25 Avr

Le journal Spirou aux couleurs de la France

Spirou en bleu blanc rouge ! Paru ce mercredi 25 avril, le magazine de bande dessinée belge se donne pour ambition de sauver la France. En couverture, une Marianne fait la manche sous les affiches de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, nos deux derniers candidats à la présidentielle. Plus loin, une ambulance du Samu arrive avec notre célèbre groom au volant. Pas de panique, la solution pour s’en sortir serait dans les pages du magazine. Une solution simple et déjà testée dans le numéro spécial Sauvez la Belgique paru en juillet 2011 : la franche rigolade ! EG

20 ans ferme, de Sylvain Ricard et Nicoby. Editions Futuropolis. 17 euros.

20 ans ferme ! Voilà ce à quoi Milan vient d’être condamné pour sa participation à un braquage. Pas besoin d’avoir fait une grande école pour comprendre que ce jeune homme de 20 ans ressortira de prison pour ses 40 ans. Peut-être un peu avant s’il obtient une remise de peine pour bonne conduite. Mais la prison n’est pas un monde de bisounours. Milan, comme tous les taulards avant lui et après lui, devra jouer des coudes et des poings pour faire sa place, se faire respecter. Nous sommes au milieu des années 80, Milan entame une longue descente en enfer avec pour quotidien les humiliations, la promiscuité, les luttes de pouvoir entre prisonniers, les violences, les séjours en quartier disciplinaire, l’arbitraire de certains gardiens, les injustices, les incessants transferts. Non, chacun le sait, le monde carcéral n’est pas à l’image de ce qu’il devrait être, un endroit où l’on enferme et prépare en même temps à la réinsertion. Et même si Milan se doutait bien avant d’y mettre les pieds que l’endroit n’a rien du club med, le jeune homme va tout au long de son incarcération s’opposer et se battre avec ses moyens pour améliorer le sort des taulards…
Ce récit, poignant, passionnant, criant de vérité, est basé sur le témoignage d’un ancien détenu, Milko, aujourd’hui président de Ban Public, l’Association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe. C’est son quotidien qui est donc ici raconté avec une objectif clair. Le scénariste Sylvain Ricard explique : « Cette histoire pose juste la question du rôle de la prison dans notre pays, des solutions que la société se doit d’apporter aux problèmes inhérents à son fonctionnement, à ses échecs et à ses devoirs vis-à-vis de tous les citoyens ». Et à défaut d’apporter des solutions, cet album interroge, nous interroge, sur ce territoire de la nation qui devrait être l’incarnation parfaite des lois ! E.G.

10 Avr

Le Seuil Jeunesse fête ses vingt ans…

On n’a pas tous les jours vingt ans ? C’est pourtant bien tous les jours ou presque de l’année 2012 que les éditions Seuil Jeunesse ont l’intention de fêter leur anniversaire. Vingt ans de création, de rencontres, de découvertes, vingt ans de petits et grands bonheurs, de beaux et surprenants livres, de risques éditoriaux et de distinctions…. Vingt ans qui seront célébrés avec la réédition version collector (couverture toilée sérigraphiée) de dix incontournables du catalogue comme Yakouba de Thierry Dedieu, Zoo logique de Joëlle Jolivet ou encore Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler de Luis Sepulveda et Miles Hyman.

Des collectors mais aussi des pépites, comprenez des compilations d’albums cultes comme Qui suis-je ? d’Alain Crozon, un livre de devinettes sur les animaux et les transports, ou Petits délices et petits riens, d’Elisabeth Brami et Philippe Bertrand, qui réunit textes et petits aimants autour de ces petits riens qui font du bien.

En tout cas, vingt ans ce n’est pas rien. Bon anniversaire donc au seuil Jeunesse et on se retrouve dans vingt ans ! E.G.

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Dans le détail:

Yakouba, de Thierry Dedieu. 18 euros.

Zoo logique, de Joëlle Jolivet. 25 euros.

Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler, de Luis Sepulveda et Miles Hyman. 25 euros.

Qui suis-je, de Alain Crozon. 14,50 euros.

09 Avr

La Douceur de l’enfer (tome 2), de Olivier Grenson. Editions Le Lombard. 16,45 euros.

