23 Nov

Seule l’ombre : êtes-vous prêt.e.s à éteindre la lumière ?

Dans la droite ligne des anthologies d’histoires courtes d’horreur si répandues outre-Atlantique, un trio de Français s’amuse à nous parler de ces monstres cachés sous notre lit ou dans nos placards et qui nous font si peur. Souvent à raison !

Rurik Sallé est un drôle de personnage. Un marlou auraient pu dire certains : acteurs de films d’horreur (mais aussi de Groland !), journaliste, ancien pilier des rédactions de Mad Movies et du collectif Distorsion, musicien… Le point commun entre toutes ces activités ? Le goût de l’interdit, du fruit défendu ou du petit-machin-sur-lequel-on-ne-réussit-pas-à-mettre-le-doigt-mais-qui-gène-quand-même… Donc forcément lorsqu’il s’allie avec un autre scénariste aguerri aimant lui aussi le hors-piste (Corbeyran) et un dessinateur fan d’horreur et de fantastique (Paskal Millet), cela donne Seule L’Ombre.

Soit dix histoires, dix petits contes assez courts (entre dix et quinze pages) et toujours très cruels ne finissant jamais bien. Leur modèle ? Les magazines d’horreur américains des années 50, 60 et 70, tous ces titres encore aujourd’hui révérés par les toqués du genre (Creepy, Man In Black, Scream, Tales From The Crypt, Tomb Terror etc.) qui ont rivalisé d’inventivité pour en peu de pages raconter des saynètes plus morbides les unes que les autres.

© Komics Initiative / Corbeyran, Rurik Sallé & Paskal Millet

Seule L’Ombre ne pourrait donc être qu’un simple exercice de style, réussi d’ailleurs. Mais non. Il va un peu plus loin en proposant une approche plus personnelle. D’abord grâce à une écriture plus ramassée, souvent assez avare en dialogue et où l’issue (fatale, forcément) ne fait jamais doute. Donc même si on lit le tout en sachant pertinemment que tout cela finira mal, on reste sur la page, comme fasciné lorsqu’on regarde, impuissant, un accident de la route se dérouler sous nos yeux.

Et puis graphiquement, Millet ne cherche pas à singer ses aînés américains style Wally Wood, offrant quelque chose à la fois de plus européen et de plus underground, tout en allant parfois assez loin dans la violence graphique, comme par exemple sur « Mélodie Du Supplice ». Oui, un peu comme il existe désormais des films d’horreur ‘à la française’ grâce à des long-métrages comme A L’Intérieur et le traumatisant Martyrs, il se pourrait bien que la bande dessinée bien de chez nous accouche, à son tour, d’un style bien à elle…

Olivier Badin

Seule L’Ombre de Corbeyran, Rurik Sallé & Paskal Millet. Komics Initiative. 23€

Pour les curieux, une interview de ses trois créateurs…