Les chats ne sont pas que sur Instagram, ils ont aussi et depuis longtemps investi le monde du Neuvième art. Un peu dans le même esprit que Chi une vie de chat, de la Japonaise Konami Kanata, voici Sugar ma vie de chat du Belge Serge Baeken. Si les deux récits nous font découvrir le quotidien d’un matou, la comparaison s’arrête pourtant bien là. Chi une vie de chat avec son dessin naïf s’adresse avant tout à un public jeune tandis que Sugar ma vie de chat offre un regard un peu plus adulte, plus intimiste, de la chose. Les 60 et quelques planches, découpées identiquement en une mosaïque de 24 cases qui parfois s’assemblent pour former une scène, nous plongent dans la vie de ce gros matou tout noir entre jeux et parties de chasse, câlins et coups de folie. Mais pas que ! On suit aussi, à hauteur de chat, le quotidien parfois très intime de ses maîtres, en l’occurrence le couple Baeken. Un album étonnant !
Eric Guillaud
Sugar ma vie de chat, de Serge Baeken aux éditions Dargaud. 16,45 euros
Mercredi sort en salles « Lulu femme nue », la très attendue adaptation de la BD d’Etienne Davodeau avec Karin Viard dans le rôle principal. L’histoire d’une quadragénaire qui décide un beau jour de ne plus rentrer chez elle. Rencontre avec la réalisatrice Sólveig Anspach…
Pour son cinquième long métrage de fiction, la réalisatrice a choisi d’adapter la bande dessinée d’Etienne Davodeau « Lulu femme nue » et de confier le rôle titre à Karin Viard, César de la meilleure actrice en 2000 pour son rôle dans « Hauts les coeurs », un autre film de Sólveig Anspach. A quelques heures de la sortie en salles, la réalisatrice nous parle de son coup de foudre pour la BD, pour le personnage de Lulu et de son envie de retrouver Karin Viard…
Quelques jours d’été, Zoé, Pleine Lune, Sorcières, Henri-Désiré Landru, Terre Neuvas, Construire un feu, Un peu de bois et d’acier… Christophe Chabouté est l’auteur d’une bonne vingtaine d’albums, une œuvre sensible, racée, poétique et graphiquement sublime. Malgré tout l’homme reste modeste, accessible et les deux pieds sur Terre. Et s’il vous fallait une preuve, alors je pourrais vous raconter la drôle d’aventure qui m’est arrivée en préparant cette interview. Un soir, un peu fatigué je pense, une mauvaise manipulation sur mon ordinateur a pour effet d’envoyer prématurément mes questions et mes notes sur le web à la vue de tous. Au réveil, je découvre un message de Christophe Chabouté qui en se promenant sur le net est tombé sur ces fameuses questions, s’est empressé d’y répondre et de me les renvoyer. C’est bien la première fois qu’un auteur répond à mes questions avant même que je les lui pose. Magique !
J’ai lu quelque part que vous détestiez les interviews. J’ai lu aussi quelque part que vous étiez quelqu’un de gentil et de modeste. Et c’est l’image que j’ai de vous ! Comment fait-on pour vendre un livre dans ces conditions ?
Chabouté. Mon métier n’est pas de vendre des bouquins, mon métier est de raconter des histoires du mieux que je peux, d’embarquer des gens dans l’univers que je dessine, de leur donner envie de tourner les pages du livre qu’ils sont en train de lire et de préférence avec enthousiasme, curiosité et plaisir…
Je ne sais pas surenchérir sur quelque chose que j’ai déjà raconté, en remettre une couche. Je l’ai raconté avec l’outil « images narratives », je ne veux pas et ne sais pas le raconter autrement. Je fais ce boulot parce que je peux le faire dans l’ombre, en retrait… et d’un coup on se retrouve à la lumière. Il faut alors raconter et expliquer ce qu’on a voulu faire, dire, pourquoi et comment. Je passe environ un an à suer sur un bouquin, à décortiquer une histoire pour la réassembler, à essayer de trouver la meilleur manière de raconter, de faire passer une émotion. Je finis sur les genoux et ensuite, après ce marathon, on me demande de raconter à nouveau et de résumer ce que j’ai voulu dire avec cette fois l’outil que je maitrise le moins : la parole.
Parce que ce qui est important pour moi, c’est le livre et l’émotion que j’arrive peut-être à mettre dans ses pages, la petite musique que le lecteur entendra peut-être dans mes cases muettes. Je suis plus à l’aise pour raconter avec les images et du texte au dessus des dessins (ou pas) qu’avec les mots. Si le livre se défend de lui même et embarque le lecteur, c’est que j’ai bien fait mon travail !
