquer ? Et c’est quoi le rapport avec la Bretagne nom de Zeus ?
Véritable tatie Danielle, Yvonne attend presque avec impatience la mort de son lit d’hôpital, lassée depuis longtemps de ses contemporains. Sauf que lorsque le moment arrive enfin, elle se retrouve non pas face à un mec barbu en pagne posé sur un nuage mais bien face à des extra-terrestres ressemblant à des sortes de lemmings aux yeux exorbités qui lui réclament de prouver sa « contribution à l’humanité » si elle ne veut pas être annihilée. Dos au mur mais pas si gâteuse que ça, mamie improvise et se propose alors de les aider à se prémunir du pire virus sévissant sur Terre : la bêtise. Avec en guise de souris de laboratoire, le petit village breton où elle a vécu « 66 ans » et où elle « connaît tout le monde ». Incognito, elle se retrouve flanquée d’un binôme au nom tordu de 0*) :YU à qui, exemples à l’appui, elle tente d’explique l’inexplicable : comment réussit-on parfois à être aussi con ?
Du grand n’importe quoi ? Loin de là. Parce que malgré ce pitchimprobable, Rivière aborde son sujet avec humour et légèreté, ce qui ne l’empêche pas sur le plan graphique d’alterner saynètes intimes et planches quasi-psychédéliques. Certes, le propos frôle par moments trop le cours magistral – notamment lorsque Yvonne se met à citer le philosophe Gilles Deleuze comme d’autres parlent du temps qu’il fait – et perd à sa moment là un peu de son côté ludique. Mais, fait rare, on apprend aussi en s’amusant. Et la conclusion, qu’on vous laisse découvrir, se permet même un peu de sarcasme bienvenu. Surtout, on se dit qu’Yvonne, elle, était loin d’être une imbécile…
Olivier Badin