09 Jan

Das Feuer : Patrick Pécherot et Joe Pinelli adaptent le roman d’Henri Barbusse sur la première guerre mondiale

Vous doutez encore de l’horreur de la guerre ? Vous vous dites parfois qu’après tout ça pourrait remette le pays sur les rails ? Alors ce livre est fait pour vous rappeler que la guerre n’est pas une partie de jeu vidéo la Call of Duty…

« Ah ma pauv’dame, une bonne guerre qu’il leur faudrait ». On a tous entendu cette phrase un bon nombre de fois. À en croire ces gens de mauvaise augure, une bonne guerre serait salutaire, surtout en période de troubles intérieurs. Tiens, comme en ce moment en France.

Sauf que la guerre en France, on connait. On sait les ravages qu’elle a fait au siècle précédent. Deux guerres mondiales, des guerres en Corée, Indochine ou encore en Algérie. On se serait presque habitué.

Presque ! Parce qu’en fait on ne peut pas s’habituer à l’horreur. Ce n’est pas possible. On peut oublier, certes, mais on ne peut pas s’habituer.

Et même si on oublie, il y a les survivants, les historiens, les écrits et parfois les images qui peuvent témoigner. Comme ce texte d’Henri Barbusse, Le Feu, magnifiquement adapté aujourd’hui en BD par Patrick Pécherot et Joe Pinelli. Henri Barbusse a fait la guerre, en première ligne, de 1914 à 1916. Alors forcément, il sait de quoi il cause. Le Feu écrit dans la foulée de son engagement sur le front a reçu le Prix Goncourt 1916.

Bien sûr, même avec ce texte, les lecteurs du XXIe siècle peuvent avoir du mal à se représenter vraiment la chose, à imaginer ne serait-ce qu’un dixième de ce que ces millions d’hommes ont dû supporter mais Il suffit de regarder ces visages torturés, dessinés par Joe Pinelli au crayon (comme dans les carnets de croquis des poilus), pour s’en approcher un peu plus, je pense. On y lit la fatigue, le froid, la peur, la douleur et la mort. Car c’est ça la guerre, rien de romanesque, que du sang, de la boue et de la merde. Et des hommes « gardant juste assez d’énergie pour repousser la douceur qu’il y aurait à se laisser mourir ».

L’adaptation de Patrick Pécherot et Joe Pinelli s’appuie sur les deux derniers chapitres du livre, La Corvée et dans une moindre mesure L’Aube, une adaptation d’autant plus remarquable qu’ils ont choisi de transposer le récit dans le camp allemand, oui de l’autre côté des no man’s lands, dans les tranchées des « boches ». D’où le titre Das Feuer. Et ça marche. Forcément, puisque l’horreur est sans frontières !

Eric Guillaud

Das Feuer, de Patrick Pécherot et Joe Pinelli. Casterman. 22€

© Casterman / Pinelli & Pécherot

20 Oct

Au revoir là-haut : Christian de Metter adapte le roman de Pierre Lemaître avec maestria

au_revoir_la_haut_01Je ne suis pas du genre à me jeter sur les Prix Goncourt, qu’il s’agisse de les acheter ou bien de les lire. C’est certainement une erreur. C’est en tout cas ici une grave erreur. Au revoir là-haut primé en 2013 est une histoire ahurissante qui nous entraîne dans les premiers jours de l’après Grande guerre. Pierre Lemaître en incroyable conteur nous raconte comment deux poilus, après avoir échappé de justesse à la mort dans les toutes dernières heures du conflit, vont affronter la démobilisation et le retour à la vie civile comme une ultime bataille, certainement pas la plus facile.

