Il y a du Clint Eastwood dans cette histoire, du Clint Eastwood et du Hermann bien évidemment, père et fils associés. C’est leur nouvelle réalisation commune, Old Pa Anderson, un récit sombre et puissant qui nous ramène un gros demi-siècle en arrière du côté du Mississippi, un Mississippi ségrégationniste, farouchement raciste, où il ne fait absolument pas bon d’être noir.
Old Pa Anderson, le personnage principal de ce récit en sait quelque chose. Sa femme qu’il vient d’enterrer est littéralement morte de chagrin, morte de n’avoir rien pu faire contre les assassins blancs de sa petite-fille, Lizzie, tuée il y a huit ans. Pour Old Pa, le temps de la vengeance est venu. Et tant pis s’il est juste « un nègre du Mississippi » comme lui rappelle un ami, un nègre qui n’aura jamais la justice de son côté. Aujourd’hui, il est prêt à tout pour venger sa petite-fille et sa femme, y compris à perdre la vie…
La vengeance, terme récurent dans le cinéma de Clint Eastwood, l’est aussi dans l’oeuvre d’Hermann. Elle trouve bien évidemment ici une justification dans le contexte sombre et violent de la politique de discrimination raciale de l’Amérique des années 50. A ce propos et en réponse à certains qui le jugent réactionnaire, Hermann a tout récemment déclaré au journal Le Monde, alors qu’il venait d’être couronné Grand prix du festival d’Angoulême : « Je me situe plutôt au centre politiquement, avec des colères de gauche et des colères de droite, mais jamais à l’extrême gauche ni à l’extrême droite. Je suis en fait un instinctif d’une simplicité naïve qui répond à ses impulsions, et surtout pas un intellectuel. J’aimerais tellement que le monde soit mieux qu’il est. »
Un très bel album, fort, émouvant, carré, judicieusement complété par un cahier de témoignages sur la ségrégation. À lire et relire !
Eric Guillaud
Old Pa Anderson, de Hermann et Yves H. Editions Le Lombard. 14,45 €