11 Nov

Franquin, Morris, Jijé, Sempé… : 200 couvertures du Moustique

iSI0nbJqP6cJSRZ3j8q4LZGhkMxEm82K-couv-1200Franquin, Morris, Jijé, Sempé… mais aussi Delporte, Goscinny, Hubinon, Peyo, Roba, Rosy, Greg, Will, ce magnifique ouvrage paru aux éditions Dupuis réunit 200 couvertures de la revue belge Le Moustique publiées entre 1945 et 1964. Des noms familiers pour ceux qui s’intéressent un tant soit peu au Neuvième art, des noms qui ont fait le succès d’un autre journal belge, Spirou.

Le Moustique est lancé en 1924 de la volonté de l’imprimeur belge Jean Dupuis d’offrir « à toutes et à tous des lectures saines » rappellent Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault en introduction de ce livre. Des lectures saines et drôles, tel est effectivement le créneau du Moustique, équivalent masculin à une autre revue de l’imprimeur, Bonnes Soirées.

Cartoons, jeux, chroniques humoristiques, romans feuilletons et contes constituent l’essentiel du Moustique qui devint après la Seconde guerre mondiale « un banc d’essai pour tester les postulants au Journal de Spirou ». Et les postulants sont nombreux : « Will, Hubinon, Paape, Goscinny, Peyo, Greg, Rosy, Delporte, Remacle, Ryssack ou Deliège apparaissent dans le premier avant de s’épanouir dans le second ».

On comprend dès lors l’importance de cette revue et notamment de sa couverture dans l’histoire des éditions Dupuis et plus généralement dans l’histoire de l’illustration et de la bande dessinée. Publié à quelques semaines de Noël, Franquin, Morris, Jijé, Sempé… permettra aux passionnés d’illustrations et de bandes dessinées de retrouver les travaux de jeunesse de certains grands maîtres genre. 312 pages, 200 illustrations, 22 artistes, des remises en perspectives signées des spécialistes Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault et au bout du compte un très beau livre.

Eric Guillaud

Franquin, Morris, Jijé, Sempé… 200 couvertures inédites pour le journal Le Moustique. Editions Dupuis. 55 €

10 Nov

Maudit Allende ! Le douloureux passé du Chili retracé par Jorge González et Olivier Bras

Couv_259764Vingt-cinq ans après la fin de la dictature, le gouvernement chilien vient de reconnaître pour la première fois la possibilité que le poète Pablo Neruda ait été assassiné par le régime de Pinochet après le coup d’état qui a renversé le président socialiste Salvador Allende. Tout ça pour dire combien cette période est aujourd’hui encore ressentie par le peuple chilien comme une blessure profonde, une déchirure, un passé dont il se serait bien passé et qu’il aimerait parfois effacer. Impossible hélas!

Maudit Pinochet serait-on tenté de crier depuis notre vieille Europe. Maudit Allende! afffichent Jorge González et Olivier Bras en couverture de leur album publié chez Futuropolis. Une provocation ? Non. Impossible de taxer le scénariste Olivier Bras de sympathie pour le dictateur, bien au contraire. Il écrit d’ailleurs en postface que Salvador Allende continue d’incarner « pour beaucoup une personnalité politique inspirante, un homme aux convictions marquées qui mérite bien un piédestal« .

Alors pourquoi ce titre ? Tout simplement parce que l’album retrace la grande histoire du Chili à travers la petite histoire d’un gamin, Leo, dont la famille n’a pas fui comme beaucoup de Chiliens le coup d’Etat de 1973 marquant l’instauration de la dictature mais l’arrivée au pouvoir du socialiste Salvador Allende, trois petites années auparavant.

Éduqué dans le culte du général Augusto Pinochet, Leo grandit en Afrique du Sud avant de rejoindre l’Angleterre, se rapprochant sans le savoir du général Pinochet qui vient de subir une intervention chirurgicale en urgence dans une clinique londonienne. Et c’est là qu’il est arrêté pour génocides, tortures et disparitions, sur intervention de la justice espagnole. Une sacré coïncidence qui va amener Leo à retourner dans son pays lorsque Pinochet libéré retournera lui-même à Santiago. Leo y accompagne sa petite amie, une journaliste française chargée de couvrir l’événement. Au cours de ce séjour, le jeune homme va approcher la réalité de la dictature et remettre des années d’éducation, de croyances, en question.

