Le Festival international de la bande dessinée s’est ouvert jeudi dans une joyeuse cohue à Angoulême mais pour les auteurs de BD la fête à un goût amer en raison de la précarité accrue de leur statut.
« Le secteur de la bande dessinée est fragile », a reconnu la ministre de la Culture, Fleur Pellerin en inaugurant la manifestation. Si la BD reste une manne pour les éditeurs de ce secteur avec, en 2015, des ventes d’albums et un chiffre d’affaires en hausse, une majorité d’auteurs ont une rémunération inférieure au Smic.
Selon une étude des Etats généraux de la bande dessinée, réalisée à l’occasion du FIBD, 53% des auteurs interrogés ont un revenu inférieur au Smic annuel brut et 36% d’entre eux sont en-dessous du seuil de pauvreté. Si on ne prend en compte que les femmes, 67% ont un revenu inférieur au Smic annuel brut et 50% sont sous le seuil de pauvreté. Et l’avenir n’est pas rose. 66% des auteurs interrogés pensent que leur situation va se dégrader pendant les prochaines années.
La protection sociale des auteurs de BD est à l’avenant. Une large majorité d’auteurs n’ont jamais bénéficié d’un congé maladie ou d’un congé maternité. L’étude des Etats généraux de la BD repose sur les réponses de 1.500 auteurs de BD francophones.
Pas d’argent mais libres
« Beaucoup d’auteurs de BD ont du mal à vivre de leur talent », a déclaré Fleur Pellerin. « Pour moi, ministre de la Culture, il est absolument indispensable que nos artistes et nos créateurs puissent vivre et vivre correctement de leur talent », a-t-elle dit.
La ministre a promis de faire des propositions, notamment en matière de régime de retraite, à l’occasion du prochain Salon du livre à Paris en mars. En attendant, près des trois quarts des auteurs de BD (71%) avouent avoir un emploi parallèle à celui d’auteur de bande dessinée, généralement dans un autre domaine artistique ou dans l’enseignement.
Pourtant, il n’y a jamais eu autant d’albums dans les librairies. En 2015, plus de 5.000 livres de bande dessinée ont été publiés (dont près de 4.000 strictes nouveautés). « Il y a 20 ans, entre 500 et 600 albums seulement étaient publiés chaque année », fait remarquer Franck Bondoux, délégué général du festival. « En BD, on n’a pas beaucoup d’argent, mais on est libres », tempère Balak, le scénariste de « Lastman », une saga récompensée en 2015 à Angoulême par le Prix de la série.
Interrogé par des lycéens, Bastien Vivès, dessinateur notamment de « Polina », défend son métier avec passion. « Je peux faire ce que je veux« , s’enthousiasme-t-il. « Si je veux prendre des vacances, là, maintenant, je les prends », ajoute-t-il avant toutefois de reconnaître que le métier a aussi quelques « inconvénients ». « Vivre de la BD, ce n’est pas évident. Si ça marche, tant mieux pour vous, mais si ça ne marche pas, sachez que si vous aimez le dessin et avez la passion, il y a d’autres métiers que celui de dessinateur de BD », explique-t-il aux lycéens soudain un peu refroidis.
Eric Guillaud avec AFP