06 Mar

Furari, de Jirô Taniguchi. Editions Casterman. 16 euros.

Un sentiment de douceur, de sérénité, de bien-être, de volupté. Voilà ce que beaucoup de fans de Jirô Taniguchi, auteur notamment de Quartier lointain et de L’Homme qui marche, disent éprouver en lisant ses albums. Et celui-ci ne devrait pas déroger à la règle. Furari, qui signifie en japonais « au gré du vent » nous entraîne dans le Tokyo d’hier pour des flâneries géométriques en compagnie d’un homme d’une cinquantaine d’années, un homme qui n’évoquera absolument rien aux Européens mais que les Japonais identifieront comme étant Tadataka Inô. Célèbre géomètre et cartographe du début du  XIXème siècle, Tadataka Inô est à l’origine de la première carte du Japon réalisée avec des techniques et des instruments modernes. Dans les pages de cet album, pas après pas, calmement, rigoureusement, l’homme mesure ses déplacements tout en nous ouvrant les portes de son univers poétique fait de mille émerveillements, ici les libellules et les lucioles, là les cieux étoilés et les clairs de Lune, plus loin les cerisiers en fleur et les feuilles de bambous qui bruissent sous le vent. Un voyage immobile dans le temps et dans l’espace magnifié par le trait délicat et dans le même temps puissamment évocateur, envoûtant, de l’immense Jirô Taniguchi, l’un des maîtres incontestés du Neuvième art, nommé chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par le ministre de la culture en juillet 2011 ! E.G.

02 Mar

Ric remix, de David Vandermeulen, d’après Tibet et A.-P. Duchâteau. Editions Le Lombard. 15,95 euros.

Un remix ! A la manière d’un remix musical. Sauf qu’ici, ce sont des images qui sont remixées, réorganisées, détournées. Aux platines, ou plus exactement aux ciseaux, un artiste très connu dans le milieu culturel underground belge et dans le microcosme des éditeurs de BD indépendants, David Vendermeulen. Et dans le rôle du héros remixé, Ric Hochet, 46 années de bons et loyaux services, 78 aventures au compteur et autant d’albums, des centaines de planches, des milliers de vignettes… des vignettes, justement, que David Vendermeulen se réapproprie ici pour nous offrir une histoire inédite en les réorganisant ou en retravaillant les mises en couleurs. Le résultat est plutôt surprenant, voire  déroutant. Il s’agit d’un détournement artistique qui s’est fait avec l’accord et même le soutien de Tibet et de Duchâteau, un détournement qui prend toute sa valeur dans les illustrations pleine page, couverture comprise, qui bien évidemment nous ramènent à Roy Lichtenstein et Andy Warhol. De la BD façon pop art. Très original ! E.G.

01 Mar

Interview express de Rémi Gourrierec, auteur de Big crunch aux éditions Delcourt

© Chloé Vollmer-Lo

Né en région parisienne, Rémi Gourrierec est aujourd’hui nantais. Big crunch est sa première contribution à la bande dessinée. Une série prévue en six volumes autour d’un super-héros nommé Cosmos.

Un super-héros de plus me direz-vous ? Pas du tout, Cosmos est un super-héros français, oui Madame, qui pourrait bien sauver la planète d’une conclusion funeste. Un auteur nantais, un super-héros français, une bande dessinée inspirée par le comics, le manga et la BD franco-belge… il n’en fallait pas plus pour que nous ayons envie de lui poser quelques petites questions…

 

Quels ont été vos premiers coups de cœur BD?

Rémi Gourrierec. Johan et Pirlouit (Peyo) au primaire, Akira (Katsuhiro Otomo) et Le Grand pouvoir du Chninkel (Van Hamme et Rosinski) au collège, Lapinot (Lewis Trondheim) et les livres de l’Association au lycée.

Quelle a été leur influence sur votre travail ?

R.G. Ce sont des BD jalons comme je pourrais en citer une dizaine d’autres dans mon parcours de lecteur. En tant qu’auteur aujourd’hui, elles me rappellent que l’on peut raconter des histoires prenantes quel que soit le sujet ou le style.

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retrouvez la chronique de l’album ici-même !

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Comment qualifiez-vous votre propre style ?

R.G. Graphiquement, entre la « nouvelle BD » franco-belge type Poisson Pilote et les mangas pour ados. Narrativement, j’accorde beaucoup d’importance au rythme. Pas pour noyer le lecteur sous des tonnes d’actions, mais plutôt pour jouer les montagnes russes, en gérant avec attention les temps forts et les respirations.

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projet de couverture

Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce premier album ? Et votre sentiment à sa sortie?

