14 Mar

L’Énorme enquête de Rambaud et Oiseau : un polar en absurdie

Avec sa couverture en jaune et noir et son titre, tout indique que nous avons affaire ici à un polar. Et c’est le cas ! Mais L’Énorme enquête des sieurs Lorrain Oiseau et Yann Rambaud fait aussi dans l’énorme humour. Un tueur, un cadavre, deux policiers, une allergie à l’amoxicilline et un trafic d’apéricubes… prêt.e.s pour une bonne tranche de rigolade ?

Un meurtre horrible ! Le commissaire est sous le choc, il a du mal à trouver les mots pour décrire la scène :

« Le meurtrier a recouvert de goudron le corps de la victime. Puis il a dessiné une ligne blanche dessus et posé un chewing-gum déjà mâché sur son cadavre ainsi qu’un mégot de cigarette… ». 

L’inspecteur s’étonne : « Hmmm, c’est la route ça. Le cadavre est juste à côté ! »

Oui, c’est énorme ! Le titre nous avait pourtant prévenus mais à ce point-là, on peut encore être surpris. Et nous ne sommes qu’au début de l’affaire, à la première des 64 pages que compte l’album.

Alors, bien sûr, il y a une victime, Gabriel Berthier, retrouvé avec un couteau planté dans le thorax, le corps resté en suspens comme s’il s’était mis en pause sur une pas de danse. Il y a des policiers dont le grade fait office de patronyme, Inspecteur et Commissaire, il y a un meurtrier quelque part, un suspect dans l’immédiat au nom prédestiné de Justin Tueur, une enquête avec des dispositifs d’écoutes téléphoniques pas très discrets, des courses poursuites en fusée, un mobile du crime qui sent le pétrole, un dealer qui fait dans l’apéricube et des histoires d’allergies à l’amoxicilline.

Bref, tout ce qu’il faut pour faire un bon polar sauf que là, le récit part en vrille, c’est totalement fou, cinglé, déjanté, dément, désaxé, ravagé, maboul, bref en un mot absurde et si vous préférez en deux mots : totalement absurde.

Le communiqué de l’éditeur convoque Les Nuls côté influences, on pourrait ajouter Quentin Dupieux, Fabcaro et même une touche de Tuche…

« Des Apéricubes… Vous savez, c’est une drogue implacable. On en prend une fois, puis deux. Puis re-une fois, puis sept, rarement quatre, puis… douze je crois ». 

Énorme, c’est écrit dessus !

Eric Guillaud

L’Énorme enquête, de Lorrain Oiseau et Yann Rambaud. Delcourt. 13,50€

© Delcourt / Oiseau & Rambaud

12 Mar

Le Navigateur sur les mers du destin : le deuxième roman du cycle d’Elric adapté par Roy Thomas enfin disponible en français

Fort de son succès précédent avec Conan, l’un des plus célèbres ex-scénaristes de la maison Marvel, Roy Thomas, décide de s’attaquer à partir de 1987 à l’œuvre de Michael Moorcock et notamment Elric le Nécromancien. Dix-huit mois après un premier tome, l’éditeur Delirium confirme l’essai avec cette réédition mirifique. 

Ils sont plusieurs à avoir essayé de tenter de réaliser l’impossible : adapter en BD les aventures du plus célèbre héros de l’écrivain britannique Michael Moorcock, Elric de Ménilboné. Pourquoi impossible ? Sur le papier, les aventures de ce prince déchu du jadis glorieux mais cruel et désormais en pleine décadence royaume de Ménilboné et Stormbringer, son épée démon dévoreuse d’âme, paraissaient pourtant taillées sur mesure pour le neuvième art, avec son lot de combats épiques, de créatures fantastiques et de magie. Sauf que Moorcock a toujours refusé les lignes droites et a baigné le tout dans un mysticisme assez complexe, faisant de son vrai-faux héros l’un des représentants de ce qu’il a appelé l’un des Champions Éternels, êtres disséminés au gré des mondes, incarnations de l’éternelle lutte entre le Bien et le Mal et garants de la Balance Cosmique. Bien qu’assez courts, ses romans sont toujours très denses et truffés de sous-entendus, par définition donc pas si évident que cela à retranscrire en images.

Face à ce dilemme, il y avait donc plusieurs options. La plus évidente, la plus facile aussi  – mais, soyons honnêtes, la plus immédiatement payante également – était de gommer (sans l’effacer complètement non plus) cet aspect mystique pour se recentrer sur l’action et la lutte de pouvoir entre Elric et son cousin Yrkoon. Ce fut le choix des trois français ayant réalisé la dernière adaptation en date, parue chez Glénat en quatre tomes entre 2021 et 2015, avec d’ailleurs un cinquième attendu pour ce printemps.

© Delirium / Thomas, Gilbert & Freeman

Mais ce n’est pas la voie choisie par le scénariste Roy Thomas. Surtout qu’il avait alors besoin se racheter : en 1972, celui qui est alors éditeur en chef chez Marvel intègre le personnage à une histoire de Conan, histoire de tâter le terrain auprès du public. Mais affublé d’un chapeau pointu vert ridicule et dénué de toute l’ambivalence de son pendant littéraire, cette version ne convainc personne, Thomas lui-même.

