Dans son malheur, Liam, 4 ans, a eu de la chance. Beaucoup de chance. L’animal qui l’a attaqué en cet été 1979 dans la médina de Rabat au Maroc est un chat et non un chien. Le chien n’aurait jamais lâché sa proie. Le chat l’a juste griffé sévèrement au visage. De belles cicatrices en perspective. Mais le plus grave n’est pas là. Le chat avait la rage.
Pour le petit garçon, la vie n’aura plus jamais le même parfum d’insouciance et de liberté. Fini de jouer et rejouer la coupe du monde dans la cour de la maison avec son frère et les copains. Direction la France pour recevoir des soins adaptés. Les années passent, les cauchemars succèdent aux cauchemars. Liam change. Il prend peur de tout, des gens, de la nuit, des voitures, de la mort. Il devient violent, très violent, et finit par se réfugier dans la drogue. On le croit perdu, c’est à ce moment précis qu’il croise l’amour…
Si Confessions d’un enragé commence comme un récit réaliste, voire autobiographique, il prend très vite une tournure fantastique. « Cet enfant de quatre ans qui se fait attaquer par un chat qui se révèle enragé, c’est moi… », nous confie Nicolas Otero dans une interview à découvrir en intégralité ici, « La mort, je l’ai frôlée de très près au Maroc, j’avais donc envie de raconter surtout une histoire de vie, un parcours initiatique ou comment trouver sa place quand on est différent ».
Et c’est bien là que réside l’intérêt du livre de Nicolas Otero, dans ce subtil mélange des genres qui permet à la fois d’aborder la maladie et ses conséquences sous un angle quasi-scientifique et de suivre le parcours d’un gamin marqué très jeune par le destin.
« Ce n’est pas courant de se faire attaquer par un animal enragé… », poursuit Nicolas Otero, « enfin il me semble! J’ai mis du temps à en parler, et à chaque fois que j’évoquais le sujet, on me renvoyait un sempiternel: Ha, d’accord, je comprends mieux alors… Pourtant, je n’avais pas l’impression d’avoir un comportement particulier, violent ou colérique. Mais c’est pourtant l’image et l’attitude que je transmettais, quasi contre mon gré, ou à l’insu de… »
Confession d’un enragé marque une grande première pour Nicolas Otero. C’est en effet la première fois qu’il signe à la fois le dessin ET le scénario. « J’ai tout écrit d’une traite en moins de dix jours, de façon quasi compulsive, en prenant un pied d’enfer !! Et le dessin a été aussi source d’intense plaisir, je m’étais tellement approprié le parcours de ce petit bonhomme… ». Violent, sombre, désespéré, effrayant, Confessions d’un enragé est aussi une ode à la vie. Après la nuit vient le jour…
Eric Guillaud
Confessions d’un enragé, de Nicolas Otero. Éditions Glénat. 25 €