Aux héros, la patrie reconnaissante paraît-il. Sauf que nos deux poilus, Albert Maillard et Édouard Péricourt, n’ont pas le profil du héros ordinaire de la Grande guerre. Le premier échappe au peloton d’exécution pour avoir soi-disant fui devant l’ennemi. Le second revient avec la moitié du visage en moins. Édouard est ce qu’on appelle une gueule cassée qui refuse de retourner dans sa famille, se fait passer pour mort au champ d’honneur et ne touche par conséquent aucune pension. Le temps de se refaire une petite santé, de se confronter à la misère, et nos deux poilus se lancent dans une belle escroquerie aux monuments aux morts. De quoi ramasser pas mal de billets. Après tout, l’Etat leur doit bien ça…

L’histoire est incroyable par elle-même. Elle est encore sublimée par la mise en scène et le dessin de Christian de Metter qui, sur 150 planches d’une incroyable beauté, fait autant ressentir la folie, la haine et la cruauté collective de cette « putain de guerre » dirait Tardi que la tragédie de destins individuels, d’âmes perdues et de corps mutilés. Une adaptation d’une puissance émotionnelle absolument exceptionnelle !

Eric Guillaud

Au revoir là-haut, de Lemaître et De Metter. Editions Rue de Sèvres. 22,50 €

© Rue de Sèvres / Lemaître & De Metter

© Rue de Sèvres / Lemaître & De Metter

06 Jan

14 -18 : sur les chemins de l’enfer avec Corbeyran et Le Roux

14-18 02.inddBrûler ce qui le relie encore à ces années noires, les tranchées, la boue et le sang, la folie et la mort, en un mot, l’enfer. Brûler tout, les poèmes et les dessins que son pote Maurice avait produits sur le front. Brûler pour oublier qu’il n’a peut-être pas été un héros, juste un homme qui partait combattre la trouille au ventre. Pierre en est finalement revenu vivant mais tant d’autres y sont restés. Des millions, des anonymes et des potes…

Corbeyran et Étienne Le Roux poursuivent avec ce tome 2 leur saga 14-18 qui nous accompagnera sur cinq ans et comptera à terme dix albums. Même si dans chacun d’eux, un événement marquant sert de toile de fond, c’est bien le quotidien des soldats que veulent mettre en lumière les auteurs à travers le destin de huit personnages principaux, huit jeunes hommes issus du même petit village et enrôlés dans la même compagnie. « La série 14-18 », explique Corbeyran, « est filmée au ras des tranchées. Elle exprime le point de vue des soldats, les petits, ceux à qui on ne demande pas leur avis ».

Qui dit 14-18 en BD dit Tardi. Et son oeuvre de référence sur la Grande guerre. Pas facile d’aborder le sujet sans que soient faits des comparaisons. Dans une interview réalisée pour le compte du site spécialisé ActuaBD, le scénariste Corbeyran explique comment on peut quand même parler de cette foutue guerre sans s’appeler Tardi : « J’ai une très grande admiration pour l’œuvre de Tardi, depuis toujours. Mais si on se met à réfléchir de cette manière, en tant qu’auteur, on ne fait rien. On reste assis et on lit les bouquins des autres. Car tout a déjà été écrit, dessiné, filmé, narré, peint, sculpté, chanté, etc. Il faut donc s’accaparer le sujet sans complexe, et l’explorer avec spontanéité et franchise ».

Une fiction au coeur de l’histoire.

Eric Guillaud

14-18, Les Chemins de l’enfer (septembre 1914), de Corbeyran et Le Roux. Editions Delcourt. 14,50 €

L’info en +

L’interview de Corbeyran à lire sur ActuaBD

28 Oct

Paroles de poilus et Paroles de Verdun, des albums collectifs sur la guerre de 14 réédités aux éditions Soleil

4028089382Paroles de poilus, c’est avant tout une émission radiophonique initiée par Jean-Pierre Guéno à l’occasion des commémorations du 80e anniversaire de l’armistice de la Grande guerre, en 1998. Les auditeurs étaient alors priés d’envoyer à Radio France les lettres de soldats en leur possession. Résultat des courses, des milliers de lettres ont été reçues, autant de témoignages plus poignants, plus vrais, plus tragiques, les uns que les autres.

