Pandémie, guerre, réchauffement climatique, montée des extrêmes… On a tous d’excellentes raisons de rêver d’un autre monde pour demain. Mais qui nous dit que le futur sera plus enviable ? Ces dix nouveautés SF nous dessinent quelques futurs possibles qui ne sont pas forcément réjouissants…
Imaginez un monde où tous les réseaux sociaux, tous les disques durs du plus gros serveur à la plus petite clé USB, toutes les données, toutes les archives, toute la mémoire du monde, ont disparu. Comme ça, d’un coup. C’est l’histoire de Bug, un récit d’Enki Bilal dont le troisième volet vient de sortir. Un Bug Numérique Généralisé avec une conséquence directe et immédiate : l’humanité est dans la merde ! Oui, dans la merde, avec la résurgence de figures et d’idéologies du passé, celles qui ont mis à feu et à sang notre planète au XXe siècle. Et dans cette merde, Kameron Obb, unique survivant d’une mission sur Mars, navigue à vue, tant il est l’objet de toutes les convoitises pour avoir développé une hypermnésie singulière, comme si toutes les données numériques, toute la mémoire du monde avaient migré dans son cerveau. Une série incontournable ! (Bug tome 3, de Bilal. Casterman. 18€)
Après Centaurus et Europa, les auteurs Leo et Rodolphe poursuivent leur exploration du futur avec le premier volet d’une série tout simplement baptisée Demain. Pas de voyage dans l’espace pour le moment mais un va et vient entre deux périodes, les années 50 d’un côté et un futur proche post-apocalyptique de l’autre, avec à chaque période son adolescent, Jo dans le passé et Fleur dans le futur. Rien ne les réunit pour le moment, rien sauf leurs rêves respectifs. Un premier album très mystérieux qui ouvre agréablement l’appétit. À suivre… (Demain Acte 1, de Leo, Rodolphe et Alloing. Delcourt. 13,50€)
Après la trilogie TER, Rodolphe au scénario et Christophe Dubois au dessin poursuivent leur collaboration avec TERRE. Les deux premiers tomes sont d’ores et déjà sortis, le troisième est annoncé pour novembre 2022. Ils y racontent le retour du vaisseau Jupiter et de son équipage sur ce qui a dû être ou ce qui devrait être la Terre. Mais le doute s’installe au sein de l’équipage. Aucun signe de vie n’est détecté sur la planète pendant les campagnes d’exploration, aucune trace humaine, juste de la végétation et des animaux géants très peu hospitaliers. Et l’équipage n’est pas au bout de ses surprises. Sur une plage, nos deux héros, Beth et Mandor, découvrent leur propre vaisseau, celui qu’ils viennent de quitter, gisant sur une plage telle une vulgaire épave rouillée et recouverte de végétation. Il y aurait comme du paradoxe temporel dans l’air ! Terre, de Rodolphe et Dubois. Daniel Maghen. 2 tomes parus. 16€)
Bolchoi Arena le retour. Les auteurs Boulet et Aseyn nous embarquent toujours aussi habilement dans l’univers du monde virtuel. Les premières pages du premier volet paru en septembre 2018 sont à cet égard assez bluffantes, déstabilisantes, le lecteur ne sachant plus très bien sur quel niveau d’imaginaire il se trouve. Dans un futur proche, internet n’est plus. Mais pas de panique les geeks, le réseau mondial de réalité virtuelle, le Bolchoi, tel est son nom, l’a remplacé offrant des possibilités beaucoup plus infinies. Vous rêviez d’explorer l’espace aux commandes de votre propre vaisseau spatial ? Le Bolchoi vous le permet et sans bouger de votre canapé. Marje, jeune étudiante en astrophysique va y goûter et ne jamais s’en remettre. Une histoire bien ficelée, un trait léger, des couleurs pastel et une belle présentation avec jaquette transparente en rhodoïd. Le tome 3 est sorti en janvier de cette année. On attend la suite avec impatience. En attendant, vous pouvez explorer l’univers avec les bonus en réalité augmentée sur l’application Delcourt Soleil +. (Bolchoi Arena, de Boulet et Aseyn. Delcourt. 3 tomes parus. 23,95€ le volume)
