03 Mar

Papier froissé : une histoire de destins croisés dans l’Espagne contemporaine signée Nadar

papier-froissc3a9-nadar-futuropolis-couverture1Pas loin de 400 pages ! Pour un premier livre, Nadar ne fait pas dans la demi-mesure. C’est énorme et en même temps Papier froissé, c’est son titre, se lit quasi d’un trait tant l’envie est pressante de savoir où l’auteur veut nous emmener.

L’histoire ou plus exactement les deux histoires que nous suivons dans les pages de ce livre prennent vie dans l’Espagne contemporaine, une Espagne en crise où l’argent et le travail ne courent pas franchement les rues, où la démerde est érigé en système économique, où l’illégal est parfois le seul moyen de survie. Deux histoires donc, d’un côté celle d’un jeune adolescent de 16 ans, Javi, qui préfère jouer les petits caïds que d’aller à l’école, monnayant ses services à quelques lycéens et étudiants. Son rêve : acheter un piano à queue. De l’autre, un homme, Jorge, solitaire, triste, dont le seul bien matériel est une Fiat Panda hors d’âge. Il débarque un beau jour dans la ville, trouve un petit boulot dans une menuiserie industrielle et s’installe à la pension Les Chevaux. Aucun rêve pour sa part. L’un et l’autre n’ont à priori rien en commun. Pourtant, dès le début du récit, on peut imaginer qu’ils partagent un passé et des souvenirs douloureux. Et ce passé, justement, pourrait bien ressurgir lorsque la Fiat Panda de Jorge se retrouve taguée. Devant, derrière, sur les côtés, le mot « lâche » s’affiche au regard de tous…

La crise, la solitude, l’exclusion sociale, l’homophobie… L’air de rien, Nadar nous parle de la société d’aujourd’hui avec un récit universel où se croisent des hommes et des femmes qui n’ont pas vraiment pris ou pu prendre leur destin en main. Les uns et les autres cherchent juste à vivre, parfois à survivre, emportés par le quotidien. C’est à la maison des auteurs à Angoulême que l’auteur s’est installé afin de réaliser Papel estrujado, Papier froissé. Un premier livre très réussi qui ne peut que marquer les esprits ! 

Eric Guillaud

Papier froissé, de Nadar. Editions Futuropolis. 29 €

© Futuropolis / Nadar

© Futuropolis / Nadar

48H BD 2015 : quand BD rime avec BA !

Capture48HBD

Une bande dessinée emportée, une bonne action assurée !

L’opération 48H BD fait son retour les 3 et 4 avril prochains un peu partout en France et en Belgique. Le concept n’a pas changé, il est juste renforcé. 12 éditeurs participent cette année à l’opération proposant chacun une bande dessinée à 1 euro, oui oui vous avez bien lu, 1 euro. Parmi les titres disponibles, Le top du Chat de Geluck, Lucien Père et fils de Margerin, Holmes de Cecil et Brunschwig, Alerte aux Zorkons de Yoann et Vehlmann…

En tout, 216 000 BD seront proposées à ce prix ridicule. Mais 48H BD, c’est aussi des séances de dédicaces, une centaines sur les deux jours, des animations, des rencontres dans les écoles et bibliothèques et en guise de nouveauté une bonne action. Les revenus générés devraient permettre en effet d’offrir des BD, 50 000 selon les organisateurs, à des écoles, collèges, lycées et bibliothèques…

Plus d’infos ici

01 Mar

Drink a LOL de Thom J. Tailor et Ookah : quand l’imbuvable n’est pas seulement au fond du verre

Couv_234822« Des collants qui ne filent pas, ça serait un soulagement énorme pour nous, les femmes. Si ça vous aide à la fermer un peu, ça serait un soulagement énorme pour nous, les hommes ».

Quitte à être imbuvable, autant l’être complètement. Et là-dessus, aucun doute, le protagoniste principal de cette bande dessinée publiée aux éditions Marabout l’est au-delà de toutes limites connues. Misogyne, misanthrope même, cynique, méchant, suffisant, il balade son physique de jeune premier du cinéma des années 30 dans une série de strips, avec toujours un verre à la main et la réplique qui flingue. Un espèce d’alcoolique mondain psychologue, oui oui, mais sans une once de psychologie, le genre de gars qu’on peut très vite regretter d’avoir rencontrer.