Paroles de poilus, c’est aussi un livre qui reprend quelques-unes de ces lettres et c’est enfin un album BD ou plus exactement trois albums BD qui en proposent une adaptation graphique par quelques grandes signatures du Neuvième art parmi lesquelles Lauffray, Lidwine, Bramanti, Bajram, De Metter, Guarnido, Herenguel, Lepage, Séverin, Giménez…

Paroles de Poilus 1 et 2 puis Paroles de Verdun ont été publiés initialement entre 2006 et 2012. Les voici donc réédités à l’occasion des commémorations du 100e anniversaire et à quelques jours de la parution d’un nouvel ouvrage intitulé Paroles de la guerre d’Algérie. Le travail de mémoire est sans fin !

Eric Guillaud

Paroles de poilus (19,99 € le volume) et Paroles de Verdun (14,95 €). Editions Soleil.

07 Sep

14-18 : les éditeurs montent au front

Capture d’écran 2014-09-06 à 15.58.57Casterman, Futuropolis, Delcourt, Dupuis, Glénat, Le Lombard… pas un éditeur n’a fait l’impasse en cette année de commémoration. Chacun y est allé de sa contribution à la mémoire collective, façon fiction ou documentaire. Après Finnele, La Mort blanche, La Grande guerre de l’Américain Joe Sacco ou encore La Guerre des Lulus, voici en cette rentrée une nouvelle livraison d’albums qui nous plongent corps et âme dans l’horreur absolue de la Grande guerre… 

Et on commence avec peut-être la plus prolifique maison d’édition en la matière, Casterman, maison d’édition qui a connu la guerre de 14 comme quelques autres d’ailleurs. C’était la guerre des tranchées n’est pas une nouveauté, simplement un chef d’oeuvre régulièrement réédité depuis 1993 et signé Jacques Tardi. Comme l’auteur l’exprime lui-même en introduction, C’était la guerre des tranchées n’est pas un travail d’historien. « Il ne s’agit pas de l’histoire de la Première guerre mondiale racontée en bande dessinée, mais d’une succession de situations non chronologiques, vécues par des hommes manipulés et embourbés, visiblement pas contents de se trouver où ils sont, et ayant pour seul espoir de vivre une heure de plus, souhaitant par-dessus tout rentrer chez eux… ».

Pas de héros dans ces pages, juste des anonymes comme le 2e classe Binet qui se demande bien ce qu’il fout là à défendre une patrie à laquelle il ne croit pas. Il ne se le demandera pas longtemps. Comme tant d’autres, Binet finit le nez dans la boue et la merde, fauché par une mitrailleuse allemande.

Surtout, ne fermez pas le livre avant d’avoir été jusqu’au bout. Dans les dernières pages, Jacques Tardi donne son opinion, tranchée comme toujours et sans mauvais jeu de mots, sur cette commémoration du centenaire et l’intérêt soudain du plus grand nombre pour la période. Du Tardi dans le texte !Capture d’écran 2014-09-06 à 16.09.01

Toujours chez Casterman, le premier volet des Poilus d’Alaska raconte une histoire méconnue pour ne pas dire totalement inconnue, classée secret défense par l’armée française nous précise l’éditeur. Une histoire de poilus à quatre pattes, des chiens, oui oui, que le capitaine Louis Moufflet ira chercher en Alaska avec leurs traineaux pour venir en aide aux divisions françaises empêtrées dans la neige quelque part du côté des Vosges. Rien à voir avec La Guerre des tranchées mais l’album apporte un éclairage différent sur la Grande guerre, en retrait pour l’instant (2 tomes sont prévus) du front et des tranchées.

album-cover-large-23630Cette histoire là commence dans les cabinets, les lieux de commodités, le petit coin quoi. Et finalement, comme le suggère le sergent Sabiane, un des personnages de ce récit, l’endroit pourrait ressembler au paradis. Parce que sorti de là, c’est l’enfer des tranchées, l’horreur de la guerre, partout l’odeur de la mort, les rats et surtout, surtout, ces officiers qui envoient les sans grades au turbin avec de fortes chances d’y rester. Pas de pitié. Alors, les poilus se rebiffent même s’ils savent que ça peut leur coûter cher. 3000 soldats ont déjà signé la pétition de la côte 108 pour dénoncer les exactions du général Nivelle que l’on surnommait Le Boucher.

