10 Avr

Saudade : un recueil d’histoires courtes, belles et poignantes, signé Fortu

P2D2953346GUn quartier qui disparaît, un pays qui s’éloigne, un amour qui s’enfuit, un enfant qui meurt… Vous l’aurez compris, Saudade ne fait pas dans le registre de l’humour. Sous ce titre qui exprime une mélancolie empreinte de nostalgie, le Ligérien Franck Fortuna, alias Fortu, a réuni une quinzaine d’histoires courtes tristes et belles à la fois…

Fortu est d’origine portugaise, ceci explique cela, en l’occurence le choix de ce mot pour titre, Saudade, un mot si bien mis en musique par Cesária Évora. Pour la quinzaine de récits qui composent ce recueil paru dans la collection Shampooing des éditions Delcourt, Fortu s’est en partie inspiré de sa propre vie ou de celle de sa famille. Il y raconte notamment son père qui a fuit le Portugal en 1965. Ou plus précisément la dictature de Salazar. Car le pays, son pays, il l’a toujours conservé quelque part au fond du coeur, au point, 48 ans après son arrivée en France, de ne toujours pas se sentir français. Et de ne plus vraiment se sentir portugais. Qui est-il ? Qui sommes nous ? Quelle trace laissons-nous ? Autant de questions que soulève chacune de ces histoires courtes. `

Pas de cases, pas de bulles, deux dessins par page, un graphisme épuré à son maximum, Fortu établit ainsi une proximité étonnante, un lien intime avec le lecteur qui lui permet de transmettre sa saudade. Un très beau livre.

Eric Guillaud

Saudade, de Fortu. Editions Delcourt. 14,50 €

© Delcourt / Fortu

© Delcourt / Fortu

 

08 Avr

Soleil brûlant en Algérie : l’interview de Gaétan Nocq

Évoquer la guerre d’Algérie, aujourd’hui encore, 54 ans après l’indépendance, n’est pas chose facile. Des deux côtés de la Méditerranée, le sujet reste sensible. Gaétan Nocq s’y est pourtant attelé en adaptant en BD le témoignage écrit d’un jeune appelé, Alexandre Tikhomiroff, débarqué sous le soleil brûlant d’Algérie à la fin de l’année 1956, précisément à Cherchell sur la côte ouest du pays. Durant vingt-sept mois, Alexandre Tikhomiroff, dit Tiko, doit jouer au soldat dans une école militaire formant les officiers. Tiko est contre la guerre. À son retour sur le sol français, il rejoint un groupe de militants pacifistes. Gaétan Nocq nous parle de sa rencontre avec Tiko, de son travail d’adaptation, de l’Algérie, de sa passion pour le carnet de voyage…

Gaétan et Alexandre en pleine discussion

Alexandre et Gaétan en pleine discussion

Qu’évoquait pour vous l’Algérie avant de vous lancer dans cette adaptation ?

Gaétan Nocq. Un pays assez mystérieux, pas facile à appréhender, entaché par des conflits violents jusqu’à récemment. Et en contrepoint, un pays d’espace qui fait rêver : les livres de Frison-Roche sur le Grand Sud et les photos en noir et blanc des éditions Arthaud des années 50.

Que connaissiez-vous de cette période, de cette guerre ?

Gaétan Nocq. J’étais un novice dans la mesure où je n’avais jamais vraiment lu sur la question. Et, j’avais conscience que c’était un sujet tabou en France puisque c’est une guerre qui, officiellement n’a jamais voulu dire son nom… jusqu’en 1999. Contrairement à d’autres, je n’ai pas de filiation à cette guerre dans le sens où je n’ai pas de père ou d’oncle envoyés en Algérie. C’est peut être ça qui m’a décidé car mon regard était distant ou en tout cas, dégagé de tout pathos.

c’est un récit qui se déplace dans un territoire naturel très marqué, qui incite autant à la contemplation qu’à la méfiance

Qu’est-ce qui vous a décidé à mettre en image le témoignage d’Alexandre Tikhomiroff ?

