Forcément, son nom ne vous est pas inconnu, le Néerlandais Peter Van Dongen vient de signer le dessin de la 25e aventure de Blake et Mortimer, La Vallée des Immortels. Mais c’est avec Rampokan qu’il s’est fait connaître en France, une histoire aujourd’hui rééditée en intégrale et en couleurs, un plongeon dans le passé colonial de son pays…
Il n’y a pas que la France à souffrir de son passé colonial, aux Pays-Bas aussi le sujet est douloureux et encore aujourd’hui largement tabou.
Au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, les Néerlandais tentent de récupérer leur colonie indonésienne qui sortait d’une longue période d’occupation japonaise et avait proclamé son indépendance unilatéralement à la Libération. Résultat : quatre ans de guerre, près de 160 000 morts et des blessures qui auront bien du mal à cicatriser.
C’est à ce moment précis que débute le récit de Peter Van Dongen, lorsque les Pays-Bas décident d’envoyer leurs troupes pour remettre tout le monde dans le « droit chemin » et éliminer ce « virus nationaliste qui a transformé de paisibles indigènes en meurtriers ».
En 1946, l’intervention de l’armée coloniale ne suffit pas, un contingent de volontaires est envoyé en renfort. Johan Knevel, le héros de cette histoire, en fait partie. Mais lui qui s’est enrôlé pour avant tout retrouver les parfums, les odeurs, les couleurs d’une jeunesse passée dans les jupes d’une nounou néerlandaise se retrouve plongé dans l’enfer d’une guerre qui cache son nom, de simples « opérations policières » pour les Néerlandais, quand nous Français parleront cyniquement un peu plus tard « d’opérations de maintien de l’ordre » en Algérie. Ce n’est d’ailleurs pas le seul point commun avec finalement toutes les guerres d’indépendances. En cela, Rampokan a un petit quelque chose d’universel.
Trois ans de recherche et d’écriture, quatre ans pour la mise en images, Rampokan est un bijou de précision graphique et historique qui fut salué dès sa sortie en 1998, à la fois par la presse néerlandaise, les professionnels de la bande dessinée et le public. Il faut attendre cinq ans pour que l’ouvrage paraisse en France aux éditions Vertige Graphic, deux volumes en bichromie, et quinze années supplémentaires pour le voir édité par un grand éditeur, et une collection prestigieuse, Aire Libre. Une version en couleurs magnifiant le graphisme ligne claire exceptionnel de minutie de Peter Van Dongen.
Eric Guillaud
Rampokan, de Peter Van Dongen. Dupuis. 26€