Mais d’où sort ce type me direz-vous ? D’un blog lancé en 2011 par Thom J. Tailor, un auteur bien sous tous rapports qui orienta ses études vers un cursus de psychologie et obtint au final un master 2 psychologie clinique et psychothérapie. Autant dire qu’il connaît le monde des psychologues.

Mais il n’est pas seul sur l’affaire. Ookah, jeune graphiste spécialisée dans le print et le packaging produit, débarque dans l’aventure en 2012 pour en assurer la direction graphique.

Résultat des courses, 500 et quelques strips plus tard, l’odieux psychologue débarque dans le monde de la BD version papier. Un petit livre à déguster sans modération entre deux coupes. Divinement génial !

Eric Guillaud

Drink a lol, de Thom J. Tailor et Ookah. Editions Marabout. 17,95 € 

De Tintin à La Vache qui rit, mais qui est donc Benjamin Rabier ? Une exposition rend hommage à l’illustrateur à Moulins

DR

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Il se cache derrière La Vache qui rit et le sel La Baleine, il a créé Gédéon le canard au long cou et inspiré Hergé. A Moulins, une exposition rend hommage à l’illustrateur Benjamin Rabier dont le coup de crayon est passé à la postérité.

La rétrospective « Il n’y a pas QUE la vache qui rit » se tient jusqu’au 31 août 2015 au Musée de l’Illustration Jeunesse (MIJ) à Moulins. Elle réunit une foisonnante collection de dessins originaux, objets, jouets, meubles et autres affiches publicitaires de ce pionnier de la bande dessinée et du dessin animé.

La suite ici

Claude Bouchet avec AFP

28 Fév

Jean Valhardi en intégrale chez Dupuis : c’est parti !

Capture d’écran 2015-02-28 à 16.14.20Il ne fait peut-être pas partie des héros les plus populaires du journal Spirou, tout de même, Jean Valhardi eut son heure de gloire pendant la Seconde guerre mondiale et dans les années 50/60 avec notamment Jean Doisy, Jean-Michel Charlier et Philip au scénario, Jijé et Eddy Paape au dessin.

C’est en 1941 que Jean Valhardi fait son apparition dans les pages du journal Spirou. En pleine guerre. En pleine occupation allemande. A cette époque-là, rappellent Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault dans une longue et passionnante introduction, les vedettes « avaient pour nom Superman, Bill l’Albatros, Red Ryder, Tif et Tondu, Trinet et Trinette, Brick Bradford et, bien entendu, Spirou. Mais, tandis que le jeune groom avait été conçu comme porte drapeau du journal… », poursuivent-ils, « son succès n’était pas encore à la mesure des attentes de la rédaction ». Pour différentes raisons ! La plus notable étant sans conteste que les héros américains permettaient aux jeunes lecteurs belges et français de s’échapper de la vieille Europe en guerre. Avec l’invasion de la Belgique et la raréfaction des séries américaines, le journal dut impérativement trouver des remplaçants, « des ersatz locaux qui n’auraient pas à craindre la censure allemande ».

Jean Valhardi, en véritable héros, moderne, courageux, tel un grand frère idéal adulé par de nombreux enfants, vécut ses premières aventures jusqu’à l’interdiction du journal par les Allemands en septembre 1943. Il fût de retour dès la Libération et traversa les années 50 sans encombre avant de disparaître de la circulation au milieu des années 60 et de réapparaître une dernière fois, le temps de quatre albums, dans les années 80.

Ce premier volume de l’Intégrale Jean Valhardi réunit les aventures publiées dans les albums Jean Valhardi détective et Valhardi II en version intégrale et restaurée. Un très bel album pour les amoureux du Neuvième art et de son patrimoine !

Eric Guillaud

L’Intégrale Valhardi 1941-1946, de Jean Doisy et Jijé. Editions Dupuis. 35 €

23 Fév

Quand vous pensiez que j’étais mort : Matthieu Blanchin témoigne des 10 jours qu’il a passé dans le coma

IMG_1030Je dois vous l’avouer, pour des raisons personnelles, j’ai eu du mal, beaucoup de mal, à me jeter dans cette histoire.

