Deuxième édition (après une première en 2017) pour cette intégrale en trois volumes d’Aric le wisigoth, guerrier du 4e siècle devenu par erreur un demi-dieu grâce à une armure extra-terrestre et dont le destin le pousse à d’abord sauver son peuple puis l’humanité entière. Une preuve supplémentaire que le petit Poucet Valiant en a revendre face aux mastodontes DC Comics et Marvel.
D’accord, on vous voit venir à trois kilomètres. Et oui, vous avez raison sur le papier, le point de départ ici est disons capilotracté, même du point de vue d’un fan de comics pourtant habitué aux trucs un peu tiré par les cheveux : en l’an 402, Aric, impétueux héritier du trône des Wisigoths, se fait kidnapper par des extra-terrestres qui l’emmènent sur leur vaisseau spatial en orbite pour y devenir leur esclave. Lorsqu’il réussit enfin à provoquer une révolte, il fusionne avec une sorte d’armure consciente érigée en relique sacrée par ses geôliers qui le transforme en une arme surpuissante et quasi-indestructible. Mais une fois de retour sur Terre, il se rend alors compte que seize siècles sont passés et que les choses ont bien changées…
Les héros torturés, l’écurie VALIANT aime ça : BLOODSHOT, LE GUERRIER ETERNEL, RAI etc. Mais celui-ci est à part car on a d’abord du mal à être en empathie avec cette grande gueule, arrogante toujours prompt à répondre avant tout par les poings. Et puis au début, son monde paraît bien monochrome, avec les méchants clairement identifiés d’un côté et les gentils de l’autre. Or vu que comme d’habitude VALIANT ne fait dans la dentelle lorsqu’elle parle d’intégrale – plus de 800 pages ici, et encore ce n’est que le premier volume ! – on se demande d’abord comment tout cela va tenir sur la longueur…
Sauf que la première moitié du volume est assuré au dessin par le grand, que dis-je l’immense Cary Nord, prix Eisner 2004 connu pour son travail sur THOR et surtout CONAN THE BARBARIAN. Même si son trait n’est peut-être pas aussi profond ici, il sait apporter à la fois de l’humanisme et des couleurs qui donnent du corps à l’histoire. Et surtout, le scénariste Robert Venditti prend son temps pour installer sa mythologie en quelque sorte, tout en multipliant les aller-retours entre le passé et le présent pour mieux expliquer comment son personnage central s’est construit.
Mieux : en le faisant revenir sur Terre avec son peuple pour essayer de se réapproprier leurs anciennes terres, provoquant l’ire des armées du monde, il se permet même une métaphore sur le sort actuel des réfugiés apatrides et leurs difficultés à trouver leur place dans le monde moderne.
Certes, cela fait beaucoup, beaucoup à encaisser. Et le cahier des charges imposé de façon systématique par VALIANT avec un héros, quel qu’il soit, devant impérativement à un moment ou à un autre croiser d’autres personnages maison (ici NINJA K, LE CHAMPION ETERNEL ou encore la saga UNITY) ne fait pas toujours des merveilles. Mais grâce au talent Cary Nord et au côté compacte/économique de l’objet (autant de pages qu’avec les Omnibus de son grand frère MARVEL mais deux fois moins cher presque), au bout du bout, X-O MANOWAR s’impose comme l’un des héros les plus atypiques de VALIANT, petite mais costaude alternative aux géants du circuit.
Olivier Badin
X-O Manowar – Intégrale tome 1 de Robert Venditti, Matt Kindt, Cary Nord, Lee Garbett & Dough Braithwaite, Valiant/Bliss, 49 euros