Ne me demandez pas pourquoi ce livre s’appelle Sorties de secours, je n’en sais rien. Tout juste pouvons-nous imaginer qu’il s’agit là d’une allusion à la mort comme soulagement à la vieillesse. Dans sa version américaine, l’album s’appelait Special Exits et lors d’une précédente édition française chez Actes Sud Vers la sortie.
Quoiqu’il en soit, ce livre de Joyce Farmer est un petit chef d’oeuvre qui se déguste tranquillement, quelque pages par jour, histoire de faire durer le plaisir. L’auteure, très impliquée dans la BD underground américaine féministe, proche de Robert Crumb, a notamment créé la série Tits & Clits, participé à un comics sur l’avortement et publié cette histoire au drôle de titre sur la vieillesse, la dépendance, la maladie, la mort.
Et l’amour ! Surtout l’amour. C’est ce qui lie encore Lars et Rachel au crépuscule de leur vie. L’amour qui les retient dans leur maison, qui les pousse à refuser toute séparation, même dans les pires moments, à repousser tout placement dans une maison de retraite ou toute hospitalisation, à fuir les médecins aussi… Derrière Lars et Rachel, il y a les parents de Joyce Farmer. Elle a assisté à leur lente et douloureuse dégénérescence.
«Quand vous prenez soin de quelqu’un pendant cinq ans, vous faites le deuil avant même qu’il parte, parce que vous voyez comment une personne se détériore, et vous ne lui souhaitez pas rester en vie au-delà d’un certain point », déclare l’auteure.
Dans une veine graphique très underground, Sorties de Secours reste pourtant très actuel par sa thématique. Un travail remarquable, un récit poignant qui a fait pleurer Robert Crumb et ne devrait pas vous épargner. Pour ma part, Sorties de Secours m’a bouleversé comme rarement une BD a pu le faire.
Eric Guillaud
Sorties de Secours, de Joyce Farmer. Editions Delcourt. 21,50€.