Quatorze ans plus tard, il travaille désormais pour l’éditeur First Publishings et décide de s’attaquer de nouveau à l’œuvre de Moorcock, mais en se calant cette fois-ci dans le sillage direct du maître. Après un premier tome de ce run paru d’abord chez Delcourt avant que la balle soit saisie au rebond par Delirium en 2022, Le Navigateur Sur Les Mers Du Destin, soit l’adaptation du deuxième roman (dans l’ordre) du cycle d’Elric, sort enfin pour la première fois traduite en français. Et c’est aussi beau et lumineux que son pendant chez Glénat était sombre et acéré.

© Delirium / Thomas, Gilbert & Freeman

Par rapport au (relativement) premier roman, le sage Elric de Ménilboné qui ‘installait’ le monde et les personnages, La Navigateur Sur Les Mers Du Destin était déjà dans sa version originale un récit très psychédélique, le prince albinos embarquant sur un bateau magique où il retrouve d’autres champions éternels, comme Corum, Hawkmoon ou Erekosë. Ensemble, ils partent affronter de mystérieux sorciers dans la toute aussi mystérieuse cité de Tanelorn.

Ayant bien compris qu’ils tenaient là l’une des aventures les plus délirantes d’Elric, Thomas et son dessinateur Michael T. Gilbert ont simplement décidé de tirer en quelque sorte le fil de la pelote, aboutissant à un récit baignant dans une perpétuelle brume hallucinogène. Si le dessinateur Barry Windsor-Smith, avec lequel Thomas a travaillé sur les premiers épisodes de Conan, n’est pas là, son ombre plane partout ici. Dans ces couleurs chatoyantes et flashy (parfois limite trop), dans ces visages allongés et gracieux ou encore dans cette influence palpable de l’Art Nouveau etc. Malgré son héros quasi-mutique et désespéré se dégage ici quelque chose de vivifiant, cette camaraderie qui nait entre des êtres à part, réunis autour d’une seule cause.

© Delirium / Thomas, Gilbert & Freeman

Or de tous les romans du cycle d’Elric, celui-ci est peut-être celui parlant le plus de la notion d’exil. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’une grande partie se passe sur les eaux ou que tous ces personnages ont en commun d’avoir été arrachés à leurs terres natales, sans vraiment savoir comment y retourner. Alors même si ce n’est pas le point de départ idéal pour les néophytes (mieux vaut commencer par le commencement pour bien comprendre tous les tenants et aboutissants) cette première édition française, trente-six (!) ans après l’originale, se révèle être une petite merveille d’heroic fantasy des années 80, avec une ambiance bien elle, aussi fantasmagorique qu’épique.

 Olivier Badin

Elric – Le Navigateur Sur Les Mers Du Destin de Roy Thomas, Michael T. Gilbert & George Freeman. Delirium. 27 €

Le coin des mangas : quinze titres à dévorer au fond du lit en attendant le printemps

On commence avec le troisième et dernier volet de Biomega du génial Tsutomu Nihei, paru il y a maintenant quatre mois mais totalement incontournable. Près de 1200 pages au final et une sacrée claque visuelle grâce à ce graphisme si singulier du mangaka, un immense fan, et ça se sent, du créateur des décors et monstres d’Alien, H.R. Giger. L’homme s’est fait connaître au Japon et en Europe avec des récits SF sombres, désespérés, violents, oppressants, organiques, reconnaissables entre tous. Après Abara et Blame 0, c’est donc au tour de Biomega de bénéficier d’une réédition Deluxe, de quoi profiter pleinement du génie de Nihei et de se téléporter en 3005, carrément, pour une histoire mêlant exploration spatiale et contamination virale. Le poids des mots, le choc des images ! (Biomega deluxe, de Tsutomu Nihei. Glénat. 14,95€ le volume)

Série toute aussi incontournable, One Piece s’est enrichie d’un 106ᵉ épisode en décembre, un 107ᵉ est attendu pour avril. De quoi nous faire tourner la tête et propulser la série du Japonais Eiichiro Oda dans le top One du manga le plus lu et le plus connu sur la planète Terre et peut-être au-delà. Plusieurs centaines de millions d’exemplaires vendus à travers le monde, une quarantaine de millions sur le seul territoire français, un univers unique, un mélange d’aventure, de fantastique et d’humour, et un héros baptisé Lufy qui rêve de devenir le roi des pirates en trouvant le fameux trésor baptisé One Piece. (One Piece tome 106, d’Eiichiro Oda. Glénat. 6,99€)

On reste dans le même univers avec un anime comics en deux tomes tout juste sortis des presses. One Piece Film – Red, tel est son nom, permet de retrouver les plus belles scènes du film musical éponyme sorti en 2022, l’une des meilleures adaptations de One Piece au cinéma, me dit-on dans l’oreillette. En tout cas une belle façon de découvrir ou redécouvrir l’univers foisonnant d’Eiichiro Oda, ici en couleurs. Et qui dit film musical dit musique. Notre héros international Luffy, accompagné de son équipage, débarque sur l’île d’Élégia pour assister au premier concert de la chanteuse Uta, fille du pirate Shanks Le Roux et amie d’enfance de Luffy. Surprise… la jeune femme prône une « nouvelle ère » sans pirates. (One Piece Red, d’Eiichiro Oda. Glénat. 9,60€ le volume)

