Avec Lex Luthor ou encore le Docteur Fatalis, le Joker est sûrement l’un des bad guys les plus fascinants de l’univers des comics. Présent dès le premier épisode de Batman en 1940, il a aussi rebondi au cinéma dès 1989 sous les traits de Jack Nicholson. Alors que ce mercredi c’est au tour de l’acteur Joaquin Phoenix d’endosser dans les salles obscures le costume du super-criminel, rééditions et traductions se multiplient en librairie.
En première ligne, il y a bien sûr la réédition ‘deluxe’ de Killing Joke du dessinateur Brian Bolland, surtout scénarisée par la superstar Alan Moore. Une œuvre fondatrice qui, deux ans après The Dark Knight Returns(Batman Année Un en VF) de Frank Miller, fit rentrer brutalement dans l’âge adulte la culture comics. En parlant de Frank Miller, Joker, L’Homme Qui Rit paru initialement en 1993 essaye de lui rendre justement hommage en en reprenant certains des codes, tout en racontant la première rencontre entre les deux ennemis jurés. Un récit assez accessible mais déjà empreint d’un pessimisme et d’une violence sourde qui présageaient des choses à venir, même si l’ajout ici en bonus d’histoires annexes scénarisées par la même personne mais avec un parti-pris graphique plus réaliste et plus terne au niveau des couleurs paraît quelque peu hors-sujet…
Gros pavé de plus de 400 pages, Joker Renaissance est surtout l’œuvre de la star montante de la maison DC, le scénariste Scott Snyder. Le style presque pop et léché mais aussi par moments halluciné de son fidèle compagnon Greg Capullo (Spawn) est contrebalancé par l’incroyable inventivité sadique et sa folie créative de son anti-héros, Snyder se révélant une nouvelle fois particulièrement retors et capable de faire subir à nos amis super-héros les pires humiliations à travers des histoires bourrées de chausse-trappe.
Le Joker (tout simplement) de Brian Azzarello et Lee Bermejo est le plus trash du lot, le plus violent et le plus sombre aussi. Ce n’est pas pour rien que Batman n’y est qu’une ombre fugace que l’on ne croise qu’à la toute fin du récit, et encore. L’influence du film de The Dark Knight de Christophe Nolan y est patente et on retrouve ici la folie meurtrière et déstructurée qu’avait insufflé l’acteur Heath Ledger dans le personnage. Si l’on retrouve pas mal des ennemis du vengeur masqué (Le Pingouin, Double-Face etc.), aucun glamour ni flamboyance ici, à l’image d’un décor, Gotham, décrite comme une mégapole tentaculaire et inhumaine. Contre-pied total et surprenant, c’est pourtant dans son volume que l’on retrouve en bonus un pastiche deCalvin & Hobbes où le Joker rencontre Lex Luthor, l’adversaire numéro un de Superman !
À l’heure où Batman fête ses quatre-vingt ans, quatre visions d’un personnage devenu mythique mais un seul et même monstre, fascinant et perturbant.
Olivier Badin
The Killing Joke de Brian Bolland et Allan Moore, 28€ / Joker, L’Homme Qui Rit de Ed Brubaker, Greg Rucka, Doug Mahnke et Michael Lark, 15,50€ / Joker Renaissance de Scott Synder, Greg Capullo, James Tynion IV et Jock, 35€ / Joker de Brain Azzarello et Lee Bermejo, 15,50€ – DC/Urban Comics