26 Fév

Destins (tomes 1 à 3), de Giroud, Durand, Greiner, Collignon, Christin, Lécossois, Brahy. Editions Glénat. 13 euros le volume.

  

   

   

   

   

   

   

Attention, série fleuve en vue ! Après l’ésotérique Décalogue, dix volumes parus chez Glénat entre 2001 et 2003, le scénariste Frank Giroud se lance dans une nouvelle aventure qui devrait tenir les lecteurs en haleine pendant près de deux ans et quatorze albums. Et toujours avec ce concept singulier qui tient à faire intervenir des auteurs différents sur chaque album. 13 scénaristes et 13 dessinateurs sont ainsi prévus, chacun intervenant avec son propre style narratif ou graphique, chacun avec sa propre atmosphère, Frank Giroud surpervisant l’ensemble. Destins, c’est le nom de cette série, se propose d’explorer les différents destins possibles d’une jeune femme, en l’occurrence Ellen Baker, en fonction de ses choix. Ainsi, au fil des 14 albums, ce sont 5 destins parallèles que nous suivrons. Avec en filigrane la question suivante : quelle influence nos choix ont-ils sur notre destin ? Tout commence à Houston. Ellen et son ami Greg braquent une banque mais l’affaire tourne mal. Greg est tué, Ellen doit fuir et se faire oublier. Elle part pour l’Angleterre où elle se réfugie dans l’humanitaire. Jusqu’au jour où son passé la rattrape. Ellen doit alors faire un premier choix très difficile… Action et suspense sont au rendez-vous de ces trois premiers albums qui augurent d’une très grande série. E.G.

Dans le détail :

Le Hold up, Destins (tome 1), de Giroud et Durand.

Le fils, Destins (tome 2), de Giroud, Greiner et Collignon.

Le Piège africain, Destins (tome 3), de Giroud, Christin, Lécossois, Brahy.

Pandas dans la brume, Dans les forêts de bambous (tome 1), de Tignous. Editions Drugstore. 13,90 euros.

Selon le WWF, les pandas ne seraient plus que 1600 dans le monde ! Mais il y aurait pire, selon le W.W.Disney, il n’y aurait plus que 101 dalmatiens. C’est du Tignous ! Informer, indigner, révolter, réveiller les consciences, l’air de rien, avec le sourire et beaucoup d’humour. Dessinateur de presse pour divers magazines (Fluide Glacial, L’Express…) et auteur de plusieurs ouvrages ( Tas de pauvres, Tas de riches, Pourquoi faire simple, On s’énerve pour rien…), Tignous manie l’humour corrosif comme d’autres manient la gravité nécessaire pour mener à bien certaines grandes causes. D’un côté l’humoriste, de l’autre le WWF, organisation scientifique traitant de sujets environnementaux aussi sérieux que le changement climatique ou le déclin de la biodiversité, et qui s’associe à ce projet de bande dessinée, l’humour pouvant être parfois, selon Serge Orru, Directeur général de WWW France, « …un bien meilleur porte-parole ».  Bref, dans cet album, Tignous croque les pandas sous tous les angles et, à travers eux, le monde des hommes, un monde où la cupidité est reine… En attendant de rendre les hommes meilleurs, Tignous a peut-être trouvé la solution pour sauver les pandas : promettre aux financiers qu’ils peuvent travailler pour moins cher qu’un Chinois ! E.G.

L’Hypnotiseur, de Saenz Valiente et De Santis. Editions Casterman. 15 euros.

Monsieur Salinero, gérant du Las Violetas, petit hôtel de Buenos Aires, a vu toutes sortes d’individus franchir le pas de sa porte : des hommes mariés en quête de refuge, des représentants de commerce fatigués, même des candidats au suicide… Mais un hypnotiseur, jamais, qui plus-est un hypnotiseur insomniaque qui empêche les autres clients de dormir. Un comble ! Tous les soirs, Monsieur Arenas, l’homme en question, donne un spectacle d’hypnose dans une salle de la ville. Et même s’il ne fait pas de séances privées, sa réputation finit par attirer quelques clients jusqu’à l’hôtel, des clients à la recherche de vérité sur leur passé, sur un trésor enfoui ou un moment égaré. Au fil des jours, et des clients, se noue entre l’hypnotiseur et le gérant de l’hôtel une relation singulière…