Malgré un graphisme peu convainquant, presque dérangeant, Le Chant du cygne apporte à sa manière un éclairage sur les mutineries de 1917 après la fameuse « offensive Nivelle » qui fit 350 000 morts du côté des Alliés. Une histoire prévue en deux tomes !9782756035307_1_75

Plus classique dans le fond et la forme quoique que très ambitieux, le projet 14-18 de Corbeyran et Le Roux se présente comme une saga qui nous accompagnera sur cinq ans et comptera à terme dix albums. Même si dans chacun d’eux, un événement marquant servira de toile de fond, c’est bien le quotidien des soldats que veulent mettre en lumière les auteurs à travers le destin de huit personnages principaux, huit jeunes hommes issus du même petit village et enrôlés dans la même compagnie. « La série 14-18 », explique Corbeyran, « est filmée au ras des tranchées. Elle exprime le point de vue des soldats, les petits, ceux à qui on ne demande pas leur avis ». Une histoire de l’intime à grand spectacle !

Couv_221989Pour finir, voici un roman graphique qui nous invite à prendre de la hauteur en suivant les aventures d’un as de l’aviation, Hubert Lessac, 25 ans, 19 victoires… et une folle envie de mourir. Il faut dire que le jeune homme vient de perdre l’amour de sa vie, Louise, peu encline à attendre la fin de la guerre pour le retrouver. La lettre de rupture lui fait l’effet d’un coup de poignard. Mais plutôt que de se tirer une balle dans la tête, Hubert choisit de mourir au combat, dans les airs. Et ce qu’il espérait se produit. Son appareil est abattu. Malheureusement, il s’en sort miraculeusement et est pris en charge par une bande de poilus atypiques dont il partagera le quotidien.

Olivier Supiot, auteur par ailleurs du Dérisoire, album qui lui valut le Prix du dessin au festival d’Angoulême de 2003, signe ici un album très réussi graphiquement parlant mais pas seulement. Les ambiances, les gueules de tranchées comme il appelle ses héros, les dialogues, les couleurs, l’histoire elle-même font de La Patrouille des invisibles un album marquant. L’interview de l’auteur à lire ici

Eric Guillaud

Dans le détail :

C’était la guerre des tranchées, de Tardi. Editions Casterman. 25 €

Les Poilus d’Alaska, de Brune, Delbosco et Duhand. Editions Casterman. 13,50 €

Le Chant du cygne, de Babouche, Dorison et Herzet. Editions Le Lombard. 14,99 €

14-18, de Corbeyran et Le Roux. Editions Delcourt. 14,50 €

La Patrouille des invisibles, d’Olivier Supiot. Editions Glénat. 24,90 €

08 Août

Chroniques d’été : Finnele ou le regard d’une jeune alsacienne sur la guerre de 14

Couv_217620C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode veille et enfin du temps pour lire et rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente comme celui-ci, Finnele, sorti en mai dernier…

Les livres ayant pour contexte la guerre de 14-18 sont nombreux en cette année de commémoration. Nombreux mais finalement assez variés dans leur approche, dans leur forme aussi. Et celui-ci ne fait que confirmer la chose. Ecrit et dessiné par Anne Weinstroerffer, alias Anne Teuf, Finnele offre un point de vue très particulier sur l’époque, celui d’une petite fille alsacienne, Finnele, qui n’est autre que la grand-mère de l’auteure. Sur 200 pages, cet album en noir et blanc raconte la jeunesse de cette femme, la guerre, la mobilisation, les bombardements, l’exil, la peur, la mort, l’arrivée des troupes françaises, les déchirements au sein d’une population partagée entre l’Allemagne et la France, et finalement le retour de l’Alsace dans le giron français.