Sorti en novembre, Le Dernier livre est un thriller d’anticipation réaliste qui trouve pour contexte une pandémie mondiale dévastatrice avec une multiplicité de variants devenue incontrôlable et une industrie numérique devenue elle toute puissante, élaborant avec l’aval du président des États-Unis un nouveau monde. Et dans ce nouveau monde-là, le livre n’a plus sa place. Non seulement, les ouvrages autorisés sont numérisés mais tous ceux jugés immoraux par la commission de surveillance et de contrôle des publications, sont détruits et voués à l’oublie. Nabokov ? Oublié. Aldous Huxley ? Oublié. Et ce n’est pas fini, la fameuse commission envisage d’imposer un langage universel à base d’émojis. Plus besoin d’écoles, fermeture des bibliothèques, destruction des papiers et stylos…Contrôler le savoir, c’est contrôler le pouvoir, tout est dit, tout est joué ou presque car bien évidemment, même dans le pire des mondes, il y a toujours des irréductibles Gaulois, en l’occurrence ici un groupe de résistants qui entend redonner le goût des livres à des enfants chargés d’écrire un nouveau premier livre. Toujours rester critique et garder l’espoir ! (Le Dernier livre, de Bingono et Durpaire. Glénat. 16,50€)
Tout est sous contrôle ! Du moins, c’est ce qu’on pouvait penser avec cette nouvelle technologie d’implants portés par tous les individus, tous les citoyens français. Passage obligé pour se connecter sur internet, ces implants font la fierté du pays qui est pionnière en la matière et compte ainsi éradiquer la criminalité. Sauf que depuis quelques jours, en pleine campagne présidentielle, trois attentats suicide font plus d’un millier de morts. Comment ces terroristes ont pu passer à travers les mailles du filet électronique ? C’est ce que va tenter de découvrir la jeune inspectrice Anastasia Ovard au risque de d’y perdre des plumes… Classique mais efficace ! (Erreur système, de Mangin et Jenolab. Casterman. 19€)
Colonisation nous embarque dans un futur où l’homme a dû quitter la Terre surpeuplée pour coloniser d’autres planètes. Un exode de masse à bord d’une multitude de vaisseaux spatiaux dont certains se sont perdus dans l’immensité de l’espace et sont sujets à des pillages. Retrouver ces vaisseaux, c’est précisément la mission de Milla Aygon et de son équipe, une mission dangereuse qui les entraîne dans des recoins inhospitaliers de l’univers. Un scénario captivant, une mise en images sublime, toute en finesse et dynamisme, une très bonne série dont le 6e volume est sorti en février ! (Unité Shadow, Colonisation, 6 tomes parus, de Filippi et Cucca. Glénat.14,50€)
Connaissez-vous Liu Cixin ? C’est le plus grand auteur chinois de science-fiction, connu sous nos latitudes pour la trilogie des Trois corps publiée chez Acte Sud et composée du Problème à trois corps, de La Forêt sombre et de La Mort immortelle. Les éditions Delcourt viennent tout juste de lancer une série consacrée à l’adaptation en bande dessinée de ses nouvelles. Quinze titres sont d’ores et déjà prévus, deux sont sortis, il s’agit de Pour que respire le désert, avec Valérie Mangin au scénario et Steven Dupré au dessin, et de La Terre vagabonde avec Christophe Bec au scénario et Stefano Raffaelle au dessin, quatre auteurs qui ont déjà goûté à la science-fiction. L’éditeur évoque des récits « imaginatifs et pertinents … ancrés dans les problématiques contemporaines ». À noter que chaque album contient des panoramiques dépliants tout à fait judicieux. (Les Futurs de Liu Cixin, 2 tomes parus. Delcourt. Prix variables)
Blade Runner est de retour ! Après les trois volets estampillés 2019 voici le premier volet de la série 2029, une suite scénarisée cette fois par Mike Johnson, sous la supervision de Michael Green qui a été co-scénariste sur le film Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve. On y retrouve bien évidemment tout ce qui a fait le succès de cet univers adapté du roman de Philip K. Dick Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, à commencer par la pluie. L’action se situe toujours à Los Angeles mais le fameux Rick Deckard (joué par Harrison Ford dans l’adaptation ciné) a laissé place à Aahna Ashina, Ash pour les intimes, l’une des premières Blade Runner qui poursuit ici sa traque des répliquants rebelles. Dystopique à souhait ! (Blade Runner 2029, de Johnson, Guinaldo et Lesko. Delcourt. 15,50€)
On termine avec une réédition et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de l’album Métamorphoses initialement publié en 2007 chez Casterman et reprenant trois récits parmi les premiers de François Schuiten et Claude Renard : Aux Médianes de Cymbiola entièrement réalisé au crayon, L’Express qui était à l’origine un portfolio, et le récit de SF Le Rail d’une éblouissante modernité. Trois récits, autant de facettes du travail de Schuiten et autant de signes évidents d’un talent hors norme qui allait exploser peu de temps après avec Les Cités obscures, série réalisée en compagnie de Benoit Peeters. (Métamorphoses, de Schuiten et Renard. Casterman. 29€)
Eric Guillaud