Le Bateau-usine de Shinjirô et Shigemitsu Harada est un récit de science-fiction qui nous embarque pour un futur lointain où toutes les mers se sont évaporées, faisant de notre belle planète bleue une planète noire et aride. Les créatures marines se sont adaptées en se déplaçant dorénavant au gré des courants atmosphériques. C’est donc dans le ciel que le bateau-usine navigue pour pêcher des crabes géants. À son bord s’activent pour une misère des ouvriers endettés, des criminels et des gamins orphelins vendus à la compagnie comme Luca et Shû qui ne rêvent que d’une chose : gagner assez d’argent pour acheter leur liberté. Mais ce n’est pas gagné…  (Le Bateau-usine tome 3, de Shinjirô et Shigemitsu Harada. Vega – Dupuis. 8,35€)

Vous avez aimé ReRe : Hello! de Yoko Minami ? Alors, vous devriez aimer 360° Material de la même autrice. Les quatre volumes de la série seront disponibles simultanément aux éditions Delcourt / Tonkam le 13 mars. À l’unité ou en coffret, à vous de choisir pour plonger dans cette histoire d’amour qui commence sur un quai de gare. Mio Ôtaka, lycéenne ordinaire, évite à un jeune garçon, Takin, absorbé dans ses pensées, de finir sous un train. De cet acte de courage nait une amitié entre les deux personnages, une amitié qui se transformera en amour… Une romance au dessin léger comme l’air ! (360° Material, de Yoko Minami. Delcourt / Tonkam. 7,99€ le volume)

Peut-être n’avez-vous pas fait partie des chanceux qui ont pu parcourir la formidable exposition consacrée à Hiroaki Samura lors de la dernière édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême mais pas de panique, il reste ses mangas pour en prendre plein la vue et notamment cette nouvelle édition de L’Habitant de l’infini en 15 doubles tomes accompagnée d’une suite inédite en français baptisée Bakumatsu dessinée par Ryu Suenobu et scénarisée par Renji Takigawa, sous la supervision, bien évidemment, du maître Hiroaki Samura. Les premiers volets sont sortis en septembre, les deuxièmes en novembre, les troisièmes en janvier et les quatrième sont annoncés pour avril. Bref, de quoi retrouver notre samouraï immortel, Manji, dans de sacrés combats de sabre et dans les deux cas avec un graphisme plutôt musclé. (L’Habitant de l’infini, Immortal editions Tome 3, de Hiroaki Samura, Casterman. 13,95€. L’Habitant de l’infini – Bakumatsu tome 3, de Renji Takigawa et Ryu Suenobu. Casterman. 9,45€)

Gen Kinokura, 34 ans, est un amoureux de la nature. Il aime par-dessus s’éloigner de la ville, planter sa tente au milieu des bois, faire un bon feu, respirer le bon air et prendre une bonne dose de solitude. Mais cette fois, Gen ne peut que déchanter. Alors qu’il s’apprête à prendre son repas, surgit de nulle part une jeune-fille, Shizuku Kusano. La rencontre est explosive mais les talents de cuisinière de Shizuku finissent pas apaiser les tensions et le camping en solo se termine à deux. Cette série qui compte déjà 16 volumes au Japon et semble remporter un certain succès se présente à la fois comme une histoire d’amour, un guide du parfait campeur et un livre de recettes. Au menu : poêlée de saucisses et de champignons à l’ail, bouchées de jambon cru au fromage et sauce salsa maison, poulet rôti à la bière ou encore risotto à la tomate et aux palourdes façon plein air, bref de quoi nous en mettre l’eau à la bouche ! (Solo Camping for two, de Yudai Debata. Soleil Manga. 8,50€)

C’est une histoire d’épicier. Mais d’épicier épicé. Du genre qui ne vend pas que des légumes. Taro Sakamoto, c’est son nom, a beau avoir un léger embonpoint, une moustache à la papa, des lunettes de myope, il est à lui seul un mythe, une légende, un ex-tueur admiré de tous ses congénères, craint par tous les gangsters. Oui, Sakamoto l’épicier avait le flingue facile avant de raccrocher, de se marier, d’avoir un enfant et de s’installer comme épicier. Une vie pépère jusqu’au jour où le jeune assassin télépathe Sin débarque dans la supérette. Vous voulez de l’action ? Alors, vous en aurez, Sakamoto Days est un concentré d’énergie au rythme de parution effréné. Le tome 12 est sorti en février, le 13 sortira en mai. (Sakamoto Days tome 12, de Yuto Suzuki. Glénat. 6,99€)

On continue dans l’esprit culinaire avec What did you eat yesterday. Le premier tome est sorti en janvier en France, une série référence au Japon publiée depuis 2007 (21 tomes à ce jour et plus de 10 millions d’exemplaires écoulés) et adaptée en film, série télévisée et livre de cuisine. Au centre de tout, deux personnages qui forment un couple gay, Shirô Kakei, avocat, et Kenji Kabuki, coiffeur, deux caractères opposés mais qui se retrouvent autour de la cuisine. Entre recettes et instantanés de vie, les deux protagonistes nous font découvrir la culture japonaise. Aux manettes, une autrice multiprimée. What did you eat yesterday a notamment remporté le prix Kodansha Award du meilleur manga en 2019. (What did you eat yesterday tome 1, de Fumi Yoshinaga. Soleil Manga. 15,99€)