San Francisco, avril 2005. Martha Summer est sous le choc ! Deux représentants du gouvernement viennent de lui annoncer que le corps de son défunt mari venait d’être identifié et allait être transféré pour recevoir les honneurs militaires. Martha Summer est d’autant plus sous le choc qu’elle est aujourd’hui une femme âgée et fragile et que son mari a disparu pendant la guerre de Corée il y a un peu plus de cinquante ans ! Invitée à se rendre à Séoul pour la cérémonie, Martha n’aura malheureusement pas le temps. Sur son lit de mourante, elle demande à son petit fils de la représenter. Billy Summer accepte la mission mais ne s’attend absolument pas à la découverte qu’il fera sur place. Le mari de Martha, son grand-père donc, n’est pas mort. Il vit en Corée du Nord. Et ce ne sera pas là sa seule surprise…

Suite et fin de cette aventure signée Olivier Grenson. L’auteur de Carland Cross, de La Femme accident ou encore et surtout des aventures de Niklos Koda nous entraîne en Corée pour le dénouement. Et quel dénouement ! Quelles révélations dans ce second tome ! A la fois responsable du dessin et du scénario, Olivier Grenson se révèle un auteur complet particulièrement talentueux. Habituellement adepte d’un graphisme réaliste très travaillé, il parvient ici à laisser filer son trait et à donner un aspect plus jeté à l’ensemble, notamment dans les scènes de guerre. « Avec cet album… », confie-t-il, « je voulais me libérer du beau dessin, de certaines retenues, même si le naturel revient au galop. Lâcher les choses, c’est un véritable combat, pour moi » . Un diptyque entre douceur et enfer ! E.G.

08 Avr

Trilogie avec dames, de Will et Desberg. Editions Dupuis. 30 euros.

Une maquette rafraîchie au niveau de la couverture et un dos rond : voilà pour les modifications apportées à cette nouvelle édition. Pour le reste, Trilogie avec dames est identique à la version publiée en 2007. Les amoureux de Will y retrouveront donc les trois histoires qui ont marqué un tournant dans la carrière de l’auteur à la fin des années 80 et au début des années 90 : Jardin des désirs, La 27e lettre et L’Appel de l’enfer. Trois histoires légèrement coquines, voire érotiques ou libertines, qui s’affichaient d’emblée à cent lieues de l’atmosphère relativement policée de la série Tif et Tondu dont il avait la lourde charge d’assurer la mise en images depuis 1949. Même graphiquement, l’auteur avait souhaité une rupture. On ne dessine pas Tif ou Tondu comme on dessine les femmes. Et c’est tout naturellement qu’il opta pour des couleurs directes. « Les femmes sont des créatures trop belles… », disait-il,  « pour être traitées en noir et blanc… Je rêvais de les mettre en couleurs, de les parer de mille feux, puis de les entraîner dans mon jardin nocturne ».

Nocturne ou secret, le jardin de Will était en tout cas un jardin merveilleux, peuplé de somptueuses créatures qu’il reproduisait sur les murs de sa maison avant de finalement choisir de nous en faire profiter. Mort en 2000, l’auteur est aujourd’hui encore considéré comme l’un des piliers de l’école de Marcinelle (Spirou), un auteur classique qui osa remettre son travail en question à soixante ans passés ! E.G.

Bravo les brothers, de Franquin et Jidéhem. Editions Dupuis. 24 euros.

C’est un petit bijou que les éditions Dupuis ont exhumé de leurs archives. Un bijou signé André Franquin et Jidéhem, intitulé Bravo les brothers. Certains me feront remarquer très justement que ce récit a déjà été publié en album, mais jamais dans un tel écrin et avec autant d’attention. Cette nouvelle édition à dos rond propose en effet une version recolorisée et remasterisée. Mais ce n’est pas tout ! L’histoire d’une vingtaine de pages est accompagnée d’un dossier réunissant les planches originales en fac-similés, des dessins inédits et les commentaires planche à planche de José-Louis Bocquet et Serge Honorez.

Bravo les brothers serait dit-on l’histoire préférée d’André Franquin, peut-être parce qu’elle réunit trois personnage emblématiques de son oeuvre, à savoir le tandem Spirou et Fantasio dont il a repris la destinée en 1946, et le mythique garçon de bureau Gaston Lagaffe, pure création de l’auteur contrairement aux deux précédents. Et c’est une histoire à 100 à l’heure qui nous est ici contée, une histoire qui nous plonge au coeur de la rédaction du journal Spirou. Pour fêter l’anniversaire de Fantasio, Gaston Lagaffe a eu la fabuleuse idée d’acheter un trio de singes savants à un cirque en faillite… Une histoire aussi folle que bestiale à découvrir ou à redécouvrir toutes affaires cessantes ! E.G.