Modeste, je ne sais pas. Quand j’entends dire que mes bouquins plaisent ou quand je rencontre des lecteurs qui ont aimé mes histoires, je repars à chaque fois en marchant à un mètre au dessus du sol et fier comme un pou. Je suis très flatté qu’on me considère comme quelqu’un de gentil, ce qui ne m’empêche pas d’être complètement ours et totalement imbuvable à certains moments (mais en général, je me cache derrière ma table a dessin dans ces moments-là !)
Vous êtes gentil et modeste mais quand même responsable et coupable d’un bon nombre de BD qui figurent au rang des indispensables. Ne pas connaître l’œuvre de Chabouté aujourd’hui, c’est comme ignorer l’œuvre de Pratt ou de Chaland hier. Êtes-vous pleinement conscient d’avoir créé un style, un univers reconnaissable entre tous ?
Chabouté. Je préfère ne pas prendre conscience de trop de choses et ne pas trop me poser de questions à ce sujet… Je suis très flatté que vous me parliez de Pratt, d’œuvre, de style ou d’univers… mais chaque fois que j’attaque un nouveau livre j’ai l’impression de tout remettre sur le tapis. C’est tellement dangereux de se mettre à la table à dessin en croyant être étayé par ses précédents livres. C’est la meilleure manière de fausser la sincérité que l’on pourrait mettre dans ce que l’on va raconter. Je préfère m’acharner sur ce que j’ai à faire plutôt que de me retourner sur ce que j’ai fait…
Le noir et blanc ainsi que les silences sont votre signature. En quoi vont-ils si bien à vos BD ?
Chabouté. Le noir et blanc sert les histoires que je raconte. C’est l’outil idéal pour mettre une ambiance en place, pour créer une atmosphère.
Par contre, si mes histoires demandent de la couleur ( ce qui a été le cas pour quelques-uns de mes albums), alors je l’utilise sans hésiter. J’utilise les outils qui servent au mieux les histoires que je veux raconter, noir et blanc ou couleurs, dialogues ou pas, grosse pagination, tout est fonction de ce que l’histoire demande…
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Est-ce évident aujourd’hui de vendre une BD en noir et blanc à un éditeur ?
Chabouté. Pour un jeune auteur, ce ne doit pas être facile, ce n’était déjà pas évident il y a 15/20 ans… Merci Tardi, Pratt, Baudoin, Comes et j’en oublie ! Mais le « roman graphique » fait de plus en plus partie des formats courants en BD.
A l’occasion de la sortie de l’adaptation de « Construire un feu » de Jack London, vous déclariez que l’essentiel était de retrouver l’âme de l’auteur. Comment justement fait-on pour garder cet âme ? Avez-vous une recette magique ?
Chabouté. Je n’ai heureusement pas de recette, j’ai envie d’adapter ou de raconter ce qui me fait vibrer. « Construire un feu » m’a littéralement scotché et donné l’envie de mettre en images une histoire où il ne se passe à priori… rien ! Tenter de retranscrire en images la puissance du texte de Jack London a été un super exercice. Je pense que la moindre des choses, même si on met sa « patte » dans l’adaptation, si on se l’approprie, c’est de respecter l’âme de l’auteur, l’âme du livre, essayer d’aller vers ce qu’il voulait dire…
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Quand avez-vous lu « Moby Dick » pour la première fois ? Et qu’avez-vous alors ressenti ?
Chabouté. C’est surtout, petit, le film de John Huston qui m’avait marqué et bien entendu l’interprétation de Gregory Peck (en plus, je l’avais vu en noir et blanc ). Plus tard, j’ai lu le roman et j’avais l’impression de faire partie de l’équipage. Comme eux, je n’avais qu’une hâte : c’était de voir enfin cette satanée baleine. J’ai été marqué aussi par les conditions de pêche et de vie à bord, le quotidien… Marqué aussi par l’emprise terrible qu’avait ce capitaine sur ses hommes !
Qu’est-ce qui vous a amené précisément à adapter aujourd’hui le roman d’Herman Melville ? Quel a été le déclic ?
Chabouté. Le défi de s’attaquer à un monument… La mince frontière entre l’acharnement et la folie d’Achab… Raconter avec des silences une grande partie de ce qu’a raconté Melville avec des mots et tenter d’en dire autant. Et puis j’ai l’océan tout autour de moi, je respire de grandes bouffées d’iode tous les jours et quand j’ouvre la fenêtre de mon atelier, par grosse houle, j’entends les vagues se briser sur la plage, ça aide !
