Est-ce que le féminisme est soluble dans la maternité ? Ou peut-être l’inverse ? C’est toute la question que se pose Lili Sohn dans cet ouvrage paru aux éditions Casterman. Un peu plus de 300 pages où l’on parle d’instinct maternel et de conscience féministe, d’horloge biologique et de pression sociale..
Oui la couverture est rose. Mais ne vous y fiez pas. L’auteur Lili Sohn n’a pas perdu de son mordant pour s’attaquer aux préjugés, aux stéréotypes. Elle l’a déjà fait dans ses albums précédents, La Guerre des tétons et Vagin Tonic, elle le fait à nouveau ici en racontant son expérience personnelle. Avec des doutes bien sûr, avec des interrogations mais aussi des convictions.
Et elle commence par le début, par son enfance. De quoi rêvait Lili Sohn enfant ? En 1, d’avoir un mari gentil, en 2 d’habiter au bord de la mer et en 3… d’avoir quatre enfants.
En grandissant, Lili Sohn a découvert la vie et remis à plus tard ses envies d’enfant. D’ailleurs, en avait-elle encore envie ? Puis elle s’est battu contre un cancer du sein à coups de chimiothérapie (elle le raconte dans La Guerre des tétons) au risque de devenir stérile. Et depuis ce jour-là, depuis cette éventualité de ne plus pouvoir mettre au monde, Lili Sohn n’a plus qu’une obsession, un truc viscéral, quasi-indépendant d’elle-même : avoir une enfant.
« Est ce que c’est mon instinct maternel qui se réveille ? Je suis totalement obsédée part mon désir d’enfant! », écrit-elle dans le livre.
Obsédée, c’est le mot. Mais en même temps circonspecte! Et de se poser des questions sur cet instinct maternel et la maternité au point de penser qu’elle a trahi. Trahi quoi ? Un idéal ? « En fait, j’ai le sentiment de trahir le féminisme », continue-t-elle.
Et de citer quelques personnalités comme Simone de Beauvoir qui, s’expliquant sur la maternité déclara : « Je ne la refuse pas ! Je pense seulement qu’aujourd’hui c’est un drôle de piège pour une femme ».
Un piège ? Pour Lili Sohn, « c’est vraiment le mot… », explique-t-elle dans une interview, « Avec un désir d’enfant, tu te sens en porte-à-faux et à contre-courant de l’émancipation féministe »
Avec finesse et humour, Lili Sohn raconte donc son chemin de pensée jusqu’à l’accouchement et au-delà sans jamais avoir la prétention de détenir la vérité et de donner l’évangile. « J’ai l’impression qu’avec mon histoire et en me dévoilant sincèrement, j’amène facilement mes lecteurs d’une question à l’autre, sans avoir une étiquette militante. Je n’impose d’ailleurs jamais mes opinions. Je raconte mes sentiments et mes raisonnements personnels, et je pars en toute honnêteté de ma propre ignorance, sans présupposer celle des lecteurs. Mes livres sont des carnets de route qui rebondissent vers des réflexions plus larges ».
Et si vous pensez que ce livre à la couverture rose ne s’adresse pas aux garçons, vous avez tort. Car au-delà de ses interrogations sur la maternité et le féminisme, Lili Sohn nous interroge tous sur la liberté de l’individu face à la société et ses diktats.
Eric Guillaud
Mamas, de Lili Sohn. Casterman. 20€