Une famille innocente, un endroit perdu qu’on ne peut pas retrouver sur la carte et l’horreur qui, tapie, attend la nuit pour frapper… Le scénariste de 30 Jours de Nuit se fait plaisir en rendant hommage au cinéma d’horreur des années 70 appuyé par une débauche d’hémoglobine… Quitte à aller un peu vite en besogne.
Comment l’horreur surgit-il dans le banal, le quotidien morose ? C’est l’une des deux thématiques de ce délire graphique, l’autre étant de rendre hommage à une certaine frange de l’imaginaire horrifique tel qu’il fut façonné par des réalisateurs comme John Carpenter dans les années 70 mais aussi des faits divers sanglants comme les crimes des adeptes de Charles Manson. En soit, pas de grand scénario, pas de grandes explications sur le pourquoi-du-comment ici. Non, juste la terreur qui s’abat sur une famille recomposée en pleine (re)construction dont la seule erreur est d’avoir voulu arrêter son camping-car (le Winnebago du titre en est d’ailleurs une marque célèbre aux Etats-Unis connue pour ce type de véhicule) pour visiter une fête foraine décrépie quelque part en Californie du Sud…
D’accord, parti de ce postulat a priori basique pour, en quelques pages, comprendre que les personnages sont tombés sur une petite ville gangrenée par une secte satanique dont les soi-disant paisibles habitants sont à la recherche d’innocents à sacrifier est, disons, des plus abrupts. Tout comme la violence graphique, affichée dès l’introduction. D’ailleurs, malgré un scénario signé Steve Niles (30 Jours de Nuit), la construction du récit et surtout son rythme saccadé alternant temps forts et grands moments de vide sont franchement mal foutus, empêchant le lecteur de s’attacher aux héros.
Sauf que paradoxalement, tous ces défauts ne font que mettre plus en valeur le travail de la dessinatrice anglaise Alison Sampson au style assez peu orthodoxe. Architecte de formation, chez elle, même les mouvements les plus rapides sont comme figés, tout comme les expressions faciales, ce qui donne au tout un côté très théâtral. Et comme le coloriste, français, s’en donne à cœur joie niveau couleur et que surtout les passages gore le sont vraiment, le résultat est très grandiloquent. Parfois trop certes car pas soutenu comme il faut par une scénographie en béton armée mais quasi-baroque par moments, sans demi-mesure. Après, ‘condamné’ à un seul tome réparti en quatre chapitres, l’histoire semble hélas un peu trop expédiée, même si comme les films d’horreur de série B dont elle se réclame, la conclusion laisse la porte (grande) ouverte à une potentielle suite. Mais si vous aimez bien mettre beaucoup de sauce tomate dans vos plats et que vous n’avez pas peur de vous salir les mains, Winnebago Graveyard a le mérite d’assumer son rôle de croquemitaine.
Olivier Badin
Winnebago Graveyard, de Steve Niles, Alison Sampson, Stéphane Paitreau et Aditya Bidikar, Glénat, 15,95€