Gaétan Nocq. Le récit d’Alexandre m’a touché par sa sincérité et sa sensibilité. Plusieurs choses m’ont inspiré. Tout d’abord un récit humble à hauteur humaine avec parfois cette mise à distance par l’ironie et la dérision. Et puis, c’est un récit qui se déplace dans un territoire naturel très marqué, qui incite autant à la contemplation qu’à la méfiance. Ces « montagnes hirsutes » présentes « comme une foule de géants silencieux » dit Tiko. Il parle de « Présence terrible car en elles se cache la mort ». Ce sont des passages qui m’ont inspiré. Cette relation de l’action avec le paysage dans son aspect brut et naturel. Cela a fait écho à mes préoccupations artistiques : quand Alexandre m’a présenté son livre, je travaillais sur des séries de paysages de montagnes à la pierre noire ou à la sanguine. Son récit appelait un lien entre la psychologie du personnage et la psychologie du paysage. Je voulais que le paysage participe de près ou de loin à la narration et lui apporte une tension.

© La Boîte à Bulles / Nocq

© La Boîte à Bulles / Nocq

C’est votre première bande dessinée. Qu’est-ce qui a été le plus difficile, le plus délicat pour vous ?

Gaétan Nocq. Cela faisait plusieurs années que je souhaitais travailler sur une BD. Avec le livre de Tiko, j’avais résolu la partie fondamentale :  l’histoire, le récit était là. Mais la première difficulté était de le découper, de le scénariser, de développer des dialogues. Ce fut plus l’objet d’une réflexion, d’un plaisir de conception et d’engagement au profit de la mise en scène.

La vraie difficulté était elle d’ordre documentaire et historique. Dans un contexte militaire très codé, il s’agissait de ne pas faire d’erreur pour la représentation des armes, des uniformes et du matériel militaire spécifiques à cette période. Il était important pour moi de ne pas rester à une image, je devais toucher, prendre en main pour avoir une expérience sensible de ces objets. J’ai rencontré des gens passionnés au musée de l’Armée et au Château de Vincennes, j’ai pu notamment approcher et soupeser les armes de l’époque. Et puis, Tiko au bout de six mois, m’a ressorti d’une boîte ses épaulettes et son calot…

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la chronique de l’album ici

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Vous venez du carnet de voyage, est-ce que la BD documentaire peut être une ouverture pour vous ou reste-t-elle une simple escapade ?

Gaétan Nocq. Toute mon expérience du carnet de voyage a alimenté ce roman graphique : ces dessins in situ, réalisés ou inachevés dans l’urgence ou dans des conditions parfois inconfortable ont été réinjectés dans la mise en forme du récit. Et puis je faisais de petit carnets dessinés au feutre ou je me mettais en scène pour raconter au jour le jour les péripéties du voyage. La rythmique dans l’acte de dessiner hérité du carnet de voyage je l’ai associé à l’acte de raconter cette histoire. En ce sens, le roman graphique  est une ouverture réelle dans l’évolution de mon travail artistique grâce a sa dimension narrative. Et j’espère bien me frotter à d’autres récits et continuer le voyage.

© La Boîte à Bulles / Nocq

© La Boîte à Bulles / Nocq

Du roman au roman graphique, quelle a été la réaction d’Alexandre Tikhomiroff à la lecture de votre adaptation ?

Gaétan Nocq. De l’émotion. Mais très discrète. Alexandre m’a laissé une liberté absolue dans la mise en forme et l’adaptation de son récit. Je l’en remercie. Il était toujours très positif quand il voyait les planches malgré le fait que cela le replongeait dans des moments qu’il souhaitait oublier. Combien de fois m’a-t-il dit : « j’ai écrit ce récit pour oublier, pour me débarrasser de tout ça et toi tu me replonges dedans. »

Dans une interview accordée au site de planètebd.com , Alexandre Thikomiroff dit que vous n’avez pas dessiné une histoire mais que vous êtes rentré dans une histoire et plus encore que vous êtes rentré dans le personnage et dans les événements. C’est un magnifique compliment. Comment avez-vous fait justement pour VOUS mettre à sa place et – c’était aussi votre volonté – pour NOUS mettre nous à sa place ?

Gaétan Nocq. C’est difficile de l’expliquer. Il y a ce quelque chose de l’ordre du senti, de l’inspiration et de l’intuition. J’ai fait en sorte de m’approprier le sujet. J’ai mis l’accent sur la tension psychologique du personnage, sa mélancolie, son malaise, ses peurs.