Juan Saenz Valiente et Pablo de Santis, tous deux argentins, nous offrent ici un récit surprenant autour d’un héros qui ne l’est pas moins, hypnotiseur fatigué, insomniaque et taciturne, un héros au physique qui nous laisse supposer tout le poids d’une immense douleur enfouie. Les histoires, les décors, les textes, les couleurs…  tout est ici affaire d’atmosphère. Même les personnages qui apparaissent et disparaissent au fil des pages en nous laissant à chaque fois un peur de leur âme, ont des gueules d’atmosphère… Un univers très marqué et très personnel à découvrir au plus vite  ! E.G.

New York, Bruxelles, Rome ou Venise : une nouvelle collection de city guides chez Casterman…

New York, Bruxelles, Rome et Venise… Les éditions Casterman viennent de publier simultanément quatre city guides nouvelle génération associant un grand nom du livre de voyage et un grand nom de la bande dessinée. Et le résultat est plutôt réussi, chaque ouvrage mariant intelligemment textes et illustrations, informations pratiques et invitations à l’imaginaire. Aux pinceaux, on retrouve ainsi Miles Hyman pour le guide de New York, François Schuitten pour celui concernant Bruxelles, le duo Jacques Martin – Gilles Chaillet pour Rome et, bien évidemment, Hugo Pratt pour Venise. Dans le détail, chaque guide comporte en ouverture un plan général mais aussi des repères historiques ou quelques mots de vocabulaire pour se débrouiller en toutes circonstances et, bien entendu, plusieurs propositions d’itinéraires offrant sur chacune de ces villes un regard historique, architectural, culturel, artistique ou gastronomique, parfois surprenant, toujours instructif, avec des lieux secrets pour sortir des sentiers battus, des anecdotes, des éclairages indédits… Ces guides lancés par Lonely Planet et Casterman s’inscrivent dans le cadre du développement d’un nouveau tourisme, basé sur les courts séjours. Deux autres titres sont d’ores et déjà annoncés pour septembre : Florence et Marrakech. Une belle idée ! E.G.

Dans le détail :

New York Itinéraires, de Miles Hyman et Vincent Réa.

Bruxelles Itinéraires, de François Schuiten et Christine Coste.

Rome Itinéraires avec Alix, de Thérèse de Chérisey, Jacques Martin, Gilles Chaillet et Enrico Sallustio.

Venise Itinéraires avec Corto Maltese, de Hugo Pratt, Guido Fuga et Lele Vianello.

Bandonéon, de Gonzalez. Editions Dupuis. 24 euros.

Un ovni ! Ou un miracle ! Comme vous voulez. Son nom : Bandonéon, comme l’instrument. Arrivé sans prévenir, sorti sans faire de bruit. Et pourtant ! Bandonéon a tout du chef d’oeuvre, de ces livres qu’on ouvre, qu’on dévore d’un bout à l’autre et qu’on finit par refermer uniquement sous la menace ou sous la contrainte du quotidien. Faut bien aller bosser ! Mais les images sont là, pour longtemps gravées dans la mémoire. Et le récit aussi. Un récit à double entrée avec d’abord la destinée du jeune Horacio, un prodige du piano, fasciné par les musiciens de tango, par ses amis Vicente, Luis, Gordo et les autres, un prodige donc qui fera tout pour devenir quelqu’un. Même s’il doit y laisser son âme. Puis, il y a ensuite la destinée de Jorge Gonzalez lui-même, l’auteur, qui raconte dans ces pages son propre retour en Argentine, le temps d’une visite à ses amis et à sa famille. Jorge Gonzalez vit en Espagne.

