Bon, autant le concéder tout de suite, Imastu ne fait pas dans la comédie, encore moins dans l’humour. Il suffit de regarder la couverture pour comprendre qu’on ne va pas franchement rigoler, le propos est ailleurs, peut-être au fond de notre âme…
Que ce soit dans le trait ou dans l’histoire, Imastu n’explore effectivement pas la légèreté de l’être mais plus surement la profondeur de nos âmes. Aucun dialogue, très peu de textes, un univers graphique qui fait immédiatement penser à Munch et un décor où même la nature semble hostile, l’auteur Jérémie Horviller s’est inspiré ici d’une visite qu’il a eu l’occasion d’effectuer dans un orphelinat d’Estonie. Imastu, nom d’une bourgade de ce pays, raconte l’histoire d’Ulrica, une jeune orpheline enfermée avec d’autres enfants dans un endroit lugubre.
Ici, les enfants ne sortent pas… sinon par leurs songes
Pourquoi est-elle là ? D’où vient-elle ? Qu’a-t-elle vécu ? Jérémie Horviller nous l’apprend dans les dernières pages de l’album, déroulant forcément le fil d’une tragédie. « Nous pénétrons dans l’espace mental d’Ulrica où ses souffrances génèrent des formes… », explique l’auteur, « Elle est une figure de l’errance qui traverse des espaces hallucinés, des espaces à la dérive. Au XIXe, la représentation de l’hallucination est présente dans les arts visuels et la littérature où elle est invoquée comme un stimulant et un modèle de l’imagination poétique et artistique. Edvard Munch fait partie de ces artistes qui convoquent les forces de l’esprit à travers sa peinture ».
Imastu est un récit d’une noirceur absolue, il est angoissant, oppressant et douloureux. Même les rêves de la jeune fille semblent emprisonnés, attachés par des fils barbelés. L’abandon, la tristesse, la folie, suent à grosses gouttes de chaque case, de chaque dessin, de chaque personnages. Peut-on sortir intact de sa lecture ? Pas sûr !
Eric Guillaud
Imastu, de Jérémie Horviller. Editions Le Tripode. 17€ (parution le 22 mars)