Basé sur une histoire vraie, Finnele n’en est pas moins une fiction comme l’explique l’auteure elle-même : « Je dispose de très peu d’éléments sur la vie de ma grand-mère durant cette période-là. Je me suis basé sur ce que j’avais et j’ai inventé le reste à partir de faits historiques avérés… ». Plus connu dans le monde de l’édition jeunesse, Anne Teuf signe ici un premier album BD pour le moins séduisant, intéressant aussi bien dans le fond que dans la forme avec un graphisme semi-réaliste précis et des planches dénuées de cases. Une belle découverte !

Eric Guillaud

Finnele, Le front d’Alsace, de Anne Teuf. Editions Delcourt. 14,95 € 

© Delcourt / Anne Teuf

© Delcourt / Anne Teuf

30 Juil

Eisner Awards 2014 : Jacques Tardi reçoit le prix de la meilleure BD étrangère avec Putain de guerre

939_4fc4e482ad8a4e1dba3300f069a76ae8Publié chez Casterman en 2008, réédité en 2014, édité aux Etats-Unis sous le titre Goddamn this war!, l’album de Jacques Tardi et de Jean-Pierre Verney sur la guerre de 14/18, Putain de guerre !, a remporté le prix de la meilleur BD étrangère aux Eisner Awards 2014.

De La Fleur au fusil à Putain de guerre! en passant par Varlot soldat, La Der des Ders ou La Véritable histoire du soldat inconnu, Jacques Tardi n’a eu de cesse de crier son incompréhension, son indignation face à cette boucherie à ciel ouvert, ce suicide collectif, dessinant sans relâche les tranchées, les bombes, les barbelés, les gaz… et surtout les hommes, ces hommes français, allemands ou autres, terrés, apeurés, côtoyant chaque jour les rats et la boue, les excréments et les charognes, les boyaux et les morceaux de cervelles, les gueules cassées et les corps en décomposition. Des héros ? Non, Tardi les dessine comme des hommes plus souvent avec la trouille au ventre que l’envie d’en découdre. Dans ses albums, comme ici dans Putain de guerre!, Tardi va au plus près pour toucher l’horreur de sa pointe de crayon. Un véritable témoignage lu et approuvé par les historiens notamment par Jean-Pierre Verney, son ami, qui signe ici une trentaine de pages sur la Grande guerre accompagnées de moultes photographies (la chronique complète de l’album ici).

Dans la même catégorie concourait notamment le livre de David B., Incidents in the night, publié en France par l’éditeur indépendant L’Association.

Le palmarès complet ici

29 Mai

La Mort blanche, une chronique de la Der des ders signée Robbie Morrison et Charlie Adlard chez Delcourt

Couv_215601Comme on pouvait s’y attendre en cette année marquée par la commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale, les bandes dessinées portant sur cette thématique se suivent… mais ne se ressemblent pas !

Nouvel exemple en date, La Mort blanche, un récit de Robbie Morrison et Charlie Adlard, qui nous emmène sur le front italien en 1916 pour une « partie relativement obscure de ce conflit aujourd’hui connue sous le nom de Guerre Blanche », précise le scénariste en préface.

Après La Grande guerre (Futuropolis) de Joe Sacco qui nous dévoilait façon Tapisserie de Bayeux la bataille de la Somme côté britannique, nous voici donc rendus sur le front italien pour cette guerre blanche, aussi connue sous le nom de guerre de montagne ou guerre de glacier, tout simplement parce qu’elle se déroula sur les sommets glacés des montagnes du Trentin, des Dolomites et du Caporetto, à la frontière entre l’Italie et l’empire austro-hongrois. Là, à 2 ou 3000 mètres d’altitude, des milliers d’hommes s’affrontèrent dans des conditions extrêmes et moururent pour beaucoup ensevelis sous les nombreuses avalanches déclenchées notamment par les tirs de canons.

Le scénariste Robbie Morrison et le dessinateur Charlie Adlard, qui assure la partie graphique de la série Walking Dead depuis 2004, signent ici un récit particulièrement fort transpirant à chaque page la peur, la brutalité, l’horreur de la situation, la bêtise humaine et… bien sûr la mort blanche. Magnifique et effrayant en même temps !

