En 2019, Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso embarquaient à bord de l’Aquarius pour nous raconter en BD le sauvetage en mer des migrants entassés sur des bateaux de pacotille. Ils reviennent cette année avec une enquête sur les conditions d’accueil de ces mêmes migrants dans l’Italie du sud…
Publié en février 2019 chez Futuropolis, À bord de l’Aquarius nous décrivait le quotidien de l’équipage de ce navire affrété par l’association SOS Méditerranée et surtout les sauvetages de ces migrants, hommes, femmes, et enfants, parfois dans un état pitoyable, tous supportant les pires conditions avec l’espoir légitime d’une vie meilleure, loin de la guerre et de la misère.
Deux ans après, le duo Marco Rizzo – Lelio Bonaccorso reprend plumes et pinceaux pour nous raconter en quelque sorte la suite. Après le sauvetage, l’accueil. Quelle est sa réalité? Comment est-il vécu par les premiers intéressés?
Beaucoup moins médiatisé, parce que beaucoup moins « spectaculaire », l’accueil des réfugiés est « une obligation légale que les états sont tenus de respecter », rappelle dans une postface Amnesty International, co-éditeur de l’ouvrage. Mais dans la réalité, il y a ceux pour qui l’accueil est une évidence, un sursaut d’humanité, et ceux qui n’hésitent pas à refouler les migrants au risque de les envoyer à la mort.
© Futuropolis / Rizzo & Bonaccorso
Pour enquêter, les auteurs se sont rendus en Italie du sud, en Calabre pour être précis, un peu moins de deux millions d’habitants, une région parmi les plus touchées par le chômage mais aussi parmi les plus hospitalières pour les réfugiés. Le besoin de main d’oeuvre agricole à bas coût expliquant peut-être cela.
Là-bas, Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso ont recueilli les témoignages de réfugiés qui ont réussi plus ou moins à s’intégrer, la Nigérienne Blessing, le Sénégalais Buba ou l’Egyptien Irshak, trois parcours différents mais pareillement marqués par la violence, la peur, le mépris, le danger et au final une reconnaissance pour leur pays d’accueil. Ils nous emmènent ensuite à Riace, village quasi-abandonné qui retrouva vie pendant plusieurs années grâce à la volonté de son maire Mimmo Lucano (qui témoigne aussi dans ce livre) d’en faire un village-modèle, une « utopie », d’intégration pour des milliers de migrants. Jusqu’à ce qu’il soit, à l’arrivée de Matteo Salvini au ministère de l’intérieur, suspendu de ses fonctions et interdit de séjour dans son propre village !
© Futuropolis / Rizzo & Bonaccorso
Mais la réalité, c’est aussi le camp de réfugiés San Ferdinando, un bidonville que Matteo Salvini, encore lui, fit évacuer et détruire en mars 2019. Et c’est enfin le fameux décret Sécuritaire, anti-migrants et anti-ONG adopté en 2019 qui modifia considérablement les conditions d’accueil et d’asile.
Sur une centaine de pages, Chez nous…. paroles de réfugiés remet en avant ce qu’on aurait peut-être tendance à oublier avec l’épidémie. Des migrants traversent toujours les océans au péril de leur vie pensant trouver une vie meilleure ailleurs. Mais lorsqu’ils arrivent dans cet ailleurs, c’est encore la misère, le mépris et parfois la mort qui les attend, eux qui ne recherchent qu’une chose, avoir un chez-eux !
Eric Guillaud
Chez nous… paroles de réfugiés, de Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso. Futuropolis avec Amnesty International. 18€