R.G. J’avais en tête cette image d’enfants qui découvrent leur père habillé en super-héros inconscient dans leur cuisine. Tout le reste a découlé des enjeux énoncés par cette simple scène. Je ne suis pas forcément fan des récits de super-héros et du coup, je crois, ça m’aide à proposer quelque chose d’un peu déviant sur ce sujet. J’ai beaucoup appréhendé la sortie du premier tome, mais finalement elle m’a permis de gagner en sérénité sur le suivant. Il est déjà bien avancé et ça aurait été difficile de ne pas tout remettre en question si je n’avais pas eu au moins ces quelques retours enthousiastes de libraires et de lecteurs.

Comment perceviez-vous le monde de la BD avant la sortie de votre album et aujourd’hui ?

R.G. Déjà ado, ça me paraissait plus être un univers d’artisans que de stars, peut-être grâce à la proximité apportée par les festivals et les séances de dédicaces. Et effectivement les rapports avec les autres auteurs et les éditeurs sont très simples pour peu que l’on accepte de n’être qu’un parmi d’autres.

Quels sont vos projets ?

R.G. Dans un premier temps, boucler cette série sans laisser trop de délai entre chacun des 6 tomes prévus. En parallèle, j’espère pouvoir lancer un ou deux projets en tant que simple scénariste avec d’autres dessinateurs. Énormément d’envies mais peu de temps.

Propos recueillis par mail le 28 février 2012 – Eric Guillaud

29 Fév

Cosmos ne répond plus, Big Crunch (tome 1), de Rémi Gourrierec. Editions Delcourt. 13,95 euros.

Quel petit garçon n’a jamais rêvé de voir son père enfiler un costume de super-héros, se jeter du haut d’un building et voler au secours de tous les opprimés du monde ? Pour Virgile, oscar et Elias, la réalité a dépassé les rêves les plus fous lorsque leur père, qu’ils croyaient jusqu’ici simple chauffeur de bus, a révélé par accident sa véritable identité. L’homme s’appelle en fait Cosmos et se bat depuis quelques temps contre des phénomènes étranges qui menacent la planète. Et lorsque Cosmos disparaît mystérieusement, Virgile, Oscar et Elias tentent de prendre la relève. Mais tout le monde n’a pas l’étoffe d’un super-héros et les reins assez solides pour sauver le monde du big crunch.

Mais qu’est-ce que le big crunch vous demandez-vous ? Une super tablette de chocolat ? Pas vraiment, selon Wikipédia, le big crunch désigne « l’effondrement de l’univers à la fin d’une phase de contraction symétrique de la phase d’expansion faisant suite au Big Bang ». Pour faire simple, il s’agirait d’un Big Bang à l’envers. La menace est donc sévère…

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Découvrez l’interview de l’auteur ici

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Transfuge du monde de la communication, le Nantais Rémi Gourrierec signe ici son premier album BD, un récit imprégné de ses multiples influences et notamment du manga (pour le dessin et la narration), du comics (pour la thématique du super-héros) et de la bande dessinée franco-belge (pour les décors, l’environnement, les personnages bien de chez nous et pour la mise en page de certaines planches). Une série croustillante, à la fois légère et rythmée, prévue en six volumes dans la collection Shampooing ! E.G.

Le blog de l’auteur

27 Fév

Cinq questions à… Philippe Girard, auteur de Rewind aux éditions Glénat Québec

Auteur d’une dizaine d’albums parmi lesquels Jim le Malingre, Danger public ou encore Tuer Vélasquez, le Québécois Philippe Girard nous revient en ce début d’année avec Rewind, un récit construit autour d’un étonnant jeu d’écriture et enveloppant le lecteur dans une atmosphère de polar. Rencontre…


Quels ont été vos premiers coups de cœur BD ?

Philippe Girard. Gotlib et Hergé, sans doute. Ensuite Baru et Avril quand j’ai été plus vieux.
Quelle a été leur influence sur votre travail, sur votre démarche ?

P.G. Du premier, je retiens le désir d’égratigner et du second, un amour pour la ligne claire. Côté démarche, je suis vraiment partagé entre la méthode Hergé (très planifiée et bien organisée) et le côté un peu bordélique de Gotlib. J’ai tendance à osciller entre les deux selon le projet que je mets en chantier.

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retrouvez la chronique de l’album ici-même

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Comment qualifiez-vous votre propre style ?

P.G. Végétarien garni avec extra olives noires.

Quel a été l’élément déclencheur de votre album Rewind ?

