« En ce qui me concerne, je n’ai plus de mère » : ces paroles terribles ont été prononcées par Rodéric lorsqu’il n’était encore qu’un enfant. Des paroles terribles qui disent tout du désarroi dans lequel il pouvait se trouver à l’époque. Face à lui, une femme, sa mère, qui sort tout juste de cure de sevrage pour replonger aussi sec dans l’alcool.
Et il n’en peut plus Rodéric. Des années que son père et sa mère ne se parlent que pour s’engueuler, des années que la famille proche ne met plus les pieds à la maison, des années que les enfants assistent impuissants à des scènes d’une grande violence, des années que cette mère picole dans tous les coins de la maison. De la cave au grenier, partout des bouteilles de porto, dans la bannette de linge salle, dans les armoires, sous l’évier, dans le garage, sous les lits, dans les coffres à jouets… Pendant sa cure, toute la famille s’est mobilisée pour passer la maison au peigne fin. 1500 cadavres de bouteilles de porto ont ainsi été retrouvées et jetées dans les bennes. 1500 bouteilles. De quoi donner le tournis sans avoir bu une seule goutte.
C’est l’histoire ce cette mère et plus largement de cette famille confrontée à l’alcoolisme que raconte Rodéric Valambois dans ce roman graphique paru aux éditions Soleil. « je raconte comment une famille heureuse devra renoncer à tout ce qui la construisait, perdre pied, devenir peu-à-peu une famille de cas sociaux… », explique l’auteur qui poursuit : « Je rends compte de l’évolution de chacun des membres de notre famille, pas seulement de celui de ma mère ».
Mal de mère est un témoignage choc, dur, cru, parfois insoutenable, c’est peut-être le prix à payer pour qu’il serve à quelque chose. Marquer les esprits, ne pas ménager le lecteur, ne pas ménager non plus les personnages de ce douloureux passé, « ceux qui faisaient souvent mine de ne rien voir, nous tournant le dos, nous jugeant, et ceux qui, parfois, nous comprenaient et nous aidaient. J’ai écrit cela en n’épargnant personne, mais sans acharnement. S’il y a des jugements, il n’y a pas de morale. Chacun a sa part d’ombre et d’humanité« .
Mieux vaut prévenir que guérir, un album à mettre entre toutes les mains !
Eric Guillaud
Mal de mère, de Roderic Valambois. Editions Soleil. 18,95 €