Rien de plus classique que d’enfiler un costume quand on est super-héros. Mais enfiler des vêtements de femme quand on est un homme pour devenir l’un d’entre-eux est déjà moins courant. En bas, porte-jarretelles et robe, Dragman est le premier super-héros travesti de l’histoire de la bande dessinée…
Superman, Batman, Captain America, Wonder Woman, Supergirl, Elektra, Iron Man… Depuis la nuit des temps, les super-héros et surper-héroïnes sont costumés. Rien de bien surprenant à ce que Dragman le soit elle-aussi. Mais là où la super-héroïne de Steven Appleby se démarque, c’est que dans la vraie vie et pour l’état civil, Dragman est un homme et s’appelle August Crimp, qu’il est marié, a un enfant et tient son super-pouvoir, celui de voler, de son travestissement.
Pas de D géant ornant la poitrine, pas de collant moulant, pas de couleurs vives et tape-à-l’oeil mais une robe, des bas, un porte-jarretelles et des bottes, le tout dans des tons sobres, histoire peut-être de passer inaperçue car même dans le milieu des justiciers masqués, les travestis, les minorités sexuelles ont du mal à se faire accepter. Voilà pour le côté visible du personnage.
Pour le reste, Dragman est un bon père de famille qui s’était rangé un temps des super-héros avant de reprendre la robe pour voler au secours de la veuve et de l’orphelin qui auraient vendu leur âme, contre menue monnaie, à une mystérieuse compagnie baptisée Black Mist…
Singulier par son propos, brillant par son traitement et son graphisme, drôle et sensible, ce premier roman graphique de Steven Appleby, plus connu jusqu’ici en Angleterre pour ses dessins de presse, est aussi en quelque sorte un coming-out littéraire pour l’auteur qui depuis sa plus tendre enfance se travestit et depuis le début des années 2000 vit habillé en femme.
« Me travestir en secret une ou deux fois par semaine… », écrit-il en postface de ce livre, « m’est apparu malhonnête et suffocant. J’avais appris à me sentir à l’aise avec l’idée d’être un travesti, j’étais à présent pressé d’apparaître au grand jour et de vivre en tant que tel… »
Avec Dragman qu’il aura mis 18 ans à finaliser, Steven Appleby nous interroge sur le genre, l’identité, la différence, la tolérance… avec beaucoup d’habilité et d’humour. Lecture chaudement recommandée !
Eric Guillaud
Dragman, de Steven Appleby. Denoël Graphic. 24,90€