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N’était-ce pas un véritable défi au vu des quantités d’adaptations existantes aussi bien en film qu’en BD ou en livres jeunesse ?
Chabouté. On prend toujours un risque quand on attaque un nouveau bouquin, on se met (d’une certaine manière) en danger. Dans un livre précédent, j’avais décidé de raconter une histoire de plus de 380 pages où le personnage principal était un simple banc. Et pour corser l’affaire, j’avais fait le choix de ne pas mettre une seule ligne de dialogue. Si on ne prend pas de risque on ne fait plus rien, et puis chacun met sa patte personnelle dans une adaptation, c’est ce qui en fait le charme. Tout à déjà été raconté, c’est la manière de raconter qui diffère !
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Le défi fait partie je crois de vos carburants ?
Chabouté. C´est tellement facile de s’endormir sur ce que l’on sait faire ou ce qui rassure, éviter de se répéter, tourner en rond, raconter ce qu’on a déjà raconté, il faut se bousculer pour aller chercher dans d’autres directions et c’est encore plus vrai quand on travaille seul.
Vous travaillez toujours seul. Votre liberté aussi est un « carburant » ?
Chabouté. Un carburant, je ne sais pas. La liberté est un énorme confort de travail, je peux changer d’avis au dernier moment sur certains détails, bousculer une histoire… Je n’ai pas de compte à rendre.
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Quelle a été la principale difficulté que vous ayez rencontrée pour cette adaptation ?
Chabouté. Élaguer le roman sans tomber dans l’adaptation classique. Ne pas rendre Achab théâtral mais plutôt humain, fragile, vieux, montrer ses faiblesses… et surtout faire rentrer les 800 pages du roman dans les 2 fois 120 pages des albums.
Vous êtes d’origine Alsacienne je crois et vous vivez aujourd’hui sur l’Ile d’Oléron. C’est l’océan qui vous a attiré ? Quel rapport entretenez-vous avec lui ?
Chabouté. j’ai atterri par hasard à Oléron ne pensant pas y rester et j’ai découvert l’océan ! Grosse claque, fascinant et terrifiant à la fois. Belle rencontre. Je me suis rendu compte que l’océan est une mine pour l’imagination comme peut l’être une balade en forêt en pleine nuit, un cocktail qui mêle trouille, attirance et envoutement.
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Vous allez rire mais je n’ai jamais mis les pieds sur un bateau
« Terre Neuvas » et « Tout seul » hier, « Moby Dick » aujourd’hui, on sent que vous êtes très à l’aise avec cet univers, tant d’un point de vue narratif que graphique…
Chabouté. C’est gentil ! Et vous allez rire mais je n’ai jamais mis les pieds sur un bateau, j’ai un mal de mer terrible et je me sens mieux avec les deux pieds bien posés sur le sable.
Comme toujours dans vos albums, vous laissez le silence s’installer et rythmer le récit. C’est important pour vous de laisser le lecteur puiser dans son imaginaire, de ne pas le contraindre à un rôle « passif » ?
Chabouté. Dans la bande dessinée, je peux raconter toute une histoire sans une ligne de texte, ce que je ne peux pas écrire je le dessine, ce que je ne peux pas dessiner je l’écris, mélangez tout ça et rajoutez-y l’espace blanc entre les deux cases : l’ellipse où l’imagination du lecteur va se loger. Souvent, un silence bien placé ou bien distillé peut faire beaucoup de bruit. Je m’applique à laisser des portes ouvertes pour que le lecteur s’y engouffre, j’essaye de lui laisser beaucoup de latitude tout en le guidant évidement mais je lui laisse « de la place » afin qu’il puisse s’approprier l’histoire.
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un silence bien placé ou bien distillé peut faire beaucoup de bruit
Qu’est-ce qui vous inspire dans la vie ?
Chabouté. Tout ! Tout ce qui m’entoure, le quotidien, l’aventure qui peut démarrer au coin de la rue, l’importance du futile, le coté fantastique que peut engendrer une situation banale suivant le point de vue dans lequel on se place… Tout est matière à histoire, il suffit, je pense, d’arriver à ouvrir grand ses yeux et ses oreilles pour faire le plein de matière première.
En tant que lecteur, vous sentez-vous plus proche de la littérature ou de la BD ?