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Découvrez ici l’interview de l’auteur

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Présenté par l’éditeur comme un mélange de récit d’initiation, de fable politique et de journal intime, Bandonéon est en tout cas un ouvrage particulièrement riche qui parle bien évidemment de l’Argentine, de son histoire, des hommes, de la politique, de la culture, de la libertré, de l’amour, de l’immigration… le tout sur un air de tango. Publié dans un format « roman graphique » chez Dupuis, Bandonéon est une oeuvre réellement surprenante, surprenante dans le fond, mais aussi dans la forme avec une narration qui peut être tantôt classique, tantôt avant-gardiste, et un graphisme multiforme qui peut aller du croquis, jeté sur la page dans l’urgence, à quelque chose de plus abouti. Bref, Bandonéon est une oeuvre à part et une des plus marquantes de ce premier trimestre 2010 ! E.G.

Tous à vos crayons. Prêts ? Un, deux, trois… dessinez !

Apprendre le dessin, c’est bien. Apprendre le dessin en s’aidant d’un livre, c’est mieux ! Casterman, Gallimard jeunesse, Flammarion, Seuil… tous les éditeurs jeunesse publient régulièrement des ouvrages qui permettent à nos artistes en herbe de se faire la main et de se familiariser avec l’art graphique. En voici quelques-uns fraîchement sortis…

Au Père Castor pour commencer viennent de sortir deux nouveaux ouvrages dans la collection A Toi de dessiner. Le premier s’adresse plus particulièrement aux filles, le second s’intéresse aux manga, les deux offrent plus de 100 dessins à compléter sur un papier épais de bonne qualité et de bon format. L’objectif visé par la collection est clairement de développer la créativité et l’imagination de l’enfant avec beaucoup d’humour. Les dessins sont de bonne facture et effectivement amusants. A chacun, chacune, de dessiner un avion incroyable, un château de rêve, d’imaginer un splendide palace sous la mer,  de remplir le coffre de trésors, de créer des coiffures originales ou des bijoux, de décorer des vêtements de poupée… Parfait pour les 5-6 ans et plus !

Toujours au Père Castor, Je dessine comme un grand mes personnages préférés est un ouvrage qui permet à l’enfant de dessiner, d’effacer, de dessiner, d’effacer, de dessiner… Bref, vous l’aurez compris, de recommencer jusqu’au bout de la nuit ou, du moins, jusqu’à ce que le dessin soit réussit, grâce aux feutre effaçables fournis et aux pages plastifiés. Le principe est simple, à chaque page un thème (le château, le roi, le robot, le monstre, le cow-boy…), un modèle et les grandes étapes à respecter pour que le dessin soit parfait. Et si ce n’est pas le cas, on efface, on redessine, on efface, on redessine… Pour les 5-6 ans !

Après Miro et Picasso, les éditions Gallimard et l’auteure Ana Salvador offrent un nouveau titre à la somptueuse collection Dessiner avec… qui a pour but d’apprendre aux enfants à dessiner en partant des oeuvres d’artistes reconnus et donc, dans un même élan, de découvrir leur univers et plus généralement le monde de l’art. Cette fois, c’est donc Jean Dubuffet (1901 – 1985), inventeur de l’art brut, qui va être le guide de nos artistes en herbe. Chaque dessin est décomposé pour aider au mieux l’enfant dans son travail qui peut dessiner directement sur le livre ou sur des feuilles de papier à dessin insérées dans une pochette située à la fin du livre. Une méthode d’une simplicité enfantine, pour petits et grands !

Pour finir, les éditions Casterman ont publié en début d’année la nouvelle édition de l’ouvrage Le Petit artiste qui propose une première initiation à la pratique artistique pour les enfants de 3 à 7 ans. Pour le réaliser, Gaëtanne Lannoy, l’auteure, s’est inspirée des nombreux ateliers qu’elle organise depuis plus de 10 ans. Clair et pratique, il offre un panorama des techniques dites classiques (crayons, feutres, pastels…) et de celles qui le sont moins comme la peinture avec des pochoirs, avec des ficelles, un bâton, de la colle, du sable, du tissu, du carton… un ouvrage très pratique, instructif et agréable avec pour chaque technique des renvois à certains grands peintres ! E.G.

  

Dans le détail :

A toi de dessiner – Spécial manga, de Yuriko Yano. Editions Père Castor Flammarion. 8 euros.

A toi de dessiner – spécial filles, de Nellie Ryan. Editions Père Castor Flammarion. 8 euros.

Je dessine comme un grand mes personnages préférés, de Laurent Richard, Raphaël Hadid et Chhuy-Ing. Editions Père Castor Flammarion. 14,90 euros.

