24 Fév

Spider-Man de père en fils ou comment l’un des fils prodiges d’Hollywood se réapproprie un super-héros

JJ Abrams est ce que l’on pourrait appeler un grand assimilateur. Un nerd, un vrai, sincère amateur de culture pop – de la BD en passant par le cinéma bis ou les jeux vidéo. Il  en connaît tous les codes et il fait donc bien attention à ne jamais les oublier dans toutes ses entreprises de réappropriation – de Star Wars à Mission : Impossible en passant par Star Trek ou la série Westworld. Mais il réussit à aller plus loin avec cette mini-série dédiée à Spider-Man, notamment grâce à l’aide de son fils… Et quitte à ne pas faire plaisir à tout le monde.

JJ Abrams est un spécialiste de ce que l’on appelle aujourd’hui le ‘fan service’, cette façon qu’a ce producteur et réalisateur de dire aux fans ultra ‘ne vous inquiétez pas, je ne vous oublie pas les gars’. Cette forme de révérence vis-à-vis d’un corpus bien précis est aussi un peu ces limites car même s’il sait parfaitement se fondre dans un moule, il a par contre parfois du mal à y plaquer une identité propre. L’annonce de son implication dans une mini-série de cinq épisodes consacrée au tisseur a donc d’abord laissé pas mal perplexe. Le papa de Lost connaissait-il vraiment l’univers MARVEL ? Â force de multiplier les projets sur tous les supports, n’aurait-il pas tendance à se disperser ? N’est-ce pas là juste une tactique marketing pour attirer un nouveau public, quitte à ce que cela soit au dépend du contenu ?

Franchement ? Non. Parce qu’à l’image de cette couverture un peu à côté de la plaque car un peu en contradiction avec son titre, finalement le nom ‘JJ Abrams’ n’est qu’un leurre. En fait, gardez juste le nom et changez le prénom et vous serez tout de suite dans le cœur du sujet. Oui, Ce Père en fils est en fait une collaboration entre JJ et son fils Henry et visiblement et c’est surtout ce dernier qui a pris les rênes. Or Abrams Junior connaît lui aussi ses classiques, cela se sent tout de suite mais cela ne l’a pas empêché d’oser un plutôt audacieux pas de côté qui ne plaira d’ailleurs peut-être pas à tout le monde. Surtout qu’on a affaire ici à un drôle de cas de ‘art imitant la vie’. Ou l’inverse…

© Marvel – Panini Comics  / JJ et Henry Abrams, Sara Pichelli

L’histoire commence par un combat entre Spider-Man et un méchant particulièrement monstrueux nommé Cadavérique qui se termine de manière tragique, avec la mort de Mary-Jane, la femme de Parker et la mère de son fils. Dévasté, Spider-Man raccroche sa toile et abandonne son jeune fils qu’il confie à sa mère. Devenu adolescent, celui-ci découvre non seulement qu’il a hérité d’une partie des pouvoirs de son père mais qu’en plus le responsable du meurtre de sa mère le recherche pour récupérer… Son sang.

Comme son titre l’indique, De Père En Fils parle avant tout d’affiliation. Entre Spider-Man – ou plutôt son alter-ego Peter Parker – et son fils, Ben Parker. Entre JJ Abrams et son fils, Henry. Sommes-nous programmés d’avance entre guillemets ? Ne sommes-nous que la somme de nos parents ? Peut-on échapper à son destin ? Un fils est-il obligé de reproduire le parcours du père ? Autant de questions qui peuvent s’appliquer à ces deux ‘couples’, une double lecture qui donne une épaisseur inattendue au récit.

Mais cela implique ainsi de bousculer un peu la dynamique habituelle. Ce qui veut dire que le normalement flamboyant Peter Parker n’est que l’ombre de lui-même. Absent durant les trois tiers du récit, c’est ici un homme brisé, vieilli et incapable de faire face à sa paternité. On croise d’ailleurs aussi au détour du récit un Tony Stark en vieux beau porté sur la bibine et qui n’a jamais digéré la mort de ses amis les Avengers… Reste qu’en faisant du personnage principal un garçon apprenant à apprivoiser à la fois ses pouvoirs et les affres de l’adolescence, Abrams père et fils remontent à l’origine même de la saga Spider-Man et ne font, au final, que reproduire le schéma d’abord élaboré par Steve Ditko et Stan Lee en 1962. La touche moderne, elle, est apportée par le très effrayant et brutal méchant de l’histoire et la ‘patte’ graphique de la dessinatrice italienne Sara Pichelli, déjà croisée sur la série Miles Morales. Certes, la conclusion est bien trop attendue et on ne sait pas si cette série, qui suit sa propre chronologie, aura une suite ou pas mais le créateur d’Alias remporte quand même plutôt son pari, même si certains vont sûrement crier au sacrilège…

Olivier Badin

Spider-Man, De père en fils de JJ et Henry Abrams, Sara Pichelli. Marvel/Panini Comics. 18€.

© Marvel – Panini Comics  / JJ et Henry Abrams, Sara Pichelli