Absolument passionnant et assurément émouvant. Maudit Allende! prépublié dans La Revue dessinée retrace une période très sombre du Chili avec force et précision. Rien d’étonnant, le scénariste Olivier Bras est journaliste et a notamment couvert le Chili pour Libération et RFI. Il signe ici son premier roman graphique – et quel roman! – avec un très grand dessinateur argentin Jorge González, dont on a déjà dit le plus grand bien dans ce blog. Il a notamment signé Bandoneon, Chère Patagonie et Retour au Kosovo. Comme dans chacun de ses albums, Jorge González nous invite  à vivre ici une nouvelle expérience graphique et narrative singulière, un va et viens entre des planches très sombres, parfois juste esquissées, correspondant à la période de dictature, et des planches en couleur plus légères, correspondant à l’après dictature. C’est beau, tellement beau qu’on en pleurerait !

Eric Guillaud

Maudit Allende!, de González et Bras. Editions Futuropolis. 20 €

En 2012, Jorge González nous avait accordé une longue et passionnante interview au moment de la sortie de l’album Chère PatagonieUne interview à retrouver ici !

08 Nov

Jappeloup, Tempête, Filou, Caramel, Rafal, Flash…Le cheval, nouveau roi de la bande dessinée jeunesse

Ça galope chez les éditeurs. Le cheval est devenu un animal très prisé depuis quelques temps. Jungle!, Glénat, Delcourt… chacun y va de sa série. En selles pour de nouvelles aventures…

image-46553On commence par Jappeloup. Inspiré d’une histoire vraie qui a déjà donné lieu à un film avec Guillaume Canet dans le rôle principal, cette adaptation en BD signée Maxe l’Hermenier et Béatrice Pence Sechi raconte l’histoire d’amour entre un cheval, Jappeloup, et son cavalier, Pierre Durand. Malgré des origines modestes et une faible hauteur au garrot, Jappeloup remporte de très nombreux prix, notamment la médaille d’or olympique en saut d’obstacles en 1988, et est considéré comme l’un des meilleurs chevaux de saut d’obstacles de tous les temps. En bonus au premier volet de cette nouvelle série publiée chez Jungle! un carnet de fiches pédagogiques qui aborde l’éthologie, l’alimentation, l’anatomie, la santé, les soins…

Contrairement à Jappeloup, Caramel n’en est pas à son premier galop d’essai. Sorti 501 CARAMEL T3[BD].indddébut septembre chez Glénat, en co-édition avec Cheval magazine, Caramel fait ses premiers pas est le troisième volet de cette série BD signée Patrice Marsaudon. Ce cheval facétieux est en fait apparu en 1991 dans les pages de Cheval Star. Ce sont d’ailleurs les tout premiers gags de Caramel publiés dans ce magazine équestre que l’auteur nous fait (re)découvrir ici – d’où ce titre – en y associant, et c’est plutôt une bonne idée, ses anecdotes et commentaires au fil des pages. C’est drôle et très bien dessiné. Preuve en est, notre héros cheval Couv_256868connaît une carrière internationale depuis une dizaine d’années, ses aventures sont publiées dans une quarantaine de magazines à travers 18 pays.

Toujours chez Glénat et toujours en co-édition avec Cheval magazine, la série Lilou & Filou en arrive à son deuxième album intitulé Que du bonheur!, que du bonheur pour le cheval Filou qui préfère jouer avec ses copains dans les herbages et s’empiffrer de pommes, que du bonheur aussi pour la jeune Lilou qui aime plus que tout son cheval. Des gags en une planche graphiquement agréables signés d’une passionnée, Fanny Ruelle, qui touche à tout, la bande dessinée mais aussi l’illustration, la peinture et la sculpture.

a-cheval-01-hip-hippique-hourraTout nouveau tout beau, le premier tome de A Cheval! paru chez Delcourt permet de découvrir la vie d’un centre équestre à travers – et c’est là l’originalité de cette série – le regard de ses pensionnaires, en l’occurence les chevaux. Au scénario, Miss Prickly, au dessin, Laurent Dufreney et dans les rôles principaux, Flash, Rafal, Mylord, Colt… ainsi que quelques humanoïdes pas toujours très intelligents. Le premier tome, Hip Hippique Hourra!  propose des gags là-aussi en une planche et en bonus des autocollants.

couv_tempete_ok_rvb_bdUn récit complet pour finir, Tempête au haras est l’adaptation en BD d’un roman de Chris Donner publié aux éditions Ecole des loisirs avec au dessin le talentueux Jérémie Moreau, précédemment responsable et coupable du Singe de Hartlepool (Delcourt). Contrairement aux autres albums, celui-ci ne joue pas sur le terrain de l’humour mais du drame. Jean-Philippe rêve de devenir jockey. Né dans le haras tenu par ses parents, il grandit aux côtés des poulains et n’est jamais aussi heureux qu’à cheval. Lorsque Belle-Intrigante met au monde une pouliche, Tempête, il en est certain, elle deviendra un crack ! Le crack qu’attendent ses parents depuis des générations et qu’il montera. Mais un soir d’orage, Tempête, affolée, piétine le dos de Jean-Philippe. Il devient tétraplégique… Ne pleurez pas tout de suite, les choses pourraient finir plutôt bien. Scénario carré, graphisme un peu plus adulte que dans les albums précédents, Tempête au haras trouve ici une très belle adaptation. Émotions assurées !