Dessiner avec… Jean Dubuffet, de Ana Salvador. Editions Gallimard jeunesse. 14 euros.

Le Petit artiste, de Gaëtane Lannoy. Editions Casterman. 16,75 euros.

Sur les traces de… Une collection documentaire signée Gallimard jeunesse.

Partager l’extraordinaire destin de Napoléon Bonaparte, de Louis XIV, d’Ulysse, du roi Arthur, de Marco Polo ou encore des dieux grecs et des pirates, tel est l’objectif de la collection Sur les traces de… initiée par les éditions Gallimard jeunesse et faisant actuellement l’objet d’un relookage général. Avec un format poche très pratique, un prix relativement modique (7,50 euros), une iconographie remarquable, des doubles pages encyclopédiques et bien entendu un récit vivant, parfois écrit à la première personne, chacun de ces ouvrages offre une bonne approche des grands mythes et personnages de l’histoire, des civilisations anciennes, de leurs modes de vie, des traces qu’elles ont pu laisser… Des petits livres documentaires très sympatiques pour les 10 ans et plus ! E.G.

Parmi les derniers titres réédités : Sur les traces de Marco Polo, Sur les traces de Louis XIV, Sur les traces de Napoléon et Sur les traces des dieux grecs.

L’effet Dragons… aux éditions Seuil jeunesse.

Dragons, le nouveau film d’animation 3D du studio DreamWorks (Shrek, Madagascar…) sort en salle le 31 mars. A cette occasion, les éditions Seuil jeunesse publient six ouvrages qui en sont directement inspirés pour anticiper et prolonger la magie. Dans l’ordre d’apparition, Dragons, Harold et Krokmou (7,5 euros) retrace la rencontre entre Harold, l’ado viking, et Krokmou le dragon avec, au centre du livre, deux masques prédécoupés permettant une immersion totale dans l’univers du  film. De son côté, Dragons, Les leçons de Gueulefor (4,90 euros) livre tous les secrets pour affronter les terribles cracheurs de feu et dévoreurs d’hommes. Dragons, Le grand livre d’activités (4,95 euros) regroupe une foule de jeux  sur 32 pages, labyrinthe, jeu des erreurs, codes secrets, jeu des silhouettes… Dragons, L’histoire du film (4,90 euros) est l’adaptation du film en roman. Dragons, Le livre des héros (9,90 euros) propose à travers 26 pages et 5 rabats de revivre les grands moments du film et de tout savoir sur les principaux personnages. Et pour finir, Dragons, Une amitié impossible  (4,90 euros) revient sur les origines de l’amitié entre Harold et le dragon en illustrations. Des livres pour tous les goûts, à partir de 5 ans ! E.G.

Aujourd’hui au Maroc et Aujourd’hui au Japon, deux journaux d’enfants chez Gallimard jeunesse

Après le Brésil, la Guadeloupe, l’Algérie, la Russie… la collection Le Journal d’un enfant s’enrichit de deux nouveaux titres consacrés au Japon et au Maroc. Le principe est toujours le même, un enfant nous raconte son quotidien à travers un récit de fiction qui permet d’aborder des thèmes aussi variés que la gastronomie, les ressources économiques, la mode, l’art, les transports, les jeux, la famille, les sports, la religion, le tourisme, le patrimoine…  De nombreuses illustrations ainsi que des dépliants et rabats comportant une mine d’informations documentaires agrémentent ce récit. Une formidable ouverture au monde, idéale pour les 8 – 12 ans ! E.G.

Dans le détail :

Aujourd’hui au Maroc, de Clotilde et Houssaine Oussiali. 12,90 euros.

Aujourd’hui au Japon, de Geneviève Clastres. 12,90 euros.

15 Fév

Rencontre avec Aurélien Ducoudray et Eddy Vaccaro, auteurs du magnifique album Championzé paru aux éditions Futuropolis.

