Dans un futur pas si lointain de nous et alors que notre monde s’écroule petit-à-petit, les plus grosses fortunes de réfugient dans une île où tout est permis… À condition d’en avoir les moyens.
Le souci avec Billionaire Island si l’on peut dire, c’est que même sous couvert de satire, on se retrouve face à un récit en fait terriblement crédible. Oui, l’année prochaine, le mois prochain, demain même, on imagine très bien tous les milliardaires de ce monde se payer donc une ile privée dans le golfe du Mexique où ne sont admis que ceux franchissant la barre des un millions de dollars par an de revenus et ils peuvent jouir sans aucune contrainte, et surtout pas monétaire. Or l’histoire a beau se passer dans plus de vingt ans, en gros bientôt, tout cela paraît terriblement contemporain. Et puis c’est juste nous ou Rick Canto, le mégalo à l’origine de ce projet fou, a des petits airs d’Elon Musk ?
Terre, 2044. Le monde se meurt : la montée des eaux a créé des millions de réfugiés climatiques, le chômage est au plus haut, la famine guette et la canicule rend petit-à-petit une partie du monde invivable. Est-ce que pour autant les patrons riches à en vomir responsables d’une partie de ce gâchis se remettent en question ? Au contraire, ils fuient tous, direction ‘Freedom Island’ (l’île de la liberté) où ils peuvent manger un steak de viande d’une espèce en voie d’extinction, jouer au golf, se faire masser, bref se faire plaisir sans aucune restriction ni ‘pauvres’ pour leur gâcher l’appétit. Sauf qu’une journaliste têtue et un homme décide à venger à tous prix la mémoire de sa femme et de son fils sont sur le point de gâcher la fête…
Alors oui le trait est outrancier. Et oui, tous les personnages, même les ‘héros’ sont limite caricaturaux. Mais on est bien dans la farce assumée et la satire féroce. Comment sinon qualifier un récit où le big boss de cette cage dorée se révèle au final (attention spoiler !) être… Un chien ? Et puis on préfère rire (jaune) plutôt que de trop s’attarder sur certains dialogues sonnant affreusement justes, comme celui où, cynique, l’un des dirigeants de Freedom Island soutient sans sourciller que les « gens ne veulent pas de la liberté, ni de la justice. Ni Même d’un monde qui a du sens. Tout ce qu’ils veulent, c’est avoir le sentiment que quelqu’un est aux commandes. Ils veulent une prison sans trop d’inconvénients. »
Alors, récit cynique ou véritable appel à la révolte ?
Olivier Badin
Billionaire Island de Mark Russel, Steve Pugh et Chris Chuckry. Urban comics. 17€