Un matin d’avril 1919, quelque part dans le Nord-Pas-de-Calais. Le paysage présente encore les stigmates de la Grande guerre toute proche mais, déjà, la vie et la passion tentent de reprendre le dessus sur la mort et la haine. A peine sortis des tranchées, quelques vaillants gamins ont en effet enfourché leurs vélos pour participer à l’une des courses cyclistes les plus mythiques du pays : le Paris-Roubaix ou l’Enfer du nord comme on la surnomme si justement. Quentin Ternois ne pouvait louper ça, lui, l’ancien du milieu. Même si aujourd’hui, il tente de survivre avec ce qui lui reste de poumon. Gazé, comme tant d’autres ! Il va se contenter de regarder les gars passer et de rêver au bon vieux temps avec son neuveu, un passionné de vélo lui aussi, malheureusement condamné à travailler dans les mines. Comme papa ! Pendant ce temps là, dans un orphelinat du Sud-ouest de la France, une fillette subit la violence du directeur. Elle s’appelle Reine Fario. C’est la fille d’Amédée Fario, un autre coureur cycliste tué sur le front… En apprenant son existence, un ami de ce dernier, Camille Peyroulet, va tout tenter pour la récupérer, l’adopter…
Lax est de retour ! Et le plaisir est toujours là. Immense. Entre deux aventures du Choucas (éd. Dupuis), il livre ici une suite à L’Aigle sans orteils (éd. Dupuis), un récit publié en 2005 et couvert de récompenses. « On y retrouve certains protagonistes, tout particulièrement Camille Peyroulet, le meilleur ami d’Amédée Fario… », précise l’auteur, « Le récit commence en avril 1919, au moment où fut organisé dans une région picarde dévastée par le conflit, le premier Paris-Roubaix d’après-guerre. La France avait alors un besoin pressant de retrouver une dignité, et cette course célèbre, véritable monument du patrimoine national , en resurgissant des ruines, était une formidable occasion de redresser la tête ». Pain d’alouette est un véritable hommage au monde du cyclisme mais aussi au monde ouvrier. « Si le contexte de mes livres est celui de la classe ouvrière, quelles que soient les époques, c’est que je viens de là. C’est le milieu social dans lequel j’ai grandi, qui a influencé mon éducation ». Et le lien entre le monde ouvrier et le cyclisme est évident pour l’auteur. « Le vélo fut et est encore un grand sport populaire, parce qu’il porte des valeurs que la classe laborieuse, le monde du travail, le prolétariat, les gens de peu (pour reprendre les mots du philosophe Pierre Sansot) connaissent, repsectent et cultivent […] Pour moi le parallèle est évident, et une course aussi inhumaine que Paris-Roubaix ne pouvait s’imposer que sur ce terreau de l’effort et de la souffrance, participant à façonner une aristocratie du monde ouvrier et du milieu sportif ». Pour ce magnifique récit, Lax à souhaité un graphisme rugueux qui colle à l’atmosphère d’après-guerre et à cet « Enfer du nord » qui peut tout autant décrire le Paris-Roubaix que le quotidien des mineurs. Lax a d’ailleurs, pour l’occasion, adapté son dessin. « En posant mes couleurs (encres et aquarelle) sur un trait volontairement tracé avec une encre soluble et elle-même colorée en fonction de la tonalité dominante, j’obtiens des mélanges plus ou moins hasardeux et plus ou moins sales, que je surcharge souvent avec du graphite, des pastels ou des épaisseurs de gouache. J’ai de la matière, surtout pour les scènes d’extérieur, et du coup rien n’apparaît propre et tranquille ». Et le résultat est tout simplement sublime ! E.G.