Connu en Suède pour ses romans graphiques ancrés dans la vie sociale, Pelle Forshed raconte ici la disparition mystérieuse d’un père de famille sans histoire dans une banlieue elle aussi sans histoire, posant au passage un regard lucide sur notre monde…
C’est une banlieue comme tant d’autres, celle-ci se situe à proximité de Stockholm en Suède, une banlieue pavillonnaire triste mais paisible où Il ne se passe jamais rien de très sexy. Heureusement, Sten, un gamin quelque peu introverti, a trouvé dans cet océan d’ennui de quoi s’occuper avec le matériel de lépidoptériste hérité de son grand-père. Jour après jour, il épingle des papillons sur son tableau de chasse. C’est devenu une véritable passion, un refuge, presqu’une obsession. Pour son père, Henrik, c’est plutôt le vélo sa passion. Et pour sa mère, Anna, pas de papillons, pas de vélo, rien, juste la déprime pour occupation, couchée du matin au soir, du soir au matin, une couverture en permanence sur le dos, de quoi lui donner des allures de fantôme. Ce qu’elle est un peu, complètement incapable de toute vie sociale.
Mais la vie s’anime bientôt dans le quartier avec l’emménagement d’une nouvelle famille. Une famille sans histoire, elle aussi. Enfin jusqu’ici. Parce qu’au moment de l’emménagement, le mari disparait brutalement laissant femmes et enfants dans le désaroi. Plus aucune trace de lui. Alors que tout le monde commence à imaginer le pire, qu’une grande battue est organisée que sa femme cherche de potentielles images de lui sur le côté sombre du web, un accident ? un suicide ?, Sten, le chasseur de papillon, est soupçonné par ses camarades de classe d’être à l’origine de la disparition. Une rumeur évoque même qu’il aurait pu empailler, c’est une autre de ses passions, l’homme en question. De quoi renvoyer sa mère au fond du lit et son père à la limite du pétage de plomb…
Avec un graphisme minimaliste, visages inexpressifs et décors épurés, des couleurs en aplat, et un rythme narratif volontairement lent, Pelle Forshed prend le temps de nous raconter une histoire de l’ordinaire avec des gens ordinaires qui se dépatouillent comme ils peuvent de leurs angoisses, de leurs doutes et souvent de leur solitude. À chaque instant, à chaque nouvelle page, on imagine l’histoire basculer dans le polar ou même le thriller mais non, Pendant ce temps reste jusqu’au bout, jusqu’au dénouement, tout de même inattendu, un récit du quotidien, un regard sur la vie de la classe moyenne en Suède et partout ailleurs tant le propos de l’auteur est universel.
Eric Guillaud
Pendant ce temps, de Pelle Forshed. Editions L’Agrume. 20€