Chabouté. Après 8 à 10 heures de boulot quotidien (si si !) à « faire » des images, je préfère évidemment lire un roman et laisser courir l’imagination, je n’ai pas envie d’images toutes faites. Et je lis des bandes dessinées qui sont en général complètement à l’opposé de mon univers.
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Quel est votre livre de chevet ?
Chabouté. Ma bibliothèque !
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Quel est votre coup de cœur du moment ?
Chabouté.
– Le dernier Flao « kililana song » , le dernier Baru « canicule », le dernier Bezian « docteur radar » (quand je serai grand , je serai eux ! ils sont vraiment fort !)
– Un essai sur le blues : « philosophie du blues – une éthique de l’errance solitaire » de Philippe Paraire
– Le dernier album de Kelly Joe Phelps : « Brother sinner and the whale », de la guitare slide magique, j’écoute ça en boucle depuis un moment déja…
– Le film de Philippe Le Guay « Alceste à bicyclette »,
– Ma fille de 10 ans qui fait des progrès énormes en crawl
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Quel est votre coup de gueule du moment ?
Chabouté. Je préfère parler de choses positives et sympas plutôt que d’alimenter la connerie ambiante.
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Un mot ou trente sur vos projets…
Chabouté. Terminer le livre second de Moby Dick. Et pour le reste, je ne parle jamais de mes projets à venir tout simplement parce que je préfère garder l’énergie que je vais y mettre intacte.
Lorsque le livre est terminé, il appartient au lecteur et moi je m’éclipse, je l’efface de ma tête pour repartir ailleurs… Mais tant qu’il est dans un recoin de ma tête et en partie sur ma table à dessin, je me le garde !
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Merci Chistophe
Interview réalisée le 16 janvier par Eric Guillaud
Retrouvez la chronique de l’album sur notre blog dédié BD, plus d’infos sur l’auteur ici
Les 7 Vies de l’Epervier par Patrick Cothias et André Juillard – Dargaud
Le chiffre 7 est magique, il a réussi formidablement au tandem de créateurs : Patrick Cothias et André Juillard. Après les 7 tomes parus entre 1983 et 1991, Les 7 Vies de l’Epervier ont engendré 7 séries parallèles et au total 54 album. Ariane de Troïl, l’héroïne revient à la recherche de sa fille, 15 ans après son aventure canadienne Plume au vent, le temps un one-shot.
Pour son 30ème anniversaire, la série historique retrouve le titre qui a fait son succès et sa renommée : Les 7 Vies de l’Epervier. Dans ce 3ème cycle d’aventures, 15 ans se sont écoulés et Ariane revient en France à la recherche « de deux graines » qu’elle avait semées avant son départ chez nos cousins d’outre-Atlantique. Elle est accompagnée de son mari Beau, un indien homosexuel, et de son amant Germain Grandpin, le père de sa fille, celle qui deviendra la courtisane Nino de Lenclos.
Le scénariste Patrick Cothias multiplie les références à Dumas en premier lieu. Elles sont nombreuses dans la structure du récit et jusqu’au personnages croisés, les 3 mousquetaires. Il est tout aussi habile pour mêler personnages historiques (Louis XIII, et son frère Gaston d’Orléans) et fiction. Mais le plus grand plaisir de ce nouvel album c’est le retour d’André Juillard. Absent des nombreuses séries parallèles, il reprend les crayons pour la belle Ariane qui n’a pas pris une ride. Son dessin est toujours autant enthousiasmant et nous plonge au cœur de la France du 17ème siècle, en 1642 précisément. Vous avez apprécié sa reprise de la série mythique de Blake et Mortimer, vous adorerez retrouver son trait de plume pour celle qui a fait la renommée de la revu Vécu dans les années 80.