Ils en rêvaient, ils l’ont fait ! Et bien fait. es Français Sylvain Ferret, scénariste, et Nevan, dessinateur, signent avec L’Ombre de Moon leur tout premier manga. Un manga ? Des Français ? Oui, exactement, avec sens de lecture à la japonaise, dessin et découpage à la japonaise et même un petit laïus des auteurs sur le rabat de la couverture, comme le font les mangakas. Côté histoire, les auteurs nous embarquent pour l’Ombre, un monde fantastique dans lequel Moon Banning, le protagoniste principal, accompagné d’un jeune garçon, Panpan, et d’un être étrange toujours prêt à balancer des proverbes, Arès, doit affronter des monstres comme autant de ses tourments du passé avec l’espoir d’en sortir grandi. Un scénario efficace, un dessin nerveux, des scènes d’action vertigineuses, un brin d’humour… bref une belle découverte ! (L’Ombre de Moon, de Nevan et Ferret. Delcourt Tonkam. 12,99€)

Nouvelle adaptation en manga d’un classique de la littérature par le studio Variety Artworks pour le compte des éditions Soleil Manga, La Métamorphose. Après La Divine Comédie, Ulysse, Le Rouge et le noir, Le Capital ou encore Du Contrat social, voici donc l’une des œuvres les plus célèbres de Franz Kafka écrite en 1912. Direction Prague pour une histoire absurde, celle d’un représentant de commerce nommé Gregor Samsa. L’hommei se réveille un beau jour métamorphosé en un énorme insecte. Plus qu’un simple récit fantastique, La Métamorphose offre une critique sociale aux multiples lectures possibles. (La Métamorphose, de Franz Kafka et Variety Artworks. Soleil manga. 8,50€)

Bienvenue en enfer ou presque ! Depuis 100 ans, la Terre est plongée dans le noir à cause d’un épais nuage. La plupart des végétaux a disparu et l’humanité place ses derniers espoirs dans la transfloraison, une technique qui consiste à transformer un être humain en plante, comblant ainsi le manque de végétaux. Héros de ce récit vivant dans une grande pauvreté, Toshiro décide de franchir le pas et de subir l’opération nécessaire à sa transformation en plante… Un récit d’anticipation original aux belles ambiances sombres. (Fool Night tome 6, de Kasumi Yasuda. Glénat. 7,90€)

Fin de partie pour Abyss Azure dont le troisième et dernier volume est sorti début février. Inspiré de La Petite Sirène du romancier danois Hans Christian Andersen, Abyss Azure nous embarque dans les profondeurs sous-marines où vivent les ondins, ces créatures mythiques représentées avec un torse humain et une queue de poisson. Ici, aucun contact avec les humains n’est toléré, une consigne respectée jusqu’au jour où l’une de ces créatures, Ryû, tombe amoureuse d’un homme… (Abyss Azure tome 3/3, d’Akhito Tomi. Vega Dupuis. 8,35€)

Changement de style et d’univers avec Blue Giant Explorer et la sortie du troisième volume, une série signée Shinichi Ishizuka. Suite directe de Blue Giant et de Blue Giant Supreme, cette nouvelle série, dont le premier tome a figuré dans la sélection officielle du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême 2024, nous permet de retrouver notre saxophoniste Dai Miyamoto à la conquête des États-Unis. Blue Giant Explorer nous offre non seulement un regard sur le monde de la musique et plus spécialement le jazz mais aussi sur la culture nippone et américaine, le tout avec une approche graphique du plus bel effet. Et si vous regrettez le silence du manga, vous pourrez toujours vous rabattre sur l’adaptation cinéma actuellement sur les grands écrans et sa BO signée Hiromi Uehara. (Blue Giant Explorer tome 3, de Shinichi Ishizuka. Glénat. 7,90€)

On termine avec la réédition de deux anthologies consacrées à Moto Hagio, l’une des premières mangakas femmes à avoir investi dans les années 70 le registre de la bande dessinée féminine, le shojo, et bousculé au passage les codes en usage qui imposaient des histoires sans profondeur. Moto Hogio, à laquelle le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême a consacré cette année une rétrospective et décerné un Fauve d’honneur, a tout au long de sa longue carrière cherché à imposer à travers la fiction des récits ambitieux sur des thématiques diverses, notamment autour de l’identité de genre. Une autrice à découvrir ou redécouvrir ! (Anthologie de l’humain et Anthologie de la rêverie, de Moto Hagio. Glénat. 14,95€ le volume)

Eric Guillaud

08 Mar

Tepe, La colline : un conte préhistorique, philosophique et poétique de l’auteur turc Firat Yasa

Beau comme l’univers, violent comme le monde ! Tepe, la colline est le premier récit turc pour les éditions ça et là, un conte bourré de fureur et de poésie, ancré dans la préhistoire mais terriblement actuel proposant, en creux, une réflexion sur nous les hommes, notre rapport à l’environnement et à la religion…

il y a du Bambi dans l’air ! Pourtant, Tepe, la colline n’a rien d’un conte à la Disney. Ici le Bambi est une gazelle et s’appelle Murr. Promise avec sa mère à un sacrifice en l’honneur de Père-Ciel, la divinité de la tribu Göbekli Tepe, Murr parvient à s’échapper mais se perd dans l’immensité de la nature. À bout de forces, désormais seule, Murr s’allonge, pleure cette mère protectrice disparue, quand surgit Râht, un humain un peu différent qui voit d’un mauvais oeil la sédentarisation en cours des hommes et l’apparition des divinités.

« Les humains sont des menteurs, ils sont agressifs, égoïstes, je ne peux pas vivre avec eux…. », dit-il à la gazelle.