P.G. En fait, c’est un livre qui clôt un cycle. Il y a quelques années, mon meilleur ami est mort d’un cancer et c’est un événement qui a eu une grande incidence sur mon travail d’auteur. Son décès a fait entrer la mort dans mon imaginaire. Les quatre livres que j’ai faits par la suite étaient tous placés sous le signe de la mort. Avec Rewind, j’ai enfin l’impression de m’être libéré de cette emprise au point où je peux enfin en rire.


Quels sont vos projets ?

P.G. L’année dernière, j’ai eu la chance d’être invité en résidence d’auteur à Bordeaux. Pendant mon séjour, j’ai adapté une anecdote tirée du journal personnel de ma grand-mère. Tout ça se déroule dans les années 30 à Québec. Avec l’éditeur, nous sommes en train de mettre la touche finale au livre, qui partira chez l’imprimeur dans quelques semaines. Autrement, j’ai passé les derniers mois à travailler sur un nouveau projet qui a pour thème la musique. C’est très emballant ! Ce sera un projet en deux tomes et en couleurs.

Propos recueillis par mail le 26 février 2012 – Eric Guillaud

25 Fév

Rewind, de Philippe Girard. Editions Glénat. 12,25 euros.

Imaginez un homme marchant dans la foule, deux tueurs à ses trousses qui lui tire dessus. Pour leur échapper, l’homme ne voit qu’une solution : se jeter dans les bras d’une jeune femme inconnue. Mais laquelle choisir ? La  petite grosse du genre complexée ? La grande lunatique à lunettes ? L’accro du téléphone portable ? Ou celle qui paraît le plus ordinaire possible ? Du choix qu’il fera dépendra sa survie…

Publiée dans la collection Glénat Québec, Rewind est une bande dessinée conceptuelle bâtie sur une succession de retours en arrière, nous offrant à chaque fois un angle différent en fonction du choix de la jeune femme chargée de sauver la peau du personnage principal et une remontée progressive vers la genèse de l’histoire. Philippe Girard, auteur québécois notamment responsable de Tuer Velasquez chez Glénat Québec ou encore de Danger public aux éditions La Pastèque, signe un récit singulier qui débute par une référence à la chanson de Neil Young « I’ve been waiting for you » : « I’ve been looking for a woman to save my life ». Un auteur à découvrir ! E.G.

Visitez le blog de de l’auteur

20 Fév

MetaMaus, d’Art Spiegelman. Editions Flammarion. 30 euros.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Art Spiegelman n’avait jamais envisagé le succès. Il pensait même que son œuvre serait appréciée à titre posthume ! On connaît la suite. Publié dans la revue Raw de 1981 à 1991, puis en album en 1986 et 1991, Maus recevra notamment le Prix Alfred du meilleur album étranger à Angoulême en 1988, le prix Alph’Art du meilleur album étranger en 1993 et le prestigieux prix Pulitzer en 1992 ! Résultat : des millions d’exemplaires vendus, des traductions dans le monde entier, des planches exposées dans les musées et un auteur, Art Spiegelman, mondialement consacré, au point de le rendre prisonnier de son œuvre…

30 ans après son lancement dans les pages de Raw, 25 ans après sa première parution en album, Maus est de nouveau sous les feux de l’actualité avec la parution de MetaMaus, un livre-DVD tout à fait remarquable tant par sa conception que par l’éclairage nouveau qu’il apporte sur le chef-œuvre d’Art Spiegelman. Le DVD, tout d’abord, propose une version numérisée des deux volumes de Maus, chaque planche pouvant être accompagnée par son brouillon, des esquisses ou des extraits sonores. Différents documents, des sources et des commentaires complètent cette offre numérique. Quant au support papier, MetaMaus réunit une série de conversations enregistrées avec Hillary Chute, professeur à l’université de Chicago. On y apprend bien évidemment comment Art Spiegelman a imaginé et réalisé Maus, comment il a vécu l’immense succès du livre, comment sa famille l’a elle-même vécu, pourquoi Art a représenté les juifs sous forme de rongeurs et les nazis en chats, pourquoi le livre a parfois soulevé la polémique. On y parle de la bande dessinée, de son choix pour ce médium, des techniques graphiques employées sur Maus… Un échange particulièrement dense sur près de 300 pages, accompagné d’une riche iconographie. En complément : l’arbre généalogique de la famille Spiegelman, la transcription d’entretiens avec son père, une chronologie, un index… Un ouvrage aussi fascinant et exigeant que Maus ! E.G.

Pour ceux qui n’auraient pas lu ce chef-d’œuvre, Maus traite de l’holocauste et est à la fois bâti à partir de l’histoire du père d’Art Spiegleman, déporté à Auschwitz, et des relations entre les deux hommes.

