30 Jan

Old Pa Anderson : retour aux heures sombres de la ségrégation raciale américaine avec Hermann et Yves H.

1840193-gfIl y a du Clint Eastwood dans cette histoire, du Clint Eastwood et du Hermann bien évidemment, père et fils associés. C’est leur nouvelle réalisation commune, Old Pa Anderson, un récit sombre et puissant qui nous ramène un gros demi-siècle en arrière du côté du Mississippi, un Mississippi ségrégationniste, farouchement raciste, où il ne fait absolument pas bon d’être noir.

Old Pa Anderson, le personnage principal de ce récit en sait quelque chose. Sa femme qu’il vient d’enterrer est littéralement morte de chagrin, morte de n’avoir rien pu faire contre les assassins blancs de sa petite-fille, Lizzie, tuée il y a huit ans. Pour Old Pa, le temps de la vengeance est venu. Et tant pis s’il est juste « un nègre du Mississippi » comme lui rappelle un ami, un nègre qui n’aura jamais la justice de son côté. Aujourd’hui, il est prêt à tout pour venger sa petite-fille et sa femme, y compris à perdre la vie…

La vengeance, terme récurent dans le cinéma de Clint Eastwood, l’est aussi dans l’oeuvre  d’Hermann. Elle trouve bien évidemment ici une justification dans le contexte sombre et violent de la politique de discrimination raciale de l’Amérique des années 50. A ce propos et en réponse à certains qui le jugent réactionnaire, Hermann a tout récemment déclaré au journal Le Monde, alors qu’il venait d’être couronné Grand prix du festival d’Angoulême : « Je me situe plutôt au centre politiquement, avec des colères de gauche et des colères de droite, mais jamais à l’extrême gauche ni à l’extrême droite. Je suis en fait un instinctif d’une simplicité naïve qui répond à ses impulsions, et surtout pas un intellectuelJ’aimerais tellement que le monde soit mieux qu’il est. »

Un très bel album, fort, émouvant, carré, judicieusement complété par un cahier de témoignages sur la ségrégation. À lire et relire !

Eric Guillaud

Old Pa Anderson, de Hermann et Yves H. Editions Le Lombard. 14,45 €

11 Juin

Motherfucker (première partie), de Sylvain Ricard et Guillaume Martinez. Editions Futuropolis. 15 euros.

Si la bande dessinée met régulièrement en scène la question des droits civiques de la population noire américaine, très peu d’albums en revanche – pour ne pas dire aucun – portent véritablement sur le mouvement des Black Panthers. Un oubli, s’il en s’agit vraiment d’un, aujourd’hui corrigé grâce à la parution chez Futuropolis de Motherfucker, première partie d’un dytique signé Sylvain Ricard et Guillaume Martinez. Derrière ce libellé argotique, Motherfucker nous raconte l’histoire d’un homme. Son nom, Vermont Washington, Vermont comme le nom du premier état à s’être ajouté aux 13 états fondateurs de l’Union et Washington comme le premier président des Etats-Unis d’Amérique. De quoi symboliser à lui tout seul cette liberté chérie de l’Amérique… Mais Vermont Washington est noir. Et ça change tout ! Nous sommes à la fin des années 60, l’esclavage a été aboli il y a un peu plus de cent ans mais la ségrégation est courante, le racisme, ordinaire, les humiliations et passages à tabac, quotidiens. Dans ce contexte, le peuple noir n’a alors que deux possibilités : courber l’échine ou se révolter ! Vermont Washington a opté pour la deuxième solution. Avec le mouvement révolutionnaire Afro-américain Black Panther, il compte bien changer le cours de sa vie et plus largement le cours de l’histoire. Mais dans l’immédiat, Vermont doit faire face à son père qui, lui, a décidé de courber l’échine. De fait, il n’accepte absolument pas l’attitude de Vermont. Le père met le fils dehors, ainsi que son épouse et leur enfant. Pour Vermont, c’est le début d’un vrai combat… Un album en noir et blanc direct et implacable comme un uppercut ! EGuillaud