Les 7 Vies de l’Epervier par Patrick Cothias et André Juillard – Dargaud
Pour en savoir plus sur comment les lire ou pas, les 54 albums qui composent la galaxie des 7 vies je vous conseille le supplément du magazine Casemate. Les 2 auteurs s’expliquent et Juillard commente les 21 premières planches. A retrouver sur son blog. Vous apprendrez aussi qu’il a donné son accord à son ami iconoclaste Cothias pour un second one-shot sur la recherche du deuxième enfant d’Ariane. Conçu avec le roi, ce garçon aurait pu prétendre au trône à la place de Louis XIV, s’il n’était devenu son « bouffon de service » un certain Molière. A lire en 2016 …
Didier Morel
Les 7 Vies de l’Epervier par Patrick Cothias et André Juillard – Dargaud
Les 7 Vies de l’Epervier par Patrick Cothias et André Juillard – Dargaud
Question bombes atomiques et effets secondaires, Hermann en connaît un rayon, lui qui anime depuis des années les aventures post-apocalyptiques de Jeremiah. Pourtant, cette fois, le scénario n’est pas de lui mais de son fils, Yves H., et l’atome n’a pas – encore – transformé la planète en un vaste champ de ruine chaotique où survivent quelques âmes perdues. Non, les bombes de Station 16, dont la fameuse Tsar Bomba, 4000 fois plus puissante que celle d’Hiroshima, ont juste rendu une partie de l’archipel russe de la Nouvelle-Zemble interdite aux civils après plusieurs décennies d’essais. Et pour surveiller ce territoire qu’on peut imaginer largement contaminé, quelques militaires russes qui tuent le temps en provoquant les ours blancs. Jusqu’au jour où un appel au secours leur parvient par radio depuis la Station 16, une station météorologique arctique pourtant abandonnée depuis 50 ans. Une mission de reconnaissance est envoyée sur place…
Pour ce nouveau one-shot réalisé en tandem dans la collection Signé, Hermann et son fils Yves H. ont imaginé un thriller fantastique à nous filer la chaire de poule pour l’éternité ou presque. Un thriller fantastique mais qui prend corps sur le réel et notamment sur cette période d’essais nucléaires soviétiques dans l’archipel de Nouvelle-Zemble. 135 explosions dont 87 dans l’atmosphère. L’horreur est déjà là, Hermann et Yves H. n’avaient plus qu’à tricoter un scénario aux petits oignons. Glaçant !
Eric Guillaud
Station 16, de Hermann et Yves H. aux éditions Le Lombard. 14,45 euros
C’est l’une des oeuvres majeures de la littérature américaine, plusieurs fois adaptée avec plus ou moins de fidélité et de succès au cinéma, en album jeunesse ou encore en bande dessinée…
Rien que pour ce dernier média, Pahek et Pecau chez Delcourt, Gillon et Olliver chez Hachette, Will Eisner aux Editions USA, Patrick Mallet chez Treize Etrange se sont attaqués tour à tour au monument. Et c’est aujourd’hui Chabouté qui s’y colle. L’auteur de Quelques jours d’été, Zoé, Pleine Lune, Sorcières, Landru, Construire un feu ou plus récemment du magnifique Un peu de bois et d’acier nous prouve une nouvelle fois qu’il fait partie des plus belles signatures du Neuvième art, un orfèvre du noir et blanc, un génie de la narration, un amoureux des personnages aux caractères trempés, un savoureux raconteur. Chaque planche, chaque case, chaque trait respirent la grande aventure et participent à nous embarquer corps et âme sur le navire de l’inquiétant capitaine Achab pour une chasse à la baleine époustouflante, effrayante.
Un vrai défi pour Chabouté qui a dû « élaguer et trancher », confie-t-il dans une interview accordée à l’éditeur, « aller à l’essentiel tout en m’appliquant à ne pas me cantonner au simple récit d’aventure ou à la basique traque du cachalot blanc. J’ai tenu à conserver dans l’album le principe de découpage en courts chapitres du roman, garder l’omniprésence littéraire de Melville dans l’adaptation par l’intermédiaire de courtes citations qui introduisent l’action à venir de chaque chapitre, retrouver le côté manuscrit dans les têtes de chapitre de la bande dessinée où l’écrit devient graphique ».
Le dossier de presse parle d’une adaptation magistrale. C’est le cas ! Chabouté a su garder l’essentiel de l’esprit du roman tout en y glissant sa griffe comme ces silences qui rythment un récit dense et permettent de nourrir l’imaginaire du lecteur. « C’est l’intérêt et la force d’une simple image : elle peut avoir autant de poids, véhiculer et servir autant d’atmosphère et d’émotion qu’une longue description littéraire ». Un premier volet absolument magnifique et radicalement indispensable ! (en librairie le 15 janvier)
Eric Guillaud
Moby Dick (tome 1), de Chabouté. Editions Vents d’Ouest. 18,50 euros
La colère de Fantômas (t2) Tout l’or de Paris par Olivier Bocquet et Julie Rocheleau – Dargaud
Le premier tome était un incontournable de 2013. Fantômas revient, sa colère est toujours autant dévastatrice. Son but : rafler Tout l’or de Paris. Ce nouvel album se poursuit dans la même veine graphique réussie allié à un scénario bien charpenté.
