Nous l’avions laissé du côté de Cordoue en Espagne à la recherche d’un trésor, on le retrouve cette fois à Venise. Pas de fables au programme, mais une sombre histoire de trafic d’armes qui va entrainer notre iconique Corto Maltese vers de nouveaux territoires…
Il n’y a pas vraiment de début dans les aventures de Corto Maltese. Pas vraiment de début, et pas vraiment de fin. Il faut l’accepter, accepter qu’un récit s’ouvre sur un bateau pas très loin de Tokyo avec un Corto venu prêter main forte à quelques pseudo-pirates, qu’il se poursuive dans le fond d’une mine au Pérou avec les membres d’une secte ultra-nationaliste, que l’on croise Raspoutine et une bande de narcos au cœur de la jungle, que l’on fasse un bout de chemin en bus avec une bande de féministes psychédéliques, tout ça pour finir dans la grande mosquée de Cordoue.
Pas de début et pas de fin, mais toujours un but pour Corto : fuir quelqu’un ou chercher quelque chose, quelque chose qui n’existe pas, un trésor par exemple. Une tête d’or.
C’était le cas dans Océan Noir, le premier album réalisé par le tandem Quenehen- Vivès publié en 2021, c’est toujours le cas avec ce nouvel opus baptisé La Reine de Babylone.
Cette fois, Corto est à Venise. Mais pas pour nous raconter des fables, non, Corto trempe encore dans un mauvais coup avec des pirates bosniaques venus soustraire l’argent d’une transaction d’armes entre Serbes et Irakiens. Le genre d’entreprise compliquée et dangereuse qui se soldera une nouvelle fois par la fuite. Direction Sarajevo où notre marin trouvera hospitalité chez les Tziganes. Un temps ! Avant de repartir une nouvelle fois pour un rendez-vous avec la reine de Babylone…
Là est l’esprit de Corto Maltese, dans ce mouvement permanent, dans ces rencontres, dans ces confrontations avec des cultures différentes, parfois opposées. La Reine de Babylone est de ces grandes aventures qui peuvent modifier notre vision du monde, avec une nouvelle fois un casting de premier ordre, des femmes, beaucoup de femmes, qui mènent la danse comme souvent dans les aventures de notre marin.
Graphiquement enfin, avec le style très singulier de Bastien Vivès, il est inutile de chercher une correspondance avec le trait d’Hugo Pratt, mais c’est justement là tout l’intérêt de cette reprise. Bastien Vivès et Martin Quenehen ont su préserver l’essence des aventures de Corto, l’ADN du personnage, tout en lui assurant une deuxième vie. Avec une ambition : nous offrir une autre perspective de l’œuvre, une réinterprétation, et quelque part un hommage au génie de Pratt. Et très franchement, c’est une très belle réussite !
Eric Guillaud
Corto Maltese, La Reine de Babylone, de Vivès et Quenehen, d’après l’œuvre d’Hugo Pratt. Casterman. Disponible en deux versions, cartonné en édition luxe à 35€, souple à 22€