Eric Guillaud

Dans le détail

Jappeloup (tome 1), de L’Hermenier et Penco Sechi, Editions Jungle!. 10,45 €

Caramel (tome 3), de Marrsaudon. Editions Glénat. 11,50 €

Lilou & Filou (tome 2), de Fanny Ruelle. Editions Glénat. 9,99 €

A Cheval!, de Dufreney et Miss Prickly. Editions Delcourt. 10,95 €

Tempête au haras, de Donner et Moreau. Editions Rue de Sèvres. 14 € 

07 Nov

Bons baisers d’Iran : un carnet de voyage sans James Bond mais avec Lénaïc Vilain

9782365350969_1_75Bons baisers d’Iran n’est pas un livre d’espionnage, ni un documentaire géopolitique, encore moins un guide touristique…

C’est un carnet de voyage, tout simplement. 150 pages pour raconter le séjour de Lénaïc Vilain et de sa compagne dans un pays que nous connaissons finalement très mal. Et pour cause, l’Iran est toujours sous embargo. Mais la perspective d’une levée des sanctions économiques et financières fait que le pays s’ouvre un peu depuis quelques mois, notamment au tourisme.

Et c’est en touriste, oui oui ce n’est pas un gros mot, que Lénaïc Vilain débarque un beau jour en Iran, à Téhéran puis à Ispahan. Et c’est toujours en touriste qu’il nous rapporte son voyage en bande dessinée. Un regard vrai et senti sur le pays, sur son peuple, le quotidien, la condition féminine, la religion, le pouvoir, l’homosexualité, la nourriture, l’alcool…

Loin dans le fond et la forme du Persepolis de Marajane Satrapi, Bons baisers d’Iran est un livre plein d’humour qui veut tordre le cou à certains aprioris, et il y a arrive, sans éluder pour autant les sujets graves comme l’absence de liberté religieuse, les exécutions sommaires… Pour autant, l’auteur écarte toute tentative de morale à deux sous, de condamnation systématique, de sentiment de supériorité tendance Français moyen.

Lénaïc Vilain qui a longtemps exercé la profession d’agent de sécurité en complément de son travail dans la bande dessinée, il est aujourd’hui pion dans un lycée, a notamment signé R.A.S. aux éditions Poivre & Sel et Ainsi soient-ils chez Makaka. Un bon bouquin au graphisme plaisant, au ton léger et libre.

Eric Guillaud

Bons baisers d’Iran, de Lénaïc Vilain. Editions Vraoum! 20 €

03 Nov

Carnet de bagnoles: Lapin sort les chromes chez Glénat

Couv_258174Une chaise pliante, quelques crayons et un vieux registre de compta en guise de carnet de croquis, il n’en faut pas plus pour faire de Lapin un dessinateur heureux. Enfin si, il lui faut aussi quelques sujets qui en valent la peine. De vieilles bagnoles par exemple, rencontrées au fil de ses voyages, une 404 Peugeot au Maroc, une Fiat 500 à Naples, une chevrolet Bel Air aux Etats-Unis ou une Trabant à Berlin.

Français installé à Barcelone, Lapin aurait ainsi rempli plus de 160 carnets. Le premier d’entre-eux publié chez Glénat réunit une centaine d’illustrations de vieilles bagnoles passées au filtre d’un étrange et léger effet fish-eye. L’auteur s’est en plus amusé à représenter le plus souvent possible son reflet dans les chromes. En plus d’admirer les belles mécaniques, vous pourrez jouer à Où est Lapin ?

Eric Guillaud

Carnet de bagnoles, de Lapin. Editions Glénat. 19 €

@ Glénat / Lapin

@ Glénat / Lapin

02 Nov

« Franquin, Chronologie d’une oeuvre » : un ouvrage de référence sur l’un des plus grands auteurs contemporains

franquinC’est du lourd, du très lourd même. 2,4 kg (j’ai pesé!). 384 pages (j’ai compté), des centaines de documents, illustrations, croquis, couvertures, crayonnés, planches et photos. Et au bout du compte une oeuvre, magistrale, essentielle, fondatrice, celle de Franquin, André Franquin, l’homme qui a fait de Spirou et Fantasio des personnages à la fois modernes et mythiques, l’homme qui a créé Gaston Lagaffe, le Marsupilami, Modeste et Pompon, qui a illustré Les Idées noires, ses idées noires, l’homme finalement qui a créé un style graphique et révolutionné le Neuvième art en son temps. Alors oui, le livre pèse son poids mais il a de très bonnes raisons pour ça.