Eddy Vaccaro et Aurélien Ducoudray viennent de réaliser Championzé, la biographie du boxeur Amadou M’Barick Fall, dit Battling Siki, premier Français champion du monde… noir. Magnifique dans la forme, étonnant et instructif dans le fond, nous avons souhaité poser cinq questions aux auteurs, histoire d’en savoir un peu plus sur eux et sur leur album…

Comment vous est venue l’idée de réaliser cette biographie de M’Barick Fall ?

Aurélien Ducoudray. En fait, je suis tombé sur la vie de Siki complètement par hasard. C’est en feuilletant une épaisse encyclopédie de la boxe à la recherche d’infos sur le celèbre champion noir americain Jack Johnson ( accusé lui aussi de tricherie dans son combat contre le sympathique fermier blanc Jeffries !!) que je suis tombé sur une note de bas de page renvoyant à une note de trois lignes, à la fin de l’encyclopédie, au chapitre des combats truqués ! Cette note disait en tout et pour tout : cas identique en France pour le match entre le franco-sénégalais Battling Siki et l’idole Georges Carpentier… Après cette réponse en forme d’énigme, il ne restait plus qu’a suivre la piste !!

Eddy Vaccaro. Luc Brunschwig (Directeur de collection de Futuropolis à l’époque) m’a proposé le scénario d’Aurélien et j’avais une amie qui venait d’apprendre qu’elle était la descendante de Battling Siki (rousse à la peau blanche je précise). Un signe du destin, je n’ai pas pu dire non haha !

Etes-vous avant tout des passionnés de boxe, des amoureux du continent africain ou des fans du genre biographique ?

A.D. Passionné de boxe oui, mais pas érudit !! Je connais les grandes histoires, Ali, Cerdan, Jack Johnson et tous les autres grands champions, mais juste en amateur ! Par contre, du continant africain, complètement amoureux !! Mon premier métier ( photographe de presse) m’a amené a parcourir quelques pays africains ( Sénégal, Mali, Burkina, Togo, Bénin…) pour réaliser de nombreux reportages ( les albinos au Sénégal, la mendicité dans les ecoles coraniques, le Dieu football, le systeme scolaire…) et l’occasion d’accompagner la vie de Siki a été comme un vrai voyage de retour ! J’ai pu y glisser tout ce que j’aime de l’afrique ! C’est a dire tout ! L’Afrique , c’est simple, elle est tellement généreuse qu’on est obligé de tout prendre !! Avec Championzé, c’était un peu aussi une façon de lui redonner quelquechose, un fils perdu, peut être…

E.V. Je ne suis pas du tout passionné de boxe, en revanche j’ai toujours aimé le sport, le pratiquer aussi, pour le plaisir et le dépassement de soi. Mais avec Battling Siki, c’est plus l’histoire d’un homme qui m’intéresse, le contexte social, l’immersion dans son monde, ses joies, ses peines, ses doutes, ses forces… Donc oui, j’aime bien les biographies ou le décorticage de la vie d’un personnage ou d’une époque. J’adore par exemple les émissions radio comme 2000 ans d’histoire ou Rendez-vous avec X sur France Inter. Et j’ai dévoré en une seule fois le livre de Jean-Marie Bretagne sur Battling Siki ! Pour l’Afrique, c’est différent, j’ai depuis plusieurs années l’envie d’y aller et je me suis découvert la passion de la dessiner ! D’ailleurs, on a un projet de BD sur l’Afrique avec Aurélien.

Et pour vous Aurélien, la priorité était de dresser le portrait d’un grand champion de boxe ou de brosser le tableau d’une société, d’une époque, d’une mentalité ?

Aurélien Ducoudray. En fait, le portrait de l’époque s’est imposé de lui même, la seule certitude que l’on avait sur Siki est qu’il était noir et sénégalais !! Toutes les autres informations sont doublées, voire triplées par des informations contraires !! Au final, on se retrouvait devant une histoire en forme de baobab : le tronc, c’était Siki, et les centaines de branches, c’était le ressentiment des témoins de l’époque ! On a décidé de ne rien couper !! Je pense que l’histoire de Siki est indissociable de son époque, celle d’un racisme larvé, quotidien, quasi normal et totalement accepté… souvent employé dans les articles de presse sous la forme de l’humour… un humour qui pourrait être drôle s’il n’était pas nauséabond, de la tête de nègre a la salle noire de monde, aux policiers bêtes noires de Siki !! En même temps, on a choisi de ne pas taper avec une massue sur les gens de l’époque,en les dépeignant comme d’horribles racistes caricaturaux. Leurs propos sont utilisés dans le contexte de l’époque. Ils correspondent a un moment de l’histoire, a une mentalité donnée, qui j’espère n’existe plus… J’espère… Pourtant, je pense qu’il existe encore des milliers de Siki de nos jours,  plus dans le domaine de la boxe mais dans celui du travail : quand on voit par exemple la difficulté pour obtenir un entretien d’embauche quand on a une couleur de peau un peu trop foncée, ou une adresse un peu trop HLM…