Peut-être la trouille de revivre une sombre période de ma vie, la perte d’un ami tué par une pu*** de tumeur au cerveau. C’était en 2004. Mais toutes les histoires sont différentes. Et celle de Matthieu Blanchin a fini par m’interroger, m’intriguer. L’auteur de la fabuleuse biographie en BD de Calamity Jane avec Christian Perrissin raconte ici son quotidien dans le coma suite à un accident cérébral provoqué par une tumeur au cerveau. Dix jours de coma et des souvenirs qu’il met quelques années plus tard en images. Des souvenirs qui équivalent, explique-t-il, « à 3 ou 4 années de tribulations diverses » : voyage au Canada, enlèvement de sa fille Jeanne, errance en Australie, emprisonnement dans un placard de l’aéroport de Sydney, séjour de plusieurs mois dans une cave, enrôlement forcé dans un camp de blessés serbo-croate…

C’est un peu le big bang dans sa tête et dans son corps : « Je pressens l’agonie tout en me sentant toujours plein de vigueur. Comment dire ces moments d’effondrement ? Aujourd’hui encore, les souvenirs sont si nets… Si crûment ambivalents … Je m’obstine … Je m’agrippe une dernière fois ?… Là, je me souviens comment je suis écartelé, puis méticuleusement déchiré. Les lambeaux de moi s’éparpillent… »

Les souvenirs sont violents, terrifiants, la mise en images l’est tout autant. Mais au delà de la période de coma, Matthieu nous raconte comment il s’est sorti de toute cette affaire, les crises d’épilepsie, les traitements médicaux lourds, la récidive quelques années plus tard, les journées rythmées par les rendez-vous médicaux, son incapacité à reprendre le dessin, l’amour de ses proches, sa fille Jeanne, son retour parmi les vivants…

Le livre de Matthieu Blanchin peut effrayer et éloigner une partie des lecteurs de BD mais le témoignage qu’il apporte dans ses pages est sans équivalent. Comme lui, on ne peut ressortir indemne de l’expérience. C’est toute la force de son livre et toute la force du médium bande dessinée…

Eric Guillaud

Quand vous pensiez que j’étais mort, de Matthieu Blanchin. Editions Futuropolis. 24 €

© Futuropolis / Blanchin

© Futuropolis / Blanchin

21 Fév

Explicite, carnet de tournage : Olivier Milhaud et Clément C. Fabre nous entraînent dans les coulisses d’un film porno

IMG_1026Peut-on jouer dans un film pornographique sans avoir à se déshabiller ?

Apparemment oui, Olivier Milhaud l’a fait et nous le raconte dans Explicite, carnet de tournage. Il faut dire qu’Olivier Milhaud n’est pas un acteur porno. En fait, il n’est pas du tout acteur. Alors, comment s’est-il retrouvé sur le tournage de Mangez-moi me direz-vous ? Tout simplement par amitié pour le réalisateur de films X, John B. Root, qui lui a demandé de jouer le rôle d’un policier… en habit. Et pendant les longues périodes d’attente entre deux scènes, notre scénariste de bande dessinée jeunesse a pris des notes, peut-être fait quelques croquis, de ce qui se passait, ce qui se disait, dans les coulisses du tournage.

A l’arrivée, Explicite, carnet de tournage n’a rien d’un livre pornographique, bien au contraire. Olivier Milhaud et Clément C. Fabre, qui a mis l’histoire en images, nous racontent cette expérience peu ordinaire avec beaucoup d’humour et de pudeur. Pas de scènes hard ou même érotiques, donc, mais des dialogues pour le moins savoureux, des situations souvent cocasses, une galerie de personnages truculents, 120 pages qui constituent une espèce de prolongement du film de John B. Root. Le réalisateur écrit en préface à propos de son ami Olivier : « Il a fait son film dans les coulisses, avec le même casting que moi, mais en racontant une toute autre histoire, faite de moments de vie en groupe ».

Un récit absolument drôle, léger, soft et sans préjugés sur le petit monde du porno.

Eric Guillaud

Explicite, carnet de tournage, de Olivier Milhaud et Clément C. Fabre. Editions Delcourt. 16,95 €

© Delcourt / Milhaud & Fabre

© Delcourt / Milhaud & Fabre

17 Fév

Don Quichotte : Rob Davis adapte le classique de Cerventes

Don-QuichotteBDC’est l’un des personnages les plus célèbres de la littérature espagnole. Prononcer son nom suffit à nous remettre mille images en tête, à commencer par ce physique de grand chevalier sec vissé sur un cheval famélique, le bon Rossinante. Don Quichotte de la Manche est un peu le super-héros version 17e siècle, prêt à tout pour défendre l’opprimé en ce bas monde, y compris à se battre contre quelques géants qui ont l’apparence de moulins à vent. Mais ne lui dîtes surtout pas que les chevaliers n’existent plus, il pourrait le prendre très mal. On le dit un peu fada d’avoir justement trop lu de romans de chevalerie et autres récits épiques et fantasques, il y a certainement un peu de ça. Mais Don Quichotte, c’est un peu le grain de folie qui nous permet de supporter un monde de brutes épaisses… Et rien que pour ça on adoooore!