Et de fait, depuis la mort de sa propre mère, Râht, qui parle le langage des animaux, vit loin des hommes en compagnie d’un renard. Devant le désarroi de la gazelle, Râht se propose de l’aider à retrouver sa mère même si la route s’annonce longue et périlleuse…

Aussi universelle et intemporelle qu’elle soit, cette histoire réalisée par l‘auteur turc Firat Yasa s’inscrit dans le contexte de la préhistoire, aux alentours de 9000 av. J.-C., du côté de Göbekli Tepe. Site archéologique turc reconnu pour son caractère exceptionnel, Göbekli Tepe renfermerait le premier temple de l’Histoire avec des centaines de piliers mégalithiques couverts de bas-reliefs animaliers. Tepe, la colline s’inspire des recherches faites autour de ce qui reste malgré tout une énigme, ouverte de fait à l’imaginaire et à la poésie.

Et Tepe, la colline n’en manque pas d’imagination et de poésie, tant d’un point de vue scénaristique que graphique avec des planches de toute beauté, qui rappellent parfois les peintures rupestres, et des couleurs envoûtantes. Un hymne à la nature, à la vie, en même temps qu’un regard critique sur l’homme. Magique !

Eric Guillaud

Tepe la colline, de Firat Yasa. Editions çà et là. 25€

© çà et là / Firat Yasa

06 Mar

Alerte : quand l’intérêt général est menacé !

Seriez-vous capable du pire ? Taire un danger imminent pour la communauté parce que votre entreprise serait face à un énorme scandale et perdrait des millions d’euros ? Jeune scientifique à l’avenir tout tracé dans un puissant groupe pharmaceutique, Cathy Charlier va devoir se poser les bonnes questions et faire les bons choix…

Cathy Charlier est un peu celle par qui le scandale arrive. Ou va arriver. Jeune scientifique promise à un bel avenir au sein du groupe Pharmacom, Cathy vient de passer cinq ans à mettre au point le Zandler, un tout nouvel antipsychotique que l’on dit révolutionnaire. Alors que la phase de tests menée par le sous-traitant Clinitech arrive à son terme et que tous les feux sont au vert pour une prochaine mise en vente sur le marché, les employés de Pharmacom sont invités à une petite fête. Le champagne coule à flot, les sourires sont de rigueur. Plus pour longtemps !

Entre deux discours, un homme se glisse parmi les convives, pointe un révolver sur Cathy, le retourne contre lui et tire. L’homme s’écroule, mort sur le coup.

Pas le temps de se remettre de ses émotions, Cathy apprend quelques heures plus tard que l’homme en question faisait partie des cobayes Clinitech ayant testé le Zandler. Dans la tête de Cathy, le trouble s’installe, d’autant qu’elle a secrètement administré du Zandler à son propre fils qui souffre de troubles de la personnalité. Le médicament est-il dangereux pour l’homme ? A-t-il des effets secondaires mortifères ? Doit-elle alerter son big boss ? La presse ? Doit-elle renoncer à son avenir si prometteur ?

Premier volet d’un diptyque et premier album aux éditions Sarbacane pour Johan Massez, Le Poids du doute nous entraîne dans l’industrie pharmaceutique censée œuvrer pour le bien-être général mais bien évidemment confrontée à une sévère concurrence attisée par les sommes colossales en jeu.

Comment, dans un secteur comme celui-ci et plus largement dans le contexte du travail, peut-on s’élever contre sa propre entreprise et alerter de dysfonctionnements pouvant nuire à la santé publique, à l’environnement, dans tous les cas à l’intérêt général, c’est tout le sujet de cet album que je recommande chaudement à la fois pour la thématique, pour l’écriture scénaristique et pour le graphisme de Johan Massez, comme toujours épuré mais sans le côté naïf relevé dans ses travaux précédents.

Eric Guillaud

Le Poids du doute, Alerte (tome 1/2), de Johan Massez. Sarbacane. 22€

© Sarbacane / Massez

05 Mar

De la guerre civile à la dictature : l’Espagne dans la tourmente

Avec la Seconde Guerre mondiale, la guerre d’Espagne fait partie des thématiques prisées dans le neuvième art depuis quelques années. En voici une nouvelle démonstration avec ces deux albums – dont une réédition – parus aux éditions Dupuis. De la guerre civile à la mort de Franco, deux destins, deux histoires humaines au cœur de la grande histoire…

Montpellier, un jour de novembre 1975. Angelita reçoit un appel de son beau-père. Sa mère a fait une crise cardiaque et est hospitalisée à Barcelone. Alors que tout le monde la croyait en Auvergne ! Pourquoi Barcelone, elle qui s’était jurée de ne plus mettre les pieds en Espagne tant que Franco serait vivant ? Mystère ! Angelita est la fille de réfugiés espagnols arrivés en France en 1939. Sa mère et elle ont depuis refait leur vie, son père est mort en déportation, du moins le pensait-elle jusqu’à ce jour…

Inspiré par le propre passé familial du dessinateur Eduard Torrents, Le Convoi nous plonge au cœur des années noires, depuis la guerre civile espagnole jusqu’à la Seconde Guerre mondiale en passant par ce qu’on appelle la retirada, l’exode de près de 500 000 républicains espagnols vers le territoire français à compter de décembre 1938, des réfugiés entassés dans des camps souvent improvisés avant d’être, pour certains, déportés dans les camps de concentration nazis. Dans ce contexte fort et douloureux, Eduard Torrents et Denis Lapière développent une très belle histoire de famille. Initialement publié en deux volumes, en mars et avril 2013, Le convoi est aujourd’hui réédité en intégrale, augmentée d’un dossier historique réalisé par la spécialiste du genre, Christelle Pissavy-Yvernault. Captivant de bout en bout !