04 Avr

Le Dernier homme, L’extravagante comédie du quotidien (tome 3), de Grégory Mardon. Editions Dupuis. 18 euros.

Grégory Mardon est de retour. Et avec lui un personnage récurrent dans son oeuvre, comme Antoine Doinel dans celle de François Truffaut (voir Corps à corps, Incognito…), un personnage trentenaire, cette fois célibataire et timide. Maladivement timide ! Au point d’être totalement paralysé à l’idée même d’aborder une femme. Combien de fois est-il ainsi passé à côté d’une belle aventure ? Trop. Beaucoup trop. De quoi le regretter amèrement quand la solitude se fait sentir et que sa sexualité se limite à la visite de quelques sites de charme sur le net. Mais un beau jour, Jean-Pierre décide de passer à l’action, de devenir enfin maître de son destin, de sa vie amoureuse. Le voilà donc distribuant à de jeunes inconnues croisées dans la rue un petit mot leur proposant de le rencontrer. Et ça marche ! Matilda, Valérie, Véréna, Isabelle, Elisa, Jennifer, Kadidia, Gladys, aaahh Gladys… et d’autres encore dont on ne connaîtra jamais le prénom répondent positivement à sa proposition. Jean-Pierre à maintenant l’embarras du choix. Et la difficulté est de se décider pour l’une ou l’autre…

Après Les Poils et C’est comment qu’on freine, Grégory Mardon poursuit son exploration de L’Extravagante comédie du quotidien, titre de cette fameuse trilogie aujourd’hui bouclée, avec toujours autant de singularité, de personnalité, de tendresse, de drôlerie, de poésie, de légèreté et de gravité aussi à certains moments. Son trait toujours aussi juste, élégant, souple, nous rappelle forcément le travail d’un Blutch ou encore celui du tandem Dupuy-Berberian. Un récit à la fois intimiste et universel sur la solitude, l’amour, les hommes, les femmes, la vie en somme. Un album à dévorer  ! E.G.

02 Avr

L’affaire Sugaya, de Hiroshi Takano et Kenichi Tachibana. Editions Delcourt. 7,95 euros.

L’homme qui sort de la prison de Chiba en ce matin du 4 juin 2009 est attendu par des dizaines de journalistes. Rien d’étonnant, Toshikazu Sugaya – c’est son nom – vient de passer des années en prison pour une série de meurtres sordides qu’il a avoué mais pas commis. Une erreur judiciaire. La plus grande erreur judiciaire du Japon ! Et parmi les journalistes présents ce jour-là se trouve celui qui est à l’origine de la révision de son procès et donc de sa libération : Kiyoshi Shimizu. Il n’a jamais cru en sa responsabilité. A l’époque des faits, le journaliste était sur la piste d’un tueur en série jusqu’au moment où Toshikazu Sugaya passa aux aveux… sous la torture. Profitant d’un programme spécial et ambitieux lancé par son entreprise, la chaîne de télévision NTV, Kiyoshi Shimizu entreprit une longue et minutieuse contre-enquête qui aboutit donc à la réouverture du  dossier Sugaya et à la démonstration du dysfonctionnement de la justice japonaise.

C’est une histoire vraie que racontent Hiroshi Takano, habitué des récits engagés et politiques, et Kenichi Tachibana que l’on présente comme l’un des mangakas les plus prometteurs de sa génération. Une histoire vraie et captivante à découvrir dans son sens de lecture original. E.G.

01 Avr

Pierre Goldman, La vie d’un autre, d’Emmanuel Moynot. Editions Futuropolis. 24 euros.

Paris, le 20 septembre 1979. Il est midi trente. Un homme vient d’être abattu en pleine rue dans le 13e arrondissement. Son corps gît encore sur le trottoir qu’un commando signant « Honneur de la police » revendique déjà l’assassinat. Cet homme s’appelle Goldman, Pierre Goldman. Un nom qui ne dit absolument rien à la plupart des gens aujourd’hui si ce n’est associé au prénom Jean-Jacques, célèbre compositeur de musique, en l’occurrence son demi-frère. Sa mort fera pourtant la Une du journal Libération le lendemain et son cercueil sera suivi quelques jours plus tard par une foule composée de plusieurs milliers d’anonymes et de quelques célébrités. Parmi elles, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Régis Debray, Daniel Cohn Bendit, Bernard Kouchner… Mais qui était donc Pierre Goldman ? Un intellectuel ? Un truand ? Un militant d’extrême gauche ? Un écrivain ? Un guérillero ? Un meurtrier ? C’est ce que nous propose de découvrir Emmanuel Moynot dans cet album qui débute au moment même de l’assassinat avant de remonter le temps et de nous exposer le cheminement de cet homme au destin particulier.

