19 Août

L’enquête qui dérange : « Algues vertes, l’histoire interdite » d’Inès Léraud et Pierre Van Hove

L’état est-il là pour nous protéger ou pour assurer sa survie ? C’est la question que le lecteur peut légitimement se poser à la lecture de ce livre publié par La Revue dessinée et Delcourt, une enquête au long cours sur les algues vertes qui empoisonnent les plages bretonnes depuis des décennies…

A l’heure où la Bretagne subit une nouvelle marée verte, « un véritable tsunami » pour reprendre les propos de l’eurodéputé Yannick Jadot, l’enquête de de la journaliste Inès Léraud et du dessinateur Pierre Van Hove a le mérite de remettre le phénomène en perspective et de nous questionner sur son origine.

Pourquoi ce silence ? Pourquoi ce déni ? Nous pouvons en effet tous nous interroger sur l’attitude de l’état face à ce phénomène apparu dans les années 60 sur le littoral breton, phénomène qui s’est amplifié avec le temps et aurait provoqué la mort à ce jour de 3 personnes et d’une quarantaine d’animaux, sangliers, chiens, chevaux…), tous asphyxiés par l’hydrogène sulfuré (H2S) émanant des algues en putréfaction.

Un silence, un déni et peut-être même une entrave à la manifestation de la vérité, c’est en tout cas ce que laisse supposer cette enquête. Entre la disparition d’échantillons en laboratoire, la non transmission de résultats d’autopsies, les courriers aux autorités sanitaires restés sans réponse et les pressions exercées sur les lanceurs d’alerte, le tableau est effectivement plutôt sombre et troublant dans un pays démocratique comme le nôtre.

Selon la journaliste Inès Léraud, l’état a depuis 2006 la preuve formelle que l’H2S produit par les marées vertes est mortel. « Et s’il avait tenu compte des alertes du Dr Pierre Philippe (urgentiste à Lannion) il l’aurait été 17 ans plus tôt! »

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L’interview complète d’Inès Léraud est à retrouver ici

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C’est toute cette mécanique caractéristique d’une politique de l’autruche que l’ouvrage met ici en évidence en cherchant des explications dans notre présent mais également dans notre passé, avec la mutation de la société paysanne, l’industrialisation de l’agriculture, le remembrement, l’apparition des élevages de porcs hors-sol…

Et plutôt que de relater cette enquête avec un médium classique, si tant est que la presse écrite, la radio ou la télévision soient encore des médiums classiques, la journaliste Inès Léraud et le dessinateur Pierre van Hove on opté pour la bande dessinée. « Ça à l’exigence d’un livre, tout en ayant le côté divertissant d’un film », explique Inès Léraud. « A travers le scénario de cette BD, je devais restituer la complexité de l’histoire, tout en la rendant fluide, agréable à lire, avec des personnages vivants, incarnés ».

Résultat, un récit d’un peu plus de 130 pages très documenté, très détaillé, porté par un graphisme épuré, des couleurs vives et une fine couche d’humour qui apportent un peu de légèreté et rendent le livre accessible au plus grand nombre.

« J’avais écrit un scénario, qu’il pouvait, par le dessin, “interpréter” de mille façons, comme un musicien devant une partition. J’imaginais qu’il ferait un truc grave et sérieux. Et un jour, il m’a envoyé ses premières planches, dans ce style léger, simple, souvent drôle ou ironique. J’ai tout de suite été subjuguée par l’intelligence du découpage, de la mise en scène. Ensuite avec Mathilda, la coloriste, ils ont choisi de mettre des couleurs pop ce qui a achevé de m’étonner et de me plaire ».

En complément, un dossier d’une trentaine de pages réunit en fin d’ouvrage articles de presse, courriers, rapports de la DDASS, bibliographie et repères chronologiques…

Eric Guillaud

Algues vertes, l’histoire interdite de Inès Léraud et Pierre Van Hove. La Revue dessinée / Delcourt. 18,95€

@ Delcourt / Léraud & Van Hove