Le Convoi, de Torrents et Lapière. Dupuis. 27,95€

© Dupuis / Torrents & Lapière

Pour cet autre album, inédit celui-ci, Eduard Torrents et Denis Lapière sont rejoints par Gani Jakupi, Martín Pardo et Rubén Pellejero, deux scénaristes et trois dessinateurs, rien que ça, pour ce qui devait être à l’origine une saga en six volumes et n’est au final qu’un one shot de 148 pages, Rubén Pellejero étant entre-temps parti sur les aventures de Corto Maltese. Mais peu importe la quantité pourvu qu’on ait la qualité. Et de ce côté-là, pas de souci, Barcelona, âme noire est un petit bijou de fiction qui prend vie au cœur lui aussi des années noires espagnoles.

Au centre de tout, Carlitos, un jeune orphelin de Barcelone, dont la mère a été tuée dans un bombardement pendant la guerre d’Espagne et le père, tueur en série, éliminé par la police de Franco. Recueilli et protégé par un riche ami de la famille, Carlitos fait ses armes dans le marché noir et devient don Carlos, un industriel mais surtout le maître de la pègre barcelonaise sous la dictature franquiste. Jusqu’à ce que tout s’arrête…

Plus que le destin d’un homme, Barcelona, âme noire raconte une ville, un pays, un monde, dans la tourmente, quatre décennies d’histoire, un récit dynamique et intense porté par un graphisme et des décors somptueux, des personnages de caractère et un cadre historique terriblement dramatique mais forcément passionnant !

Barcelona, âme noire, de Jakupi, Lapière, Pardo, Pellejero et Torrents. Dupuis. 27,95€

© Dupuis / Pellejero, Torrents, Pardo, Lapière & Jakupi

Eric Guillaud

27 Fév

Sans cheveux : un témoignage émouvant sur l’alopécie

Longs ou courts, bouclés ou raides, blonds ou bruns… les cheveux sont l’expression de notre identité, de notre personnalité. Autant dire que les perdre est un drame pour beaucoup, peut-être plus encore pour les femmes soumises aux multiples diktats de beauté. Dans ce roman graphique paru chez Glénat, Tereza Drahoňovská, atteinte d’alopécie, raconte son épreuve face à l’alopécie sur des dessins de  Štěpánka Jislová…

Tereza est une jeune femme comme les autres, ne prêtant pas plus attention à son apparence que la moyenne. Jusqu’au jour où ses cheveux se mettent à tomber, par plaques entières. Et pas qu’eux ! En peu de temps, Tereza se retrouve chauve, sans cils, sans sourcils, sans poils.

Le diagnostic de son médecin est net ! Il s’agit d’une pelade et plus précisément dans son cas d’une alopécie, une maladie auto-immune pouvant entraîner la disparition du système pileux dans son ensemble.

Le choc ! Et après le choc, les interrogations. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Existe-t-il des remèdes ? Comment vivre la maladie au quotidien ? Comment continuer à vivre tout court, à aimer, à être aimée ?

Dans cette autobiographie, la jeune Tchèque Teresa Drahoňovská nous apporte un témoignage d’utilité publique sur son parcours, ses peurs, ses peines, ses espoirs, ses doutes et au bout du bout l’amitié et l’amour plus forts que tout, plus forts que quelques cheveux ou quelques poils. Un parcours long et sinueux qui l’a invité et nous invite aujourd’hui à la réflexion sur notre société et ses normes de beauté, sur l’apparence et le regard des autres. C’est touchant, parfois drôle, toujours passionnant et éclairant sur une maladie récemment portée sur le devant de la scène médiatique via l’ex-premier ministre Édouard Philippe !

Eric Guillaud

Sans cheveux, de Tereza Drahoňovská et Štěpánka Jislová. Glénat. 19,95€

© Glénat / Drahoňovská & Jislová

 

25 Fév

Bulles d’histoire : dix BD pour remonter le temps

Source d’inspiration inépuisable pour les auteurs et voyage sans fin pour les lecteurs, l’histoire avec un grand H se décline sur tous les modèles, documentaires, biographies ou fictions. En voici une petite sélection forcément subjective mais totalement assumée…

Ce 21 février, Missak et Mélinée Manouchian entraient au Panthéon, l’occasion de remettre en lumière la Résistance et notamment la Résistance étrangère et communiste. Le groupe Manouchian était en effet composé de Polonais, d’Italiens, de Hongrois… et d’apatrides. Pourtant, plus français que certains Français, ses membres ont multiplié les attentats et sabotages contre l’occupant allemand à Paris avant d’être pris dans les filets de la police française, d’être torturés et livrés aux Allemands qui les fusilleront.
Le groupe Manouchian deviendra « célèbre » avant même la fin de la guerre, les Allemands ayant maladroitement espéré discréditer ses actions par une campagne d’affichage voulant le faire passer pour l’armée du crime. C’est tout le contraire qui se produisit, l’affiche rouge ayant certainement convaincu certains à rejoindre la Résistance. C’est l’histoire de cette cellule et de sa figure la plus illustre que raconte l’album de Jean-David Morvan et Thomas Tcherkézian paru aux Éditions Dupuis. Si ce dernier signe ici son premier album avec un dessin déjà très assuré, Jean-David Morvan est lui connu et reconnu pour sa production pléthorique et de qualité et entre autres sa série « Madeleine, résistante » consacrée à une autre héroïne de la Résistance, Madeleine Riffaud. (Missak, Mélinée et le groupe Manouchian, de Morvan et Tcherkézian. Dupuis. 25€)