Je suis aussi rentré dans le récit par d’autres chemins, des pas de côté, des regards hors champ : les arbres, les fourmis, les oiseaux, les chats, etc, pour suggérer les événements ou les atmosphères. C’est aussi montrer une Algérie vivante dont les événements humains ont des répercussions sur les éléments naturels. Un parti-pris important car cela ouvre le récit et ne reste pas une simple description de l’action. Je suis très heureux si ces sentiments passent du côté du lecteur. C’était ma préoccupation majeure, lorsque je faisais lire des passages à des amis, je testais la capacité de mes planches à les tenir en haleine.

© La Boîte à Bulles / Nocq

© La Boîte à Bulles / Nocq

Comment ressort-on de ces longs mois de travail sur un sujet comme celui-ci, un sujet qui appartient à l’histoire mais qui reste encore très brûlant en France ?

Gaétan Nocq. J’ai l’impression de revenir d’un véritable périple, avec des étapes, des rebondissements, une succession de temps forts et de temps faibles. La BD a été réalisée de manière assez chronologique (je suis très peu revenu en arrière), j’étais vraiment en immersion dans les univers que je racontais. Et lorsque j’ai terminé la partie algérienne et que je me suis consacré la partie parisienne, j’ai vraiment vécu ça comme une fin de voyage. Mais c’était plutôt une nouvelle étape, tout aussi passionnante car Tiko ou plutôt Alex prenait de l’épaisseur.

En lisant votre livre, on pense immédiatement à La guerre d’Alan d’Emmanuel Guilbert…

Gaétan Nocq. Oui, toute création est poreuse et se nourrit d’influence. La posture de la guerre racontée par la petite histoire humaine n’est pas nouvelle et Guibert fait partie des dessinateurs que j’apprécie.  Sa trilogie Le photographe m’a beaucoup touché par son récit (j’ai foulé ces montagnes de l’Hindù Kush) mais aussi par sa capacité à rebondir graphiquement sur les planches contact de Lefebvre. En fait, toute l’école de la BD de reportage apparue à la fin des années 90 m’intéresse car elle relance l’invention narrative dans la BD.

© La Boîte à Bulles / Nocq

© La Boîte à Bulles / Nocq

Quelles sont vos influences graphiques ? Vos livres de prédilection ?

Gaétan Nocq. J’aime beaucoup la BD italienne des années 80 notamment avec la collection Un homme, une aventure ou la série le collectionneur de Toppi réédité par Mosquito. Mais le cinéma a aussi une grande importance, c’est une forte source d’inspiration dans sa capacité à raconter une histoire. En ce moment, je me délecte des films de H-G Clouzot et de J-P Melville.

Vos projets ?

Gaétan Nocq. J’ai une proposition pour une BD déjà scénarisée mais j’ai peur de ne pas me sentir libre. La conception d’une BD ne se limite pas à dessiner dans des cases, j’ai besoin de penser le flux de ces cases et le parti-pris de la mise en scène.

Un projet me tient à coeur, c’est encore tôt pour en parler mais je souhaite travailler sur l’adaptation de La trêve de Primo Levi. Un gros voyage en perspective.

Merci Gaétan

Interview réalisée le jeudi 7 avril 2016

Retrouvez la chronique ici

05 Avr

La Poussière du plomb : Henri Labbé, Dominique Heinry et Alexis Robin nous plongent dans l’Italie des années 70

9782756041353_1_75lls auraient pu se contenter de distribuer des tracts, de manifester, et dans un élan de romantisme mal contrôlé de se mesurer aux forces de l’ordre. Mais dans ces années-là, à gauche comme à droite, la radicalisation était de mise. Bienvenue dans l’Italie des années de plomb…

Ils auraient pu mais ils sont allés plus loin, beaucoup plus loin. De fil en aiguille, de slogans en bombes artisanales, Michel, Cesare, Alberto, Marcello, Marco et Anna ont quitté le monde du militantisme classique pour celui de la lutte armée, sans marche arrière possible. Leurs modèles ? Les Brigades rouges. Eux n’ont pas encore de nom, ils hésitent. Front prolétaire pour le communisme ? Cellule communiste pour une révolution prolétarienne ? Trop long, pas assez percutant. Mais l’important n’est plus là. Il leur faut imaginer au plus vite une vraie organisation et surtout trouver de l’argent, des armes. C’est l’heure du premier casse et de la première bavure. Une jeune femme se prend une balle. Elle restera handicapée à vie. Pour toute la bande, c’est la spirale infernale…

