En cette veille de nouvelle année, petit retour en arrière avec une sélection d’histoires avec un petit h autour de l’histoire avec un grand H…
On commence avec le premier volet d’Hitler est mort !, un récit de Jean-Christophe Brisard mis en images par Alberto Pagliaro revenant sur l’un des plus grands mystères du vingtième siècle : le suicide du Führer. Depuis plus de 70 ans, les théories du complot se suivent et se ressemblent. Est-il vraiment mort en 1945 ? A-t-il fui en Amérique du Sud ? Jean-Christophe Brisard, écrivain, journaliste et réalisateur de documentaires, a sérieusement enquêté sur l’affaire, touché du bout des doigts des restes d’Hitler, sorti un livre aux éditions Fayard avant d’en offrir aujourd’hui une adaptation en BD dans laquelle on découvre la guerre entre deux services soviétiques, le NKVD d’un côté et le Smerch de l’autre, pour récupérer et conserver le cadavre du Führer. Un récit parfaitement documenté et raconté qui peut mettre un terme à tous ces doutes savamment entretenus par certains… (Hitler est mort!, de Brisard et Pagliaro. Glénat. 14,95€)
Si Hitler est bel et bien mort en 1945, il aurait pu l’être quelques années auparavant pour le plus grand bien de l’humanité, en 1938 précisément lorsque le Suisse Maurice Bavaud tenta de l’assassiner à l’occasion d’une marche commémorative à Munich. Il n’y parvint pas, tenta sa chance de nouveau dans les jours qui suivirent, sans succès, avant de se faire arrêter, cuisiner par la Gestapo, guillotiner le 14 mai 1941. Il faudra presque 20 ans à sa famille pour réhabiliter sa mémoire et en faire un héros. C’est cette histoire incroyable mais vraie que raconte La Part de l’ombre à travers l’action d’un autre personnage, fictif celui-ci, Guntram Muller, journaliste pour le quotidien Berliner Zeitung, bien décidé à faire oublier son passé dans l’Abwehr, service de renseignement de l’état-major allemand. Un graphisme élégant, une histoire rondement menée. 2 tomes prévus. (La part de l’ombre, de Perna et Ruizge. Glénat. 14,50€)
D’une guerre à l’autre, Jean-Pierre Pécau au scénario, Maza au dessin, Jean-Pierre Fernandez aux couleurs et Manchu au dessin de couverture, la même équipe que sur les séries Luftballons et USA Über Alles, nous entraînent dans les pas d’Armand Baverel, engagé dans l’Air Force pendant la deuxième guerre mondiale avant de rejoindre l’Armée de l’air à son épilogue avec pour horizon immédiat l’Indochine. Véritable tête brûlée le jour à bord de son coucou, Don Juan et guitariste la nuit, Armand Baverel se retrouve plongé au coeur d’un trafic d’opium avec des gueules d’atmosphère. Trois tomes prévus. De l’aventure au coeur de l’histoire. (Indochine, de Jean-Pierre Pécau et Maza. Delcourt. 14,95€)
On reste en Indochine avec l’une des batailles les plus déterminantes de la guerre, Diên Biên Phu, trois syllabes qui résonnent dans la mémoire collective comme une défaite cuisante, une humiliation pour les troupes françaises, un traumatisme pour tout le pays et un réveil pour les luttes révolutionnaires et nationalistes à travers la planète. À la façon de l’émission radiophonique de France Inter Rendez-vous avec X, un ancien agent des services secrets explique comment on en est arrivé là, comment cette défaite eut de réelles répercussions sur les conflits à venir. Une BD très documentée servie par un dessin réaliste de bonne facture et accompagnée d’un dossier de huit pages avec photos. (Rendez-vous avec X – Diên Bien Phu, de Dobbs et Mr Fab. Glénat / Comix Buro. 14,95€)
Petit retour en arrière avec Nez de cuir, une adaptation en bande dessinée du roman de Jean de la Varenne, par Jean Dufaux et Jacques Terpant. L’action se déroule cette fois en 1814 au lendemain de la Campagne de France qui a abouti à l’abdication de Napoléon 1er et à son exil sur l’île d’Elbe. Partout des gueules cassées, des estropiés et parmi eux le jeune comte Roger de Tainchebraye défiguré par plusieurs coups de sabres et de lances ainsi qu’un tir de pistolet à bout portant. De quoi revenir avec le visage d’un diable. Lui qui plaisait tant aux femmes est aujourd’hui obligé de se cacher derrière un masque. On le surnomme dès lors Nez de cuir mais ses rivaux n’auront guère le temps de s’en féliciter, même masqué, le comte attire encore à lui toutes les femmes de la noblesse de cette verdoyante Normandie magnifiquement reproduite ici sous le trait de Jacques Terpant. (Nez de cuir, de Dufaux et Terpant. Futuropolis. 16,90€)