Année après année, album après album, Franquin, Chronologie d’une oeuvre nous fait pénétrer dans l’intimité créative du maître, décortiquant son parcours, son trait, son humour. Tout commence en 1946 avec la première histoire de Spirou dessinée par Franquin et publiée dans le journal Spirou très vite suivie du récit Le Tank publié quant à lui dans l’Almanach 1947. Et tout se termine avec les ultimes planches de Gaston et notamment la planche restée inachevée, publiée dans le tome 19 des aventures de Gaston Lagaffe. André Franquin décède le 5 janvier 1997 laissant ses héros de papier et quelques centaines de milliers de fans orphelins.

Dans leur ouvrage, José-Louis Bocquet et Eric Verhoest rappellent que pour Franquin, la possibilité de passer à la postérité n’a jamais été de mise. Et de le citer : « L’idée d’être dans le dictionnaire ne m’intéresse pas du tout. Si on le faisait, j’aimerais qu’on signale simplement Gaston ». Une phrase à l’image de l’auteur, géniale et modeste, un homme capable de s’effacer au profit de ses personnages.

Une citation parmi des centaines d’autres contenues dans l’ouvrage Franquin, Chronologie d’une oeuvre, les auteurs ayant souhaité pour ce « voyage initiatique » s’appuyer au maximum sur la propre parole de Franquin. « Si celui-ci… », expliquent-ils, « n’a jamais voulu être l’exégète de son propre travail – sa modestie, qui n’était pas feinte, excusait cette posture -, ses propos éclairent, toujours avec justesse, souvent avec humour, les grandes et petites étapes de son cheminement d’auteur ».

Pour la troisième édition de cet ouvrage de référence, les éditions Dupuis ont doublé la pagination afin de donner l’espace nécessaire à l’exceptionnelle iconographie présentée. Un livre remarquable sur une oeuvre exceptionnelle !

Eric Guillaud

Franquin, chronologie d’une oeuvre, de José-Louis Bocquet et Eric Verhoest. Editions Dupuis. 59 €

@ Dupuis Patrimoine / Franquin

@ Dupuis Patrimoine / Franquin

01 Nov

Les Ogres-Dieux et Soucoupes, deux albums sinon rien récompensés aux Utopiales, le festival de science-fiction de Nantes

Couv_230942Ce n’est pas un mais deux albums qui ont été récompensés hier lors de la cérémonie de remise de prix de la seizième édition des Utopiales, le Festival international de science-fiction à Nantes. Le premier volet des Ogres-Dieux de Hubert et Bertrand Gatignol, aux éditions Soleil a reçu le Prix de la meilleure bande dessinée de science-fiction. L’album Soucoupes de Obion et Arnaud Le Gouëfflec aux éditions Glénat a été désigné album coup de coeur du public.

Côté illustration, le génialissime Manchu a reçu le Prix Extraordinaire.

 

Les autres prix décernés
Prix Julia Verlanger à Lum’en de Laurent Genefort, éd. Le Bélial, 2015
Mention spéciale du jury à L’Adjacent de Christopher Priest (traduction de Jacques Collin), éd. Denoël, 2015
Prix du meilleur scénario de jeux de rôle à Un prophète de Jean-Marc Choserot pour le jeu Cthulhu
Prix du meilleur jeu vidéo réalisé à la Game Jam Button Factory de Samuel Bouchet (Dev), Pierre Chabiland (Dev), Rémi Gourrierec (Graph) et
Louis Godart (SD)
Prix du Jury – compétition internationale de courts-métrages à World of Tomorrow de Don Hertzfeldt / États-Unis, 2015
Mention spéciale du jury à Pelle Öhlund, acteur principal dans Man Without Direction de Johannes Stjärne Nilsson, Pelle Öhlund
et Nina Jemth / Suède, 2015
Prix Canal+ – compétition internationale de courts-métrages à Portal to Hell !!! de Vivieno Caldinelli / Canada, 2015
Prix du public – compétition internationale de courts-métrages à Juliet de Marc-Henri Boulier / France, 2015
Grand Prix du Jury – compétition internationale de longs-métrages à Évolution de Lucile Hadzihalilovic / France-Belgique-Espagne, 2015
Prix du public – compétition internationale de longs-métrages à Moonwalkers d’Antoine Bardou-Jacquet / Grande-Bretagne, 2015
Prix Utopiales Européen Jeunesse à Humains de Matt Haig (traduit par Valérie Le Plouhinec), éd. Hélium, août 2014
Prix Utopiales Européen à L’Autre Ville de Michal Ajvaz (traduit par Benoît Meunier), éd. Mirobole, 2015

Eric Guillaud