Tout le monde connaît les Brigades rouges mais les groupes armés, que ce soit à l’extrême gauche ou à l’extrême droite, étaient nombreux à l’époque en Italie, en Italie mais aussi dans le reste de l’Europe. C’est ce qu’on appelle les années de plomb, vingt années durant lesquelles la violence, la poudre, le sang, ont tenté d’imposer leur loi sur des flics souvent ripoux et des politiciens pas beaucoup plus honnêtes. Initialement écrit pour un long métrage, ce récit inspiré de l’affaire Cesare Battisti retrace avec réalisme et force la vie de ces « seconds couteaux » de la lutte armée pris dans le tourbillon de l’histoire, de leur histoire. Un récit dense et captivant de plus de 200 pages au graphisme séduisant !

Eric Guillaud

La Poussière du plomb, de Henri Labbé, Dominique Heinry et Alexis Robin. Editions Delcourt. 23,95€

03 Avr

Journées rouges et boulette bleues : Rémy Benjamin, Cyprien Mathieu et Olivier Perret nous offrent une chronique familiale qui sent la crème solaire et les emmerdes

couverture-Coralie.inddFaire des centaines de kilomètres un jour de grands départs par une chaleur étouffante et sans clim, gérer dans le même temps deux enfants dont un qui ne manque pas de faire sa crise d’ado, ce n’est déjà pas simple. Mais si en plus le chien de la famille s’y met, alors là… 

C’est la catastrophe. A peine les valises posées dans la maison de vacances à Ramiolles, dans le sud de la France, Hermione disparaît. Hermione, c’est le chien de la famille ou plus exactement la chienne, un Jack Russel. Baptiste, le plus jeune enfant, hurle de chagrin, Kevin l’ado accepte entre deux crises de partir à sa recherche à vélo, François le père, un peu dépassé et un peu seul, se rend au commissariat pour signaler la disparition et au journal local pour faire paraître un avis de recherche. Mais rien n’y fait, le chien est introuvable, les enfants inconsolables… Les vacances commencent mal.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, Clara, la mère de famille, retenue par son travail à la maison, se dispute au téléphone avec François qui finit par tomber dans les bras – et le lit – d’une amie d’enfance. Il ne manquerait plus maintenant qu’on l’accuse d’avoir fait disparaitre le chien…

Publié aux éditions La Boîte à Bulles, Journées rouges et boulettes bleues nous embarque pour une histoire estivale qui sent le roussi. Et pas seulement pour le chien. Les enfants, l’adolescence, le couple, l’amour, la fidélité, la famille, le temps qui passe, la vie en somme… sont au centre de ce récit signé par trois potes, Rémy Benjamin, Cyprien Mathieu et Olivier Perret, membres de la revue Le Cheval de Quatre. Une chronique familiale et estivale qui sent la crème solaire et les emmerdes…

Eric Guillaud

Journées rouges et boulettes bleues, de Cyprien Mathieu, Rémy Benjamin et Olivier Perret. Editions La Boîte à bulles. 19€ (sortie le 6 avril)

© La Boîte à Bulles / Benjamin - Mathieu - Perret

© La Boîte à Bulles / Benjamin – Mathieu – Perret

01 Avr

48H BD : 230 000 BD à 1€ dans plus de 1300 librairies en France et en Belgique les 1er et 2 avril

affiche-insert-48h-bd-600x800[1]C’est parti ! La quatrième édition des 48H BD a débuté ce matin en France et en Belgique. Casterman, Dupuis, Delcourt, Le Lombard, Dargaud… treize éditeurs participent cette année à l’événement qui permettra d’offrir près de 230 000 BD à 1€ dans plus de 1300 librairies et enseignes en France et en Belgique.

Par ailleurs, les revenus générés par les ventes permettront d’offrir 60 000 exemplaires aux réseaux de lecture publique (écoles, collèges, lycées et bibliothèques). Pour la première fois, les 48H BD seront partenaires de l’ONG Bibliothèques Sans Frontières dans le cadre d’une action organisée à Calais. Pour la première fois, au-delà de la centaine de dédicaces organisées, plus d’une centaine d’auteurs proposeront des animations culturelles.

