Ah, la magie d’Hollywood ! Entre deux méga blockbusters des ‘Avengers’, la désormais industrie bien installée des adaptations cinématographiques de comics tente de plus en plus de lancer des franchises peut-être moins connues du grand public, le carton monumental du premier ‘Deadpool’ prouvant qu’on avait pas forcément besoin d’être un héros connu de tous de 7 à 77 ans pour faire tourner la machine à billets verts à plein régime… Reste que le cas de la ‘Panthère Noire’ est assez atypique car on tient là le premier super-héros issu et à destination de la communauté afro-américaine. Et tant pis si on tient là la xième création du célèbre duo Stan Lee et Jack Kirby, deux blancs de chez blancs.
Le contexte, ici, fait tout, la panthère noire (‘black panther’ en VO) étant apparue pour la première fois dans un épisode des ‘Quatre Fantastiques’ en 1966, un an après l’assassinat de Malcom X et alors que la lutte pour les droits civiques bat son plein aux Etats-Unis. Surtout, le prince T’Challa n’a pas ‘que’ la peau de couleur noire, il est avant tout non pas américain mais africain et à la tête d’une nation fictive (le Wakanda) dont les ressources minières lui assurent l’indépendance financière et lui permettent d’avoir accès à une technologie dont il se sert pour défendre de nobles causes. Même si initialement il n’est qu’un personnage secondaire un peu hautain et caricatural apparaissant surtout comme un simple faire-valoir, l’obtention de sa propre série en 1972 lui a alors permis de prendre une épaisseur insoupçonné.
Reste qu’en France, malgré le travail des éditions Lug (que tout bon quadra fan de comics connaît forcément), la panthère noire reste un héros très peu connu du public français, surtout avec un sous-texte social qui lui parle peu. Du moins, jusqu’à la sortie du film du même nom qui après seulement deux semaines d’exploitation dans l’hexagone dépassait déjà les deux millions d’entrées !
Ce volume de la série ‘intégrale’ de chez MARVEL France tombe donc à point nommé pour retourner aux sources de son histoire, surtout qu’il contient en plus de treize des dix-huit premiers épisodes la toute première aventure dans laquelle il est apparu dans la série des ‘Quatre Fantastiques’ et sous la houlette de Mister Jack Kirby himself s’il-vous-plaît !
Il permet aussi de rétablir une certaine vérité car passé cette première aventure un peu amidonnée (c’était les 60’s, rappelez-vous, quand les méchants étaient très méchants et les gentils très gentils), on se rend compte qu’une fois à la tête de sa propre série et sous la plume d’abord de Rich Buckler puis de Billy Graham, la panthère noire s’est détaché assez rapidement des standards établis des comics pour s’aventurer sur des terrains nettement plus proches de ceux de la fantasy pure où se bousculent extra-terrestres mais aussi animaux préhistoriques et autres légendes païennes. Et puis T’Challa est ‘black and proud’ comme le chantait James Brown avec coupes afro à gogo, rouflaquettes, bijoux et attitude grande gueule, reflet des bouillonnante 70’s et des héros d’alors de la communauté afro-américaine, tels ‘Shaft’. Une vraie redécouverte !
Olivier Badin
Black Panther, 1966-1975, Don McGregor, Rich Buckler, Billy Graham. Marvel/Panini Comics, 32€