Hasard des calendriers, les éditions Futuropolis et Casteman publient à quelques jours d’intervalle deux ouvrages ayant pour thème les vétérans de la guerre d’Irak. Un thème identique mais un traitement sensiblement différent puisque le premier, « Uriel Samuel Andrew », est une fiction, le second, « Revenants », un documentaire.
Welcome home ! Uriel, Samuel et Andrew sont enfin de retour au pays et ils sont visiblement attendus. Tout le village s’est mobilisé pour les accueillir en véritables héros eux et 36 autres soldats qui en ont définitivement fini avec l’Irak. Définitivement ? Pas vraiment. Après le temps des retrouvailles, des embrassades et des cris de joie vient celui pas si simple du retour à la vie normale et pour certains de la descente aux enfers. Comme pour nombre de vétérans, le quotidien d’Uriel, Samuel et Andrew est hanté par la guerre. Tous les trois ont des hallucinations le jour, font des chauchemars la nuit, pètent les plombs pour un rien, sombrent dans l’alcool ou la drogue… Et pourquoi se plaindraient-ils ? Tant de copains n’ont pas eu la chance de revenir vivants ou entiers !
Ce récit de près de 200 pages en noir et blanc est tellement senti et juste qu’on le croirait écrit par un vétéran, tout au moins par un Américain. Rien de tout cela, Will Argunas est un auteur bien français, certes empreint de culture nord-américaine. Il décrit le difficile retour à la vie civile des vétérans d’Irak et le trouble de stress post-traumatique qui affecte 20 % d’entre-eux. Au passage, l’éditeur nous rappelle que 18 vétérans d’Irak et d’Afghanistan se suicident chaque jour, ce qui dépasse de loin le nombre de morts sur le terrain. Effrayant !
Olivier Morel, lui, est citoyen américain. Ce Français d’origine s’est installé aux Etats Unis en 2005 et a obtenu sa naturalisation trois ans plus tard. Il est aujourd’hui réalisateur de films documentaires et auteur de séries radiophoniques. Il a notamment réalisé « L’Âme en sang », un documentaire sur les traumatismes laissés par la guerre en Irak sur les soldats. C’est le tournage de celui-ci et notamment la rencontre entre le réalisateur et les différents acteurs, pardon les différents vétérans, que nous raconte Revenants. Conçu comme un complément au documentaire, l’album s’arrête sur les mondes intérieurs des vétérans, ceux qui ne peuvent se voir dans l’objectif d’une caméra.
C’est Maël, (Les Rêves de Milton, Notre Mère la guerre...) qui s’est chargé de la mise en image. Son trait réaliste, sobre, ses planches au lavis, souvent en noir et blanc, parfois monochromes, nous plongent littéralement dans ce récit du réel, à des années lumière du rêve américain. Au delà de cette rencontre avec les vétérans, Revenants nous parle d’une société malade « qui se paie elle-même la fausse monnaie de son rêve ».
Eric Guillaud
Revenants, de Maël et Olivier Morel. Editions Futuropolis. 19 euros
Uriel Samuel Andrew, de Will Argunas. Editions Casterman. 16 euros