L’auteur de Egon Schiele, Vivre et mourir, mais aussi de Rimbaud l’indésirable et plus récemment du Lendemain du monde s’attaque cette fois à un classique de la littérature jeunesse, le roman L’enfant et la rivière de l’écrivain Henri Bosco paru au lendemain de la deuxième guerre mondiale chez Gallimard…
Les interdits sont faits pour être transgressés dit-on. Celui-ci devait l’être. C’était même devenu une obsession pour Pascalet, aller voir cette fameuse rivière que sa mère lui interdisait d’approcher. « Amuse-toi où tu veux. Ce n’est pas la place qui te manque. Mais je te défends de courir du côté de la rivière », lui disait-elle. Il n’en fallait pas plus pour le faire rêver de la rivière, nuit et jour.
Une rivière, des cyprès, une ferme ici, une autre là… C’est le décor de ce roman écrit par Henri Bosco aujourd’hui devenu roman graphique sous la plume et les pinceaux de Xavier Coste. Un décor provençal écrasé par le soleil et qui malgré tout attriste le protagoniste principal, le jeune Pascalet. Son unique distraction ? les visites de Bargabot, un braconnier qui apporte régulièrement du poisson à ses parents, du poisson justement pêché dans la rivière interdite. De quoi définitivement attiser sa curiosité.
Si j’entendais arriver Bargabot, mon coeur se mettait à battre. Il s’était aperçu de l’intérêt que je portais à sa personne…
Profitant de l’absence de ses parents, Pascalet finit par craquer et aller du côté de la rivière, une première fois pour établir le contact, une deuxième pour finalement l’explorer… Et c’est au détour d’une île qu’il délivre un autre jeune garçon, Gatzo, prisonnier d’une bande de bohémiens. Ensemble, ils partent à la découverte de la rivière…
Xavier Coste dont on a déjà largement pu apprécier le talent dans ses albums précédents, notamment Egon Schiele, Vivre et mourir ou Rimbaud l’indésirable, offre indéniablement à ce roman de Bosco une nouvelle jeunesse. Comme si cette adaptation l’attendait. Comme si elle était une évidence.
Mais c’est pourtant à la demande de Frédéric Lavabre, éditeur chez Sarbacane qu’il s’est mis à l’ouvrage. « Je ne l’avais pas relu depuis le collège et c’est un roman qui m’avait vraiment marqué à l’époque. J’en avais retenu le côté contemplatif, poétique. Quand je l’ai relu ça a été comme une évidence, le ton onirique du roman m’a tout de suite donné envie de prendre les crayons. Mon éditeur a pensé que le ton du roman collait à mon univers et je pense qu’il ne s’est pas trompé ».
Se lancer dans une adaptation, qui plus-est d’un roman aussi connu, n’est pas la chose la plus aisée. Adapter, c’est souvent trahir, pour Xavier Coste c’est avant tout respecter le texte.
« Le plus difficile a été de trouver le ton de cette adaptation. Le texte de Henri Bosco est remarquablement écrit mais certains aspects du roman paraissent un peu datés aujourd’hui, je voulais donc le moderniser mais sans le dénaturer. Car ce qui fait le charme de ce roman c’est aussi son côté hors du temps et légèrement retro. Au final, quasiment tous les textes de la bande dessinée sont de Henri Bosco, et j’y tenais beaucoup ».
C’est suffisamment rare pour le souligner, Xavier Coste a eu carte blanche de la part de l’éditeur et des ayants-droits. Aussi a-t-il choisi de ne pas situer formellement son adaptation dans le temps et l’espace, « J’ai dessiné une Provence imaginaire, et je n’ai pas dessiné d’objets qui permettent de situer l’époque à laquelle l’histoire se passe. On se doute que c’est dans un monde contemporain, mais j’ai voulu donner un côté universel à l’histoire. Je souhaitais aussi que cette bande dessinée s’adresse à tous les publics, aux enfants comme aux adultes, ce qui n’est pas évident. C’est un roman avec plusieurs niveaux de lecture, et je voulais que ça se retrouve dans ces pages ».
Dès la première page de L’Enfant et la Rivière, on est happé par le récit et émerveillé par les couleurs qui jouent ici un rôle important. « À chaque scène, j’ai essayé de trouver des jeux de lumière différents, et je suis sorti de ma zone de confort en utilisant des couleurs que j’emploie très peu. J’essaie au maximum de ne pas répéter une ambiance colorée que j’aurais déjà utilisée dans une scène. Les scènes de nuit m’ont causé du fil à retordre au début, mais au final ce sont les scènes que je préfère ».
La poésie des mots, la beauté des paysages, le mystère, l’aventure… Tout ce qui rend le livre de Bosco remarquable se retrouve dans les pages de cette adaptation, les images – magnifiques – et le regard de Xavier Coste en plus. Une grande bouffée d’oxygène !
Eric Guillaud
L’Enfant et la rivière, de Xavier Coste d’après le roman de Henri Bosco. Sarbacane. 19,50€ (en librairie le 4 avril)