12 Fév

Le tueur en série Edmund Kemper : un croquemitaine bien réel

Malaise et fascination. C’est sur ce mélange bizarre que s’est bâtie toute la légende des tueurs en série et c’est donc logiquement aussi sur ces mêmes bases que s’est construite la collection Les Serial Killers dont on tient ici un quatrième avatar à ne pas mettre entre toutes les mains. Sur le banc des accusés, le géant Ed Kemper et ses dix victimes, entre 1964 et 1973…

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur ce phénomène et depuis les slasher movies (Vendredi13, Massacre  La Tronçonneuse, Freddy Les Griffes De La Nuit’ etc.), la pop culture n’est pas en reste, avec en point d’orgue au début des années 90 les films Seven et Le Silence Des Agneaux. En parlant du réalisateur David Fincher, sa série sur Netflix Mindhunter a su jeter sur le sujet une lumière inédite, malgré le fait qu’elle ait été hélas limitée à seulement deux saisons. En retraçant le travail des premiers agents du FBI à s’être penchés sur la question à la toute fin des années 70, elle a permis de mettre à jour leurs méthodes de travail, à base d’entretiens avec des tueurs-en-série déjà condamnés. Parmi ses personnages haut en couleurs qui ont tous existé, celui d’Ed Kemper a particulièrement frappé les téléspectateurs.

Il y a déjà ce gabarit, herculéen avec ses 2m06 et ses plus de 160 kg. Mais c’est surtout c’est ce calme, cette lucidité, voire même cette douceur si l’on peut dire avec laquelle il sait parler de ses crimes, de toutes ses femmes qu’il a tuées brutalement, comment il les a parfois décapitées pour garder leur tête comme une sorte de trophée ou même de ses pulsions nécrophiles qui frappe ici.

© Glénat / Bourgoin, JDMorvan, Martinez, Vargas, Steren & Ribeiro

Autant le dire tout de suite, ce volume de la série Les Serial Killers est donc réservé à un public très averti. Pas que ses prédécesseurs consacrés à Ted Bundy et Michel Fourniret entre autres soient des bisounours à côté, loin de là. Mais ce qui trouble ici, c’est la volonté du scénariste (assisté par le directeur de la publication Stéphane Bourgoin, spécialiste auto-proclamé plus ou moins contesté en France) de montrer d’abord comment il a été en quelque sorte programmé dès sa tendre enfance à devenir un monstre à cause d’une famille complètement dysfonctionnelle et notamment d’une mère tyrannique et abusive. Avant de suivre son parcours implacable de tueur, sans lésiner sur les détails les plus morbides.

© Glénat / Bourgoin, JDMorvan, Martinez, Vargas, Steren & Ribeiro

Le récit suit donc deux temporalités : une chronologique, partant de son enfance sans rien nous épargner des différents traumas successifs qui vont le transformer en monstre. Et l’autre, en prison, où il est interviewé par l’alter-ego de Bourgoin et où il se confie, sans aucun tabou. Mieux : comme on l’a vu dans Mindhunter, Kemper joue limite avec son interlocuteur et fait preuve d’une étonnante lucidité vis-à-vis de ses crimes, les cadrages stricts, les décors très austères et les dessins parfois froids accentuant l’ambiance au couteau. C’est d’ailleurs cet éternel paradoxe qui rend cet ogre si fascinant, lui qui a échoué à l’examen d’entrée à la police malgré un QI de 145 mais qui ne pouvait s’empêcher de tuer. 

Au final, on ne sait d’ailleurs pas ce qui est le plus glaçant dans l’histoire : le récit en lui-même ou le dossier inclus en fin d’ouvrage à base de photos et de faits avérés qui confirment, hélas, que tout ce qui est raconté est ici diaboliquement vrai.

Olivier Badin

Edmund Kemper, L’Ogre De Santa Cruz de Stéphane Bourgoin, JDMorvan, Roy Allan Martinez, Mauro Vargas, Juliette Steren & Raphaël Ribeiro. Glénat. 17,50 €.

Dans la même collection, trois autres titres sont d’ores et déjà disponibles et racontent les parcours macabres des Américains Gerard Schaefer, scatophile, nécrophile, zoophile, sadique, et manipulateur, accusé du meurtre de deux adolescentes, soupçonné d’en avoir tué plus d’une centaine, Ted Bundy, qui a enlevé, violé et assassiné plus d’une trentaine de jeunes femmes dans les années 70 et du Français Michel Fourniret surnommé l’Ogre des Ardennes, dont on ne connaît pas encore exactement le nombre de meurtres à son actif, le tout avec l’assentiment de sa femme Monique Olivier.