Madeleine Riffaud justement ! Le deuxième volet de sa biographie est sorti il y a quelques mois aux éditions Dupuis sous la conduite du scénariste Jean-David Morvan et du dessinateur Dominique Bertail, nous offrant là le portrait d’une personnalité exceptionnelle, née en 1924, résistante à 18 ans, grand reporter par la suite, combattante éternelle pour la décolonisation et l’oppression des peuples d’une manière générale, amie de Picasso et Hô Chi Minh, bref un personnage comme seules les grandes heures de l’histoire peuvent en fabriquer, une femme pleine de courage mais surtout d’humilité bien décidée à transmettre dans les pages de cet album son histoire et au-delà, un esprit, celui de l’engagement et de la Résistance. Alliant un graphisme réaliste à la fois délicat et racé et un scénario au cordeau, Madeleine, résistante porte le témoignage du quotidien d’une cellule de résistants dans Paris, le « maquis » de Madeleine Riffaud. Passionnant ! (Madeleine, résistante, de Riffaud, Morvan et Bertail. Dupuis. 23,50€)

On reste dans le même contexte historique avec la reconstitution chronologique, au jour le jour, quasiment heure par heure, des derniers moments du tyran sanguinaire Hitler. Tout commence le 15 janvier avec le retour du Führer à Berlin, suite à l’échec de l’offensive des Ardennes, et prend fin le 30 avril avec son suicide et celui d’Eva Braun. Entre les deux, 100 jours qui ont couté la vie à tant d’hommes, 100 jours qui ont redonné l’espoir à tant d’autres, l’Allemagne prise en étau, entre les forces alliées et les Soviétiques, lancée dans une folie autodestructrice totale avec des épisodes peut-être moins connus comme l’opération navale Hannibal qui a consisté à évacuer de la Prusse orientale vers l’ouest plus d’un million de soldats et de civils fuyant l’avancée soviétique ou encore la livraison de milliers de Juifs à la Suisse contre 1000 dollars par tête. Et toujours ce rêve fou d’un Reich de mille ans alors que les bombes dévastent les villes allemandes et notamment Berlin, que les civils sont en mode survie et que la Wehrmacht exsangue jette ses dernières forces dans la bataille. (Les 100 derniers jours d’Hitler, de Pécau, Mavric et Andronik, d’après le livre de Jean Lopez. Delcourt. 19,99€)

Trois clichés en noir et blanc avec le même visage, de face et de profil. Et à chaque fois le même sourire qui interroge, nous interroge. Et pour cause, les clichés ont été pris à Auschwitz en 1943. La jeune femme devant l’objectif s’appelle Marie-Louise Moru, dit Lisette, une Morbihannaise de 16 ans. Pourquoi ce sourire ? Est-ce un sourire de défi ? La bande dessinée Le Sourire d’Auschwitz est née de ces interrogations. Journaliste à France 24, réalisatrice de webdocumentaires et scénariste de bandes dessinées, la Nantaise Stéphanie Trouillard continue d’y explorer notre histoire et plus particulièrement la seconde guerre mondiale avec le récit d’une vie brisée avec Renan Coquin au dessin. La guerre, l’occupation, la déportation, la collaboration, la Résistance… C’est ce que raconte Le Sourire d’Auschwitz à travers ces destins brisés avec pour objectif de transmettre l’histoire de la seconde guerre mondiale aux plus jeunes, comme nous l’explique l’autrice dans une interview à retrouver ici. (Le sourire d’Auschwitz, de Stéphanie trouillard et Renan Coquin. Des Ronds dans l’O. 22€)

Après Il était 2 fois Arthur réalisé avec Nine Antico au dessin, le Strasbourgeois Grégoire Carlé nous revient avec un album hanté par l’histoire de son grand-père dans une Alsace annexée par l’Allemagne nazie. Une histoire intime, une histoire de filiation et d’identité dans une des périodes les plus sombres de l’humanité, subtilement mise en images, l’auteur ayant opté pour la couleur directe, une douceur d’aquarelles sur des noirs tranchants qui donnent aux planches un petit côté ancien bien vu. Une merveille plus longuement chroniquée ici ! (Le Lierre et l’araignée, de Grégoire Carlé. Dupuis. 29,95€)

On quitte le XXe siècle pour le XVIIIe et une histoire de pirates, l’un des plus fameux, Olivier Levasseur, dit La Buse, avec à la plume et aux pinceaux, Jean-Yves Delitte, une référence dans l’histoire maritime. Et pour cause, l’homme est peintre officiel de la marine belge, membre titulaire de l’Académie des Arts & Sciences de la mer et auteur d’une belle collection de bandes dessinées sur ce thème. Nous sommes à la fin de la guerre de Succession d’Espagne qui marque une recrudescence de la piraterie avec des corsaires congédiés et sans travail. Olivier Levasseur, dit La Buse, est l’un d’entre eux. Son heure de gloire arrive avec une prise sans pareille : le Nossa Senhora do Cabo, un vaisseau portugais rempli à ras bord de trésors accumulés par le vice-roi portugais des Indes orientales ! Mais comme il le dit lui-même : trop de richesse, c’est comme l’ivresse, cela finit toujours par apporter des ennuis. La Buse finira sur l’échafaud et son trésor caché deviendra un mythe. (La Buse tome 2 de Jean-Yves Delitte. Glénat.14,50€)