Oubliez le Fantômas des sixties qui a rangé le personnage au rang des nanars ringards. A l’origine, Fantômas, c’est le premier serial français en 32 volumes par Pierre Souvestre et Marcel Allain, le feuilleton le plus marquant du début du 20ème siècle. C’est à ce pur génie du mal que les auteurs Olivier Bocquet et Julie Rocheleau rendent hommage. Jamais plus dangereux que quand il semble hors d’état de nuire, Fantômas poursuit dans ce second tome Tout l’or de Paris son entreprise criminelle. Face à lui, le tandem de Fandor et de l’inspecteur Juve semblent à chaque planche un peu plus dépassés.
Comme dans le premier épisode, toute la cruauté du personnage ressort grâce aux aplats de couleurs dans les tons orange, rouge et vert, rehaussés par une maîtrise du clair obscur. Dans un style très marqué, la dessinatrice n’a pas son pareil pour faire revivre les trognes de la Belle Epoque.
La colère de Fantômas (t2) Tout l’or de Paris par Olivier Bocquet et Julie Rocheleau – Dargaud
Nos grands parents ont tremblé en lisant les récits du premier des super vilains. Un siècle après, régalez vous à votre tour en redécouvrant les aventures de ce Fantômas à la cruauté sans limite en attendant le 3ème et dernier épisode de cette série.
C’est l’une des oeuvres les plus noires de la bande dessinée francophone. L’une des plus novatrices aussi au moment de sa parution. Nous sommes au milieu des années 70, Philippe Druillet accompagne sa femme vers la mort et signe La Nuit, un cri venu de l’intérieur diront certains, un cri contre la mort, la maladie, le cancer, la médecine, les médecins incompétents…
Aujourd’hui encore, lire La Nuit est une sacré expérience qui peut mettre mal à l’aise, interroger, émouvoir, surprendre, rebuter, mais surtout pas laisser indifférent…
Dans une interview accordée à Jean Depelley et publiée sur le site bdzoom.com en janvier 2012, Philippe Druillet déclarait : « En peinture, chaque fois qu’il arrivait à un artiste un drame pareil, il en faisait une sculpture, une peinture ou quelque chose. Dans la bande dessinée, ça ne s’était jamais fait à l’époque. J’ai donc perpétué la tradition, à la mémoire de cette femme que j’ai adorée et que j’aime encore aujourd’hui, à travers le support d’une bande dessinée. Je me suis dit que je faisais une folie, que j’allais être rejeté par le monde de la B.D. Pas du tout… C’est un des albums qui se vend le mieux ».
Décerné par les librairies Fnac et le public, le Prix de la BD Fnac 2014 vient de publier la liste des six finalistes. Et les heureux élus sont :
Lastman de Vivès, Balak, Sanlaville (Casterman), La Tectonique des plaques de Margaux Motin (Delcourt), Ma Révérence de Rodguen et Lupano (Delcourt), Melville, l’histoire de Samuel Beauclair de Romain Renard (Le Lombard), La Petite mort de Davy Mourier (Delcourt) et Tyler Cross de Brüno et Nury (Dargaud).
Rendez-vous le 21 janvier pour connaître le lauréat…
Pinkerton, Allan Pinkerton, n’est pas un ange. Les malfaiteurs en tout genre qu’il pourchasse sans répit à travers le pays non plus. Pilleurs de trains, as de la gâchette, voleurs de chevaux… tous connaissent et craignent l’homme et son agence de détectives, la Pinkerton National Detective Agency. Pas de cadeau, pas de demi-mesure, aucune indulgence et encore moins d’attendrissement à attendre du flic le plus dangereux du Far West. Et pour l’heure, Pinkerton a du pain sur la planche. Un attentat serait en préparation contre le président Lincoln, tout juste élu. Un coup des sudistes qui refusent l’abolition de l’esclavage. Pinkerton envoie les détectives de son agence arpenter le pays à la recherche de la moindre information…
Le but d’un western est avant tout de distraire. Et Pinkerton distrait ! Mais il nous instruit aussi sur l’une des époques les plus sombres des Etats-Unis, la guerre de Sécession. Ce deuxième volet de la série initiée par le tandem Damour – Guerin se déroule quelques mois avant le début des combats. Mais déjà, on y ressent toute la tension née de l’élection du Républicain et abolitionniste Lincoln. Un western intelligent et graphiquement maîtrisé dans un contexte fort et explosif!
Eric Guillaud
Dossier Abraham Lincoln, Pinkerton (tome 2), de Damour et Guerin. Editions Glénat