Le graphisme est très particulier, oscillant entre le réalisme généralement utilisé dans les biographies et l’humoristique un peu « à l’ancienne ». C’est un choix délibéré et assumé ou il s’agit tout simplement du style graphique d’Eddy. Quelle technique avez-vous d’ailleurs utilisé ?

E.V. J’ai travaillé avec des crayons plus ou moins gras, un peu d’encre et beaucoup de correcteur blanc que j’utilise comme de la peinture blanche (c’est pratique et il n’y a pas à tremper le pinceau). C’est une technique rapide qui permet de retranscrire une variété très large d’ambiances ou des sensations avec le maximum de rapidité.  Pour les « Gueules » des personnages ou certaines illustrations, c’est effectivement mon style naturel auquel j’ai ajouté l’influence des journaux d’époque, Le Miroir devenu Le Miroir des sports après la 1ère guerre mondiale, La Baïonnette, le journal des tranchées, et un journal sur la boxe des années 20. J’y ai découvert des illustrateurs (notamment Gus Bofa) qui ressemblent pas mal à ce qui peut se faire dans la BD actuelle et même qui en sont des influences assumées.

A.D. Le  côté cartoon est complètement voulu car je trouve qu’il sert les personnages, les expressions sont tout de suite reconnaissables et je trouve que c’est un joli pied de nez que de se servir des icônes graphiques de l’époque pour justement en dénoncer le coté banania !!

Quelles sont vos influences, vos envies ?

A.D. Mes influences ? Toutes les bonnes histoires racontées par n’importe qui sous n’importe quelle forme !! Film romans, BD, articles de journaux, tout ! Et sans prétention, Godard a coté de Godzilla, d’obscurs cineastes russes au dernier film d’horreur anglais !! Tout est bon a prendre ! Après, côté envies, nous allons nous atteler a deux nouvelles biographies de boxeurs chez Futuropolis ! Celle de Young Perez, un Juif tunisien français champion du monde de boxe dans les années 30 qui fut déporté a Auschwitz, et celle de Primo Carnera, ancien lutteur de foire devenu symbole du fascisme italien sous Mussolini et devenu champion du monde de boxe en ayant  truqué tous ses combats !! Et pour ceux qui ont apprécié Championzé, jetez vous sur le livre de Jean-Marie Bretagne, Battling Siki, qu’on remercie au passage pour ces nombreuses informations !

E.V. Je lis peu mais j’aime beaucoup le roman graphique en noir et blanc ou couleur. Je n’aime pas trop la BD avec beaucoup d’effets graphiques. je trouve que certaines histoires manquent vraiment de fond, voilà, j’ai besoin de fond, de sens, pas de « délire de djeuns! ». Là je vais me faire traîter de vieux réac haha ! J’apprécie vraiment une certaine « école italienne » avec des auteurs qui développent leur travail de manière très personnelle, avec un grande maîtrise et un belle élégance poétique ( Gipi, Manuele Fior, Mattoti, Gabriella Giandelli…). Et puis des peintres aussi, Gauguin, Turner, Alechinsky, Matisse… Mon envie principale est de raconter des histoires avec du fond et de développer petit à petit un style personnel qui évoluera avec mes expériences, ma vie. Pour l’instant j’ai encore l’impression d’appartenir à une école que certains appellent « la nouvelle BD française » et ou la « BD indé » mais qui n’est plus si nouvelle, ni indépendante.

Propos recueillis par Eric Guillaud le 11 février 2010.

Retrouvez la chronique de l’album ici

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