Eric Guillaud

Toutes les librairies ici

30 Mar

Soleil brûlant en Algérie : La guerre du jeune soldat Alexandre Tikhomiroff mise en image par Gaétan Nocq

Soleil-brulant-en-AlgerieÀ l’époque, on ne parlait pas de guerre mais d’événements ou d’opérations de maintien de l’ordre en Afrique du Nord. Il faudra attendre 1999 pour que l’État français adopte officiellement l’expression. Quoiqu’il en soit, d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée, la guerre d’Algérie a laissé des blessures profondes et des regrets éternels. En parler fut longtemps difficile, voire impossible, pour beaucoup. Avec le temps, la guerre a fini par être traitée par le cinéma, la littérature et la bande dessinée, même si cela reste finalement assez rare pour qu’on en signale chaque initiative. Comme celle-ci…

Réalisé par Gaétan Nocq d’après le récit autobiographique d’Alexandre Tikhomiroff, Soleil brûlant en Algérie raconte la guerre du jeune Alexandre, Tiko pour les intimes, débarqué sous le soleil brûlant d’Algérie à la fin de l’année 1956, précisément à Cherchell sur la côte ouest du pays. Sous le soleil brûlant ou plutôt, à ce moment précis, dans le froid polaire des nuits d’hiver. Mais Tiko aura tout le temps de faire le tour des saisons, deux fois, et de souffrir de la chaleur. Vingt-sept mois en tout et pour tout à jouer au soldat dans une école militaire où sont formés des officiers.

© Nocq

© Nocq

Simple troufion, Tiko est affecté au mess comme serveur. Et ce malgré ses idées. Tiko est contre la guerre. « Mon militantisme contre la guerre d’Algérie m’avait conduit à refuser de servir des gradés, surtout de haut rang. Mais la promesse d’un steak tendre, ajoutée à celle d’être loin des turbulences de la caserne et de ses astreintes morales me décida ».

Tiko n’a rien, absolument rien, du héros, « un spectateur ou un témoin tout au plus », dit-il de lui-même, juste un gars comme les autres qui n ‘a pas choisi de venir ici et qui compte bien revenir entier à la maison… entier, oui, mais pas pour reprendre une vie normale et oublier le cauchemar. Spectateur pendant la guerre, Tiko a décidé de devenir acteur de sa vie en retrouvant Paris. Avec ses amis, il tente de faire entendre une autre voix que celle de l’OAS, une voix pacifique qui refuse la fatalité de la guerre.

© Nocq

© Nocq

De Valenciennes à Cherchell, de Cherchell à Paris, Soleil brûlant en Algérie nous raconte la guerre d’Algérie d’un point de vue humain, à partir du regard d’un simple soldat. Avec ce livre, paru en 2009 chez L’Harmattan, Alexandre Tikhomiroff cherchait à témoigner mais aussi – quelque part – à oublier. Oublier ce qu’il a vu, entendu, ressenti. Oublier l’absurdité du quotidien, l’horreur et la gravité de certains événements.

En l’adaptant en bande dessinée, Gaétan Nocq savait qu’il allait réveiller chez Alexandre Tikhomiroff des souvenirs parfois pénibles, mais il permet aussi un travail de mémoire à chacun de nous, et c’est là l’essentiel. Soleil brûlant en Algérie n’est pas un livre d’histoire mais un témoignage historique à vocation documentaire. L’adaptation de Gaétan Nocq n’est pas sans rappeler La Guerre d’Alan d’Emmanuel Guilbert. Le trait est plus léger, plus fébrile, plus vulnérable en somme, avec une luminosité qui tend vers la surexposition. « J’ai essayé de mettre de la couleur dans ce noir et blanc et j’espère que ça se voit », confie l’auteur. Peintre, dessinateur, graphiste et enseignant, Gaétan Nocq est avant tout un voyageur et un carnettiste qui a développé un trait pris sur le vif, idéal pour nous plonger pleinement dans cette petite histoire de la grande Histoire. Passionnant !

Eric Guillaud

Soleil brûlant en Algérie, de Gaétan Nocq d’après le récit d’Alexandre Tikhomiroff. Editions La Boîte à bulles. 20 €

© Nocq

© Nocq

27 Mar

Donald et tous ses amis fêtent Pâques chez Glénat

9782344015018-LDonald, Picsou, Riri, Fifi, Loulou, Daisy, Gontran ou encore Géo Trouvetou, les éditions Glénat fêtent Pâques en famille et à grands coups d’oeufs en chocolat.