Eric Guillaud

La mort blanche, de Morrison et Adlard. Editions Delcourt. 15,95 €

© Delcourt / Morrison & Adlard

© Delcourt / Morrison & Adlard

22 Mai

Rencontre avec Joe Sacco à la médiathèque Marguerite Yourcenar à Paris (15e) le samedi 14 juin

© Michael Tierney

© Michael Tierney

Le journaliste américain Joe Sacco, précurseur de la bande dessinée documentaire, auteur notamment de « Palestine : une nation occupée », « Gaza 1956, en marge de l’histoire« , « Reportages » sera présent à la médiathèque Marguerite Yourcenar dans le 15e à Paris le samedi 14 juin à 15h30 pour une rencontre autour de son nouvel album « La Grande guerre, le premier jour de la bataille de la Somme » en compagnie de Vincent Marie, historien, auteur de « La Grande guerre dans la bande dessinée », et de Jean-Christophe Ogier, journaliste spécialisé BD…

Réservations indispensables par mail (mediatheque.marguerite-yourcenar@paris.fr) ou téléphone (01 45 30 71 41). Plus d’infos ici.

Eric Guillaud

© Sacco - Futuropolis/Arte Editions

© Sacco – Futuropolis/Arte Editions

13 Avr

Joe Sacco s’inspire de la Tapisserie de Bayeux pour raconter le premier jour de la bataille de la Somme dans l’album « La Grande Guerre »

Couv_211472Selon que vous considérez la tapisserie de Bayeux comme l’ancêtre de la bande dessinée ou pas, alors vous considérerez ce nouveau livre de l’Américain Joe Sacco comme une bande dessinée… ou pas. Quoiqu’il en soit, l’auteur-journaliste, connu pour ses bandes dessinées reportages en Palestine ou en Bosnie, signe ici une oeuvre pour ne pas dire un chef d’oeuvre absolument étonnant, inspiré effectivement de la Tapisserie de Bayeux. Pas de cases, pas de bulles, pas de textes et pas de perspectives, La Grande Guerre raconte le premier jour de la bataille de la Somme le 1er juillet 1916, une reconstitution minutieuse, heure par heure, qui se déroule sous nos yeux, de gauche à droite, sur une bande de papier de 6m70 très précisément.

On commence la journée en compagnie du général Douglas Haig, commandant en chef du corps expéditionnaire britannique, qui comme tous les dimanches assiste à la messe. Puis on rejoint les convois de soldats et de matériels en route pour la ligne de front avant de descendre dans les tranchées, de vivre le bombardement de l’artillerie préalable à l’assaut des fantassins britanniques, puis c’est la réplique des Allemands, les milliers de morts, les cadavres qu’on évacue des tranchées, les blessées qu’on laisse sans secours, les postes d’évacuation sanitaire débordés, les tombes qu’on creuse à la va-vite…

Toute l’horreur de cette bataille préparée de longue date par les généraux et les états-majors de l’armée britanniques s’étale sur ces 6m70 de fresque, toute l’horreur mais aussi la stupidité du haut-commandement incapable d’arrêter le massacre alors que visiblement leur plan d’un bombardement massif sur les lignes allemandes (des centaines de milliers d’obus ont été tirés ce jour-là) a échoué. Résultat des courses, plus de 20 000 Anglais sont tombés pendant cette première journée qui fût l’une des plus sanglantes de la Première Guerre mondiale.

Un livret comprenant notamment une préface de Joe Sacco et les explications de l’historien américain Adam Hochschild accompagnent cette fresque.

La Grande Guerre est un album impressionnant qui devrait faire date dans l’histoire du Neuvième art et notamment dans la façon de raconter la guerre de 14-18 !

Eric Guillaud

La Grande Guerre, de Joe Sacco. Editions Futuropolis. 25€

L’info en +

En juillet et aout prochains, la station de métro Montparnassse-Bienvenüe accueillera le long du couloir du tapis roulant une fresque de 130 mètres reprenant l’ensemble du panorama de Joe Sacco.

© Sacco - Futuropolis/Arte Editions

© Sacco – Futuropolis/Arte Editions