Une adaptation de plus ? Une très belle adaptation signée de l’auteur anglais Rob Davis peu connu de ce côté-ci de la Manche, auteur récemment d’un autre roman graphique, The Motherless Oven. Un très beau projet prévu en deux volumes.

Eric Guillaud

Don Quichotte, de Rob Davis. Editions Warum? 20 €

14 Fév

Les 40 ans d’Emmanuelle Teyras. What the Fuck!

40-ans---what-the-fuck---574149-250-40040 ans et alors ? Même pas mal… ou presque. Certes, la pétillante Emma va devoir se résoudre à enchaîner un frottis, une mammographie et une coloscopie, histoire de contrôler que tout va bien. Elle va aussi devoir expliquer à son médecin généraliste que la pilule, même divorcée, peut lui être utile. Elle va devoir continuer à gérer ses deux enfants, trois si l’on compte son ex qui a une mémoire d’endive au jambon. Elle va enfin devoir se débrouiller seule pour rembourser son crédit et lutter contre la petite déprime qui la guette aux entournures. Mais au fond d’elle-même, Emma sait qu’elle n’est pas encore tout a fait perdue pour l’amour. « I’m back, les gars » prévient-elle. Et elle fait effectivement un retour fracassant en tombant amoureuse de son kiné, un sacré beau gosse mais sacrément marié…

Rien d’absolument indispensable et d’exceptionnellement original mais l’album d’Emmanuelle Teyras parvient à sortir du lot des BD consacrées aux gentilles trentenaires et quarantenaires en mal d’amour avec un récit aussi pétillant et gentiment décalé que son héroïne. On ne s’ennuie pas un instant, on s’amuse, mieux on rit franchement de certaines situations cocasses. En attendant les 50 ans…

Eric Guillaud

40 ans! What the fuck!, de Emmanuelle Teyras. Editions Delcourt. 18,95 €

11 Fév

PDM (Paquet de merde), l’autobiographie d’un éditeur de BD

album-cover-large-25410PDM, Paquet de merde en développé, voilà un titre bien étrange, qui plus-est pour une bande dessinée présentée comme l’autobiographie du fondateur des éditions Paquet. Certes, il y a un jeu de mots à la clé mais au delà de ça, le titre ainsi que l’illustration de couverture, avec tous ces fantômes féminins de dos, semblent bien nous annoncer un récit douloureux.

Et il l’est. Du moins pour l’auteur, Pierre Paquet, qui se livre sans tabou, avec sincérité et une touche de naïveté sur près de 250 pages mises en images par un dessinateur jusqu’ici inconnu en France, Jesús Alonso.

250 pages pour raconter quoi ? Pour raconter un peu la maison d’édition Paquet, pour raconter surtout Pierre Paquet, l’homme, sa vie amicale, sentimentale, amoureuse, sexuelle. Si beaucoup d’amertume, de désillusions, de tristesse semblent s’accumuler au fil des pages, il y a aussi, comme un fil conducteur, beaucoup d’amour pour l’ami d’enfance David et pour le chien Fiston.

Au final, PDM est une autobiographie sans révélations fracassantes, juste l’histoire d’un homme comme les autres, tombé dans le monde de la bande dessinée un peu par hasard et désormais à la tête de la plus grande des petites maisons d’édition. « En entamant la rédaction de PDM… », confie-t-il au site Actua BD, « je me suis rendu compte que si je parlais des coups professionnels que j’avais reçus dans la gueule, alors ce livre ne serait plus qu’haine et règlement de compte. J’ai préféré le construire d’anecdotes qui mettent en lumière mes difficultés personnelles plutôt que ma vie professionnelle »

Eric Guillaud

PDM (Paquet de merde), de Pierre Paquet et Jesus Alonso. Editions Paquet. 19 €