Ce n’est pas la première bande dessinée qui évoque l’attentat du Bataclan et ce n’est certainement pas la dernière tant l’évènement a marqué les esprits de tout un pays et au-delà. Laurent Duvoux était ce soir-là dans la salle de concerts parisienne avec son meilleur ami. Il en est sorti indemne, son ami est mort…
Se souvenir, retrouver la parole, raconter… Rien d’évident quand on a vécu un traumatisme comme celui-ci. Le 13 novembre 2015, Laurent Duvoux est au Bataclan à Paris en compagnie de son meilleur ami Eric. Le groupe américain Eagles of Death Metal monte sur scène. On connaît tous la suite. Les attentats-suicide au Stade de France, le mitraillage de terrasses dans les 10e et 11e arrondissements de Paris et pour finir l’attaque du Bataclan qui fera 90 morts, des centaines de blessés et combien de traumatisés.
Miraculeusement, Laurent s’en sort indemne. Dans la panique, il appelle Eric sur son portable, une fois, deux fois, dix fois…
« Mais putain, décroche !! »
Personne ne répond et le même message se répète à l’infini…
« Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur d’Eric, merci de laisser un message… »
De cette soirée, de cette tragédie, c’est la seule chose que nous raconte Laurent Duvoux dans ce roman graphique. D’autres l’ont déjà fait ou le feront, en bande dessinée ou à travers un autre médium. Pour l’auteur, l’essentiel était de raconter l’absence de son ami, le deuil et le long travail de reconstruction.
« Je n’ai pas le projet de raconter en détail ce qu’il s’est passé ce soir-là, mais plutôt les souvenirs des jours qui entourent cet événement tragique. En particulier, les rêves dans lesquels je me retrouve confronté à Eric. Des rêves dont je me souviens très précisément chaque matin au réveil ».
Et il le fait à sa façon, sans paroles excessives, mais en images, des images fortes qui se suffisent à elles-mêmes pour évoquer la tristesse, le manque, la solitude, des images qui rappellent son métier premier d’illustrateur pour la presse. Décroche est sa première bande dessinée.
Une œuvre cathartique ? L’album aura sans doute permis à l’auteur de mettre des dessins sur ses maux autant que le morceau de musique Abraham Martin and John dont les paroles figurent en ouverture du livre ont mis des mots. Mais au-delà de son histoire, Laurent Duvoux raconte des sentiments universels qui peuvent avoir une résonance particulière chez beaucoup d’entre nous.
Eric Guillaud
Décroche, de Laurent Duvoux. Robert Laffont. 22,90€