Et qui mieux que Pierre Goldman pour parler de Pierre Goldman ? Dans ce récit, Emmanuel Moynot a en effet choisi de placer le personnage central en narrateur de sa propre histoire. On est de fait au plus près de lui lors de son voyage à Cuba, lors de son séjour au Venezuela où il rejoindra un groupe de révolutionnaires. On revit son implication militante, ses procès qui le condamnèrent à perpétuité pour meurtres avant qu’il ne soit acquitté. On le suit en prison, on est là lorsqu’il est libéré et ainsi de suite… Mené comme une enquête, le récit d’Emmanuel Moynot est entrecoupé d’entretiens avec des amis de Pierre Goldman, des avocats ou journalistes qui reviennent sur cette époque et nous éclairent sur le personnage. Enfin, en annexe, des textes signés Jacques Rémy et Wladimir Rabi, parus dans la revue Les Temps modernes, reviennent sur son assassinat et son séjour en prison. Un livre très dense, très bien construit, sur un destin romanesque qui, comme l’explique l’auteur dans l’interview vidéo ci-dessous, marque peut-être la fin d’une période, la fin de l’après 68, la fin d’un engagement politique radical ! E.G.

L’info en +

A découvrir le reportage télévisé de l’époque sur l’enterrement de Pierre Goldman ici-même ! Et ci-dessous une interview d’Emmanuel Moynot réalisée par l’éditeur Futuropolis.

25 Mar

Saison brune, de Philippe Squarzoni. Editions Delcourt. 27,95 euros.

C’est un livre riche, dense, qui pourra même paraître âpre à certains. Son titre tout d’abord : Saison brune. Il fait référence à une cinquième saison du côté du Montana, une saison coincée entre l’hiver et le printemps. C’est un indice ! Son auteur ensuite. Philippe Squarzoni. Il a été révélé à un public averti par un dytique paru au début des années 2000 aux Requins Marteaux : Garduno en temps de paix et Zapata en temps de guerre. Dans ce récit, Philippe Squarzoni livre la chronique d’un jeune auteur de bandes dessinées, militant d’Attac, qui s’interroge sur l’état du monde et tente de définir son engagement. Relevant à la fois du documentaire, de l’autobiographie, de l’essai et de la réflexion politique, ce récit en annonce d’autres comme Torture blanche, Crash-text ou Dol. Engagé jusqu’au bout de la plume et des pinceaux, Philippe Squarzoni parle dans ce dernier livre du réchauffement climatique.

« Lorsque j’ai commencé à travailler sur le réchauffement… », confie l’auteur dans une interview réalisée par l’éditeur, « il s’agissait simplement de compléter un des chapitres de Dol, mon précédent ouvrage politique, et d’évaluer l’action de la droite sur les questions d’environnement. Mais assez rapidement, en commençant à me documenter, j’ai réalisé à la fois la gravité du dérèglement climatique que nous avons enclenché, et l’ampleur des changements à effectuer pour éviter les conséquences les plus graves du réchauffement ».

Résultat : un récit de près de 500 pages dans lequel l’auteur nous interpelle, nous alerte, sur l’état du phénomène, ses conséquences, les solutions envisageables, les responsabilités des uns et des autres… Un travail colossal, mené en six ans, un travail à la fois de recherche, de documentation, d’analyse, de rencontre, et de mise en images car Saison brune est bien une bande dessinée. Et de ce côté là, Philippe Squarzoni nous démontre une fois encore sa maîtrise parfaite de la narration et du dessin mais aussi la capacité du médium à faire passer un message. Un auteur militant, une enquête rigoureuse, un album passionnant ! E.G.

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L’info en +

A l’occasion de la parution de Saison brune le 28 mars, les éditions Delcourt rééditent les principaux albums de Philippe Squarzoni publiés jusqu’ici aux Requins marteaux, à savoir Garduno en temps de paix, Zapata en temps de guerre, Dol et Torture blanche.

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