On reste sur les océans avec encore une fois Jean-Yves Delitte, rejoint ici pour le dessin par le jeune Coréen Q-Ha, et un neuvième volet de la collection Les Grandes batailles navales consacré à la seconde guerre de l’opium qui opposa de 1856 à 1860 le Royaume-Uni, la France et les États-Unis à la Chine. Avec, au bout du compte, une Chine vaincue, comme à l’issue de la première guerre de l’opium, soumise à de larges concessions territoriales, Hong Kong revenant à la Grande-Bretagne pour 99 ans, et à l’ouverture au commerce étranger. Un dossier historique de huit pages accompagne ce récit. (Opium war, de Jean-Yves Delitte et Q-Ha. Glénat. 15,50€)

Changement d’époque et d’ambiance avec le quatrième volet de Wild West sorti en début d’année. Thierry Gloris au scénario et Jacques Lamontagne au dessin poursuivent leur chevauchée au cœur de l’Ouest américain avec ses grands espaces, ses saloons, ses indiens, ses bons, ses brutes, ses truands et ses héros de caractère dont font assurément partie Martha Jane Cannary, plus connue sous le nom de Calamity Jane, Wild Bill et Charlie Utter, trois immenses figures de l’Ouest lancés sur les traces d’un tueur fou. Une très bonne série entre fiction et histoire. (La Boue et le sang,  Wild West tome 4, de Lamontagne et Gloris. Dupuis. 15,50€)

C’est un destin incroyable que nous racontent la scénariste Danièle Masse et le dessinateur Alexis Vitrebert dans ce roman graphique paru aux éditions Delcourt, un destin qui se décide en 1809 à Londres dans les bureaux de l’Association africaine. Jean Louis Burckhardt, également appelé Johann Ludwig Burckhardt, obtient l’aval de l’association pour partir à la découverte des terres encore inexplorées de l’Afrique. Après un passage en Syrie où il prend le nom d’Ibrahim ibn Abdullah, apprend l’arabe et redécouvre la cité oubliée de Pétra, l’homme se lance dans son objectif initial : trouver la source du Niger. Une fresque historique au milieu de somptueux décors magnifiés par une mise en couleurs subtile. (L’espion d’Orient, de Masse et Vitrebert. Delcourt. 19,99€)

On termine avec une majestueuse intégrale qui réunit des albums depuis longtemps épuisés, à savoir Congo 40 et Fleurs d’ébène, auxquels vient s’ajouter le court récit Congo blanc, tous parus initialement aux éditions Casterman et évoquant le passé colonial de la Belgique à travers une fiction prenant place dans le Congo belge. Un récit fictionnel, certes, des personnages imaginaires, bien sûr, mais un contexte bien réel et parfaitement documenté, les auteurs illustrant ici les excès de ces colonisateurs blancs, l’hypocrisie générale et les difficiles relations entre Blancs et Noirs. Un bel album au grand format qui permet de profiter pleinement du dessin réalisé à quatre mains et des couleurs originales signées Raives. En bonus, un cahier graphique d’une vingtaine de pages et autant d’illustrations absolument divines. Un voyage dans le temps et l’espace ! (Congo blanc, de Warnauts et Raives. Daniel Maghen. 35€)

Eric Guillaud

21 Fév

Ciao Roma ! Un troisième livre jeunesse pour Mathou en forme d’invitation au voyage

Du soleil en hiver, l’Angevine Mathou est de retour avec un nouvel album jeunesse, un petit livre tout doux qui nous emmène à Rome sur une histoire de Serena Giuliano…

Mathou et Serena Giuliano • © Christophe Martin (photo)

Un petit voyage à Rome ? Mieux, un emménagement. La jeune Nina, sa maman et son chat grognon Bruno viennent d’arriver dans la capitale italienne avec un féroce appétit de découvertes, et pas seulement culinaires.

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Le sourire d’Auschwitz : le destin tragique d’une résistante bretonne raconté en BD

Journaliste à France 24, réalisatrice de webdocumentaires et scénariste de bandes dessinées, la Nantaise Stéphanie Trouillard continue d’explorer notre histoire et plus particulièrement la seconde guerre mondiale avec le récit d’une vie brisée, entre Port-Louis et Auschwitz, un aller simple pour l’enfer, avec Renan Coquin au dessin.

© Stéphanie Trouillard, scénariste de l’album « Le sourire d’Auschwitz » • © Anthony Ravera

Trois clichés en noir et blanc avec le même visage, de face et de profil. Et à chaque fois le même sourire qui interroge, nous interroge. Et pour cause, les clichés ont été pris à Auschwitz en 1943. La jeune femme devant l’objectif s’appelle Marie-Louise Moru, dit Lisette, une Morbihannaise de 16 ans.

Pourquoi ce sourire ? La bande dessinée Le Sourire d’Auschwitz est née de cette interrogation…

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