L’info en +

La bibliothèque du Centre Pompidou accueillera du 21 mars au 21 mai 2012 l’exposition consacrée à Art Spiegelman et présentée en avant-première au Festival international d’Angoulême en janvier dernier.

Plus d’infos sur le site du Centre Pompidou

18 Fév

Les 1001 BD qu’il faut avoir lues dans sa vie. Editions Flammarion. 32 euros.

La Nuit de Philippe Druillet, La Ballade de la mer salée d’Hugo Pratt, Mr Natural de Robert Crumb, Krazy Kat de George Herriman, Berlin la cité des pierres de Jason Lutes, Habibi de Graig Thompson, Palestine de Joe Sacco, Spirou le journal d’un ingénu d’Emile Bravo… Voici quelques uns des 770 albums répertoriés dans cet ouvrage de la collection 1001 réalisé sous la direction de Paul Gravett, coordonné par Nicolas Finet et préfacé par Benoît Peeters. 770 BD qui attestent de la richesse incroyable et de la diversité sans fin de ce médium mais aussi de sa capacité à se renouveler, à s’adapter, à explorer de nouveaux territoires, à survivre au cinéma, à la télévision et à internet.

Pour établir cette liste qui couvre plus de 170 ans d’histoires (de 1837 à 2011), Paul Gravett et Nicolas Finet se sont entourés de 67 grands spécialistes du genre originaires de 27 pays. Chaque BD sélectionnée est replacée dans son contexte de création avec un mot sur le style de l’auteur et sur son œuvre, offrant au final un large panorama d’un art résolument majeur. Un ouvrage sérieux et utile pour tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la bande dessinée ! E.G.

En vente le 14 mars

Congo-océan, de Loïc Malnati. Editions Glénat. 19,50 euros.

Brazzaville, 1934. L’esclavage a été aboli depuis longtemps. Ce qui n’empêche pas les employés noirs qui travaillent sur le chantier du chemin de fer Congo-océan d’être traités comme des moins que rien, humiliés, frappés et abattus à la moindre rébellion. Le sort de la faune locale n’est pas plus enviable. Les chasseurs blancs sont sans pitié allant jusqu’à massacrer les calaos, ces admirables oiseaux connus pour leur fidélité en amour. Et au milieu de ce monde de brutes, une fleur, Lisa, fille d’un puissant négociant colonial, amoureuse des animaux et amoureuse d’un homme, Paul, forcément différent de tous ces colons. Trop différent…

Direction l’Afrique noire pour ce récit de Loïc Malnati et cette très belle histoire d’amour contrariée par le poids colonial. Auteur notamment de Wounded chez Bamboo, d’Anahire pour Delcourt ou encore de la série Du plomb pour les garces aux éditions Soleil, Loïc Malnati, habitué à explorer un large champ de graphismes, se tourne aujourd’hui vers une simplification de son trait, un dessin au contour épais, des couleurs qui se limitent à des à plats, « Une ligne claire la plus radicale possible qui tend à universaliser le propos graphique », explique-t-il sur son blog. E.G.

Le blog de Loïc Malnati

17 Fév

Graine de champion, Le Roi du ring (tome 1), de Gigault et Rolland. Editions Dargaud. 13,95 euros.

Tobias n’a que dix ans lorsqu’il découvre l’univers du catch et en devient complètement amoureux. Son destin est dès lors scellé. Il se jure de devenir champion du monde de la discipline. Commence alors pour lui un long et difficile parcours rythmé par les entrainements, les coups, les blessures et les colères de sa mère qui ne voit dans le catch que violence et vulgarité. Mais très vite, l’enfant grandit, acquiert le physique et le mental d’une graine de champion. Il rejoint les rings japonais où il tombe une deuxième fois amoureux, d’une jeune fille cette fois, une jeune et jolie japonaise dont le père est yakusa…

Une bande dessinée dans l’univers du catch ! C’est suffisamment rare pour être signalé.  Et ce n’est pas la seule particularité de ce titre. Graine de champion est en effet l’un des premiers albums à être publié dans le cadre de My Major Company BD, une plateforme d’échange et de partage qui permet à de jeunes auteurs de bénéficier du soutien d’internautes passionnés et de grands éditeurs. A l’arrivée, Le Roi du ring premier des deux tomes prévus, est plutôt agréable à lire. Les personnages sont attachants, le graphisme et les couleurs sobres et efficaces.  Un premier album – et un sport – à découvrir chez Dargaud. E.G.

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