Et ça démarre très fort par une compétition entre Donald et Gontran pour savoir lequel des deux offrira le plus bel oeuf en chocolat à la belle Daisy et gagnera un voyage pour deux sur l’île de Pâques. Un séjour en amoureux ? De quoi réveiller l’imagination des deux garçons et nous offrir une aventure absolument rocambolesque.

Après Les Plus belles histoires de Noël et Les Plus belles histoires de vacances, voici donc Les Plus belles histoires de Pâques, un très bel album de 144 pages à la couverture dorée. Au menu : une dizaine d’histoires courtes qui vous feront voir des oeufs de toutes les couleurs…

Eric Guillaud

Les Plus belles histoires de Pâques, collectif Disney. Editions Glénat. 17,95 €

25 Mar

« Aïna » : une enquête de Jérôme K. Jérôme Bloche qui ne manque pas de diplomatie

Bm7iSPYheHC6d6COvdckZRfhvwVKBf2D-couv-1200Bing, en plein pif. Pour la diplomatie, on repassera. Arthur, curé de son état, vient de se faire redessiner le nez façon boxeur. Direction l’hôpital où il hérite d’un magnifique pansement sur toute la largeur du visage. De quoi lui rappeler qu’il n’est pas toujours très bon de se mêler des affaires des autres. 

Mais comment fermer les yeux quand une jeune femme est prise à partie devant vous, et qui plus-est dans une église, dans votre église, par un molosse qui ne semble pas vraiment venu là pour partager le pain béni ? En bon curé, en humain normal, Arthur est donc intervenu pour protéger la jeune femme. Il l’a même conviée chez lui jusqu’à ce que le molosse débarque cette fois accompagné, récupère la fille de force, et envoie un violent coup de poing sur le nez d’Arthur en guise de remerciements.

Qui est cette jeune femme ? D’où vient-elle ? Quelle langue parle-t-elle ? Que lui veut cet homme ? Où l’a-t-il emmenée ? Autant de questions auxquelles notre détective au grand coeur Jérôme K. Jérôme Bloche, appelé en urgence par son ami Arthur, va tenter de répondre.

Couv_273663Rien de très compliqué pour notre privé sauf que, bien évidemment, l’affaire va un peu se corser. Le numéro de la voiture dans laquelle la jeune femme a été enlevée est celui d’un corps diplomatique…

Plus de 30 ans de carrière, 25 aventures… et c’est toujours avec le même immense plaisir qu’on retrouve Jérôme K. Jérôme Bloche, notre Bogart européen. Une bulle de tendresse dans un monde de brutes.

Les aventures de Jérôme K. Jérôme Bloche se déclinent aussi en intégrale noir et blanc. Le quatrième volet vient de sortir. Il réunit les récits Un Chien dans un jeu de quilles, Fin de contrat, Déni de fuite, Mathias, Post Mortem et L’Ermite.

Eric Guillaud

Aïna, Jérôme K. Jérôme Bloche (tome 25), de Dodier. Editions Dupuis. 12 €

Jérôme K. Jérôme Bloche, L’Intégrale (tome 4). Editions Dupuis. 24 €

© Dupuis / Dodier

© Dupuis / Dodier

 

22 Mar

« Plutôt plus tard » : Paul Gauguin tutoie Luc Leroi dans une balade spatio-temporelle signée Jean-C. Denis

9782754811347_cgNon seulement Luc Leroi se fait tutoyer par Gauguin, Paul Gauguin, mais encore il est prié de venir jouer de la musique chez l’artiste peintre qui lui offre en remerciement un dessin, oh trois fois rien, une simple étude, quelques traits qui dessinent le visage d’une femme.

Et Luc Leroi de rentrer chez lui avec le dessin sous le bras et de le poser en bonne place dans son appartement, sur la cheminée. Un Gauguin quand même !

