Vous n’avez peut-être jamais lu ou même entendu parler du livre de Robert Tressell paru au début du XXe siècle, alors voici une belle occasion de vous rattraper grâce à la bande dessinée de Scarlett et Sophie Rickard, une formidable adaptation qui montre combien les réflexions développées dans ce livre il y a plus de cent ans sont encore pertinentes de nos jours…
Roman posthume paru en 1914, Les Philanthropes aux poches percées est l’œuvre de l’Irlandais Robert Tressell, écrivain mais également peintre en bâtiment et décorateur qui exerça en Afrique du Sud et en Angleterre, notamment à Hastings.
Livre explicitement politique et socialiste qui inspira et inspire encore aujourd’hui nombre d’auteurs et de politiciens, même s’il est plus souvent recommandé que lu faute à sa densité et parfois sa complexité, Les Philanthropes aux poches percées se vendit à plus d’un million d’exemplaires faisant de lui le premier roman de la classe ouvrière. George Orwell, lui-même, le décrivit comme un morceau d’histoire sociale et un livre que tout le monde devrait lire. C’est dire !
Maintes fois réédité, porté au théâtre, à la radio, à la télévision, le voici aujourd’hui adapté en roman graphique, l’occasion pour nous tous de découvrir les idées développées par Tressell dans une version plus accessible mais fidèle à l’œuvre originale comme le précisent les autrices, les soeurs Scarlett et Sophie Rickard. Un très bel ouvrage de près de 350 pages édité avec soin par les éditions Delcourt en avril dernier qui nous dresse un tableau de la vie sociale, politique, économique et culturelle de la Grande-Bretagne au début du XXe siècle.
On y parle du monde ouvrier, de pauvreté, de religion, de Dieu, du capitalisme, d’oppression du peuple, de résistance, de lutte des classes, d’idéal socialiste… des thématiques qui entrent bien évidemment en résonance avec les questionnements soulevés dans notre société contemporaine.
« Nous avons choisi… », expliquent les sœurs Rickard dans une interview accordée au site Broken Frontier « d’adapter ces histoires en raison de leur pertinence durable et des messages poignants qu’elles contiennent pour les lecteurs modernes. Les histoires ont été écrites il y a plus d’un siècle, mais les thèmes sous-jacents sont tout aussi applicables à nos vies modernes ».
Parfaitement documenté avec la volonté affichée d’être historiquement irréprochable, merveilleusement mis en images avec une galerie de personnages incroyable, un trait réaliste en tout point minutieux et des clins d’œil à l’art graphique de l’époque, Les Philanthropes aux poches percées est une petite pépite qui se savoure page après page, doucement, tout doucement.
Tout commence dans une grande maison bourgeoise en pleine restauration à Mugsborough, petite ville imaginaire. À tous les étages s’échinent des ouvriers peintres sous l’œil d’un patron aucunement philanthrope. Le décor est planté. Au centre, un certain Owen qui va tenter d’éveiller tout ce beau petit monde à la politique et notamment à l’idéal socialiste…
Eric Guillaud
Les Philanthropes aux poches percées, de Scarlett et Sophie Rickard d’après le livre de Robert Tressell. Delcourt. 27,95€