Suite et fin de la série De Gaulle aux éditions Glénat. Tout avait commencé dans le premier volet en 1916 lorsque l’armée l’eut cru mort pour la France et en informa ses parents. Tout s’achève ici avec sa mort, bien réelle cette fois, en 1970. Après une traversée du désert, Charles de Gaulle revient au pouvoir sur fond de guerre d’Algérie. Il incarne l’homme qui a sauvé la France par le passé et qui pourrait bien la sauver à nouveau avec notamment la mise en place d’une nouvelle constitution et le règlement de la question algérienne. Mais de Gaulle, c’est aussi les premiers essais de la bombe atomique française ou encore Mai 68. Une période riche et complexe que l’on peut approfondir par la lecture du dossier d’une petite dizaine de pages en fin d’ouvrage. Une très belle biographie co-éditée par Glénat et Fayard dans la collection Ils ont fait l’histoire (De Gaulle tome 3, de Gabella, Regnault, Malatini et Neau-Dufour. Glénat / Fayard. 14,50€)
Beaucoup plus près de nous dans le temps, la guerre de Bosnie-Herzégovine est le contexte de l’album Des Bombes et des hommes paru aux éditions Futuropolis. Estelle Dumas y relate son passé d’humanitaire en ex-Yougoslavie, un passé à se faufiler entre les bombes justement pour venir en aide aux hommes, aux femmes et aux enfants, tous meurtris par ce conflit. Des villes en ruine, des snipers un peu partout, des bombardements incessants, des corps sans vie ici et là, un danger permanent… et des ONG qui tentent de sauver ce qui peut encore l’être, en distribuant des vivres mais pas seulement, Isabelle, aka Estelle, s’est juré d’apporter aussi un peu de rêve à ces populations qui en avaient bien besoin. « Les gens de Sarajevo et de Gorazde m’ont démontré que l’art est essentiel, tout autant que la nourriture, pour l’être humain. Quelle gifle, violente et magnifique à la fois, ce fut pour moi! ». (Des Bombes et des hommes, de Dumas, Ricossé et Godart. Futuropolis. 21€)
On change d’hémisphère pour rejoindre l’Australie du XIXe siècle en compagnie de Robert O’Hara Burke et William John Wills, deux explorateurs chargés par la Royal Society of Victoria de traverser en 1860 le continent du sud au nord, de Melbourne au golfe de Carpenterie, 2800 kilomètres, une expédition de tous les dangers dont ils ne reviendront d’ailleurs pas vivants. Personne ne l’avait réalisé avant eux, ils seront stoppés à quelques kilomètres de la côte par une zone de mangrove. C’est sur la route du retour que les choses se sont envenimées comme le raconte très bien cet album paru dans la collection Explora des éditions Glénat, rejoignant ainsi Marco Polo, Darwin, Magellan et autre Livingstone. (Burke & Wills, de Pezzi et Sergeef. Glénat. 14,95€)
Quel prix doit payer un étranger pour cesser de l’être et devenir transparent dans la société française ? C’est toute la question à laquelle tente de répondre ce livre de Baru dont le titre est emprunté au chant de révolte, devenu avec le temps un hymne à la résistance dans le monde entier, Bella Ciao. Après Quéquette Blues, publié dans les années 80, puis Les Années Spoutnik au tournant du siècle, l’auteur continue de nous raconter une histoire de l’immigration italienne et de l’intégration, en noyant comme il l’écrit « quelques éléments autobiographiques à un océan de fiction » et en adossant le tout sur une réalité historique souvent violente, à l’image de ce massacre d’Aigues-Mortes en 1893 sur lequel s’ouvre l’album et qui avait fait dix mort et cinquante blessés parmi des Italiens simplement venus en France pour travailler. (Bella Ciao, de Baru. Futuropolis. 20€)
On termine cette sélection comme on l’a commencée, au coeur des années noires du nazisme mais avec cette fois une fiction, une fiction qui sonne juste et fait tout aussi froid dans le dos. La Désobéissance d’Andreas Kuppler raconte l’histoire d’un journaliste sportif qui n’a jamais partagé les valeurs nazies, toujours ramé contre le courant, seul contre – presque – tous. Et de s’interroger. Comment un peuple entier a-t-il pu être ainsi converti ? Pour Andreas Kuppler, le seul chemin possible sera la désobéissance… (La Désobéissance d’Andreas Kuppler, de Corbeyran et Garcia, d’après le roman de Michel Goujon. Delcourt. 17,50€)
Eric Guillaud