Sauf que nous ne sommes plus au XXIe siècle mais au XIXe et l’oeuvre de Gauguin n’est pas encore mondialement connue et reconnue, tout juste bonne à récolter quelques menues monnaies au mont-de-piété. Mais que fait Luc Leroi au XIXe siècle me direz-vous ? Il s’est tout simplement perdu dans l’espace temps au retour d’un voyage à Tahiti. L’avion s’est posé avec beaucoup d’avance, tellement d’avance qu’il s’est retrouvé en 1894 et que son chemin a fini par croiser celui du célèbre peintre. Un sacré décalage horaire. Mais notre ami a toujours été décalé…

Habitué à traîner ses guêtres dans un univers assez ordinaire et contemporain, Luc Leroi se retrouve ici à voyager dans le passé tout en restant l’anti-héros primaire que tout le monde connaît, ou du moins que les plus vieux d’entre nous connaissent. Nous n’avions pas vu effectivement sa tignasse rousse et son costard mal fagoté depuis 2000 et l’album Toutes les fleurs s’appellent Tiaré. Autant dire une éternité ! C’est donc avec un plaisir non dissimulé que nous retrouvons ce personnage singulier, loin des aventuriers et autres héros formidables, créé en 1980 par le Grand Prix d’Angoulême Jean-Claude Denis. 36 ans de carrière donc, un double de papier pour son auteur qui lui permet régulièrement (huit albums à ce jour) de poser un regard parfois désabusé, parfois amusé, toujours avec légèreté, sur notre monde…

Eric Guillaud

Plutôt plus tard, Luc Leroi, de Jean-C. Denis. Editions Futuropolis. 16,50 €

17 Mar

Les enfants du capitaine Grant d’Alexis Nesme en intégrale

enfants-du-capitaine-grant-integraleAutant être direct sur ce coup là, l’album est aussi magnifique que les trois tomes sortis entre 2009 et 2014. Avec l’avantage d’être une intégrale et donc de nous offrir la possibilité de tout lire d’une traite. Et ça, c’est plutôt bien. Pas de temps mort, pas d’attente insupportable, tout est là et plus encore puisqu’un somptueux cahier graphique couronne le tout. Croquis, recherches, illustrations inédites… une dizaine de pages en tout qui permettent de nous attarder un peu plus sur le travail graphique d’Alexis Nesme. Une merveille.

Dans un style graphique radicalement différent, Alexis Nesme est coupable et responsable, toujours chez Delcourt, des séries Grabouillon et Les Gamins. Et pour la petite histoire, l’auteur a remporté en 1996 l’Alph’Art Graine de pro au festival d’Angoulême, il avait alors 22 ans.

Avec cette adaptation de Jules Verne, Alexis Nesme ne réalisait pas forcément un rêve d’enfant puisqu’il ne connaissait pas précisément ce roman, comme il le confiait en 2010 lors d’une interview donnée à Angoulême. « En fait je me suis intéressé à Jules Verne pour deux raisons, d’abord parce qu’il a des récits assez simples qui appartiennent au monde de l’enfance, et moi qui venais de l’illustration jeunesse, j’avais envie d’avoir quelque chose d’assez léger en terme de récit, et puis aussi j’avais envie de m’ancrer dans l’univers 19e, les bateaux, les vieilles architectures, tous les paysages différents, pour m’éclater en tant que dessinateur ».

Alors pourquoi a-t-il jeté son dévolu précisément sur ce titre ? Parce qu’à l’époque, plusieurs titres de Jules Verne qui auraient pu l’intéresser étaient déjà en cours d’adaptation notamment pour la collection Ex-Libris des éditions Delcourt. Mais il y a une autre raison : « Quand j’ai découvert ce bouquin, je l’ai trouvé parfait pour ce que j’avais envie de faire, il y avait exactement les visuels qui m’intéressaient en tant que dessinateur et puis le roman était assez intéressant puisqu’il y avait trois parties avec trois récits vraiment différents qui permettaient de faire des histoires et des tomes qui se tenaient bien ».

Avec un graphisme très technique, très fouillé au niveau de la couleur et de la lumière, inspiré par la peinture classique, romantique, flamande, plus proche au final de l’illustration que de la bande dessinée, Alexis Nesme nous offre une adaptation animalière flamboyante mais respectueuse du roman de Jules Verne.

Eric Guillaud

Les enfants du capitaine Grant de Jules Verne, par Alexis Nesme. Editions Delcourt. 35 €

© Delcourt / Nesme

© Delcourt / Nesme

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