Après Les Cahiers ukrainiens, voici Les Cahiers russes et un témoignage ou plus exactement un regard percutant porté sur la guerre du Caucase à travers le combat d’une femme d’exception, Anna Politkovskaïa. Souvenez-vous, cette militante des droits de l’homme et journaliste a été assassinée à Moscou le 7 octobre 2006. Tout simplement parce qu’elle dérangeait le pouvoir en place, celui de Poutine, en refusant les vérités préfabriquées. A l’époque, comme beaucoup, Igort avait été choqué. « Une lumière importante pour la conscience russe s’est éteinte pour toujours le 7 octobre 2006 », écrit-il, « La brutalité d’une démocratie d’apparence, à laquelle les soviétologues ont donné le nom de Démocrature, a parlé ».
Trois ans après les faits, l’auteur part sur les traces de cette journaliste et se retrouve à l’endroit précis, dans l’ascenseur de son immeuble, où elle a été tuée. Pendant deux ans, il voyage entre l’Ukraine, la Russie et la Sibérie pour essayer de comprendre. Comprendre ce qu’avait été l’Union soviétique, ce qu’il en reste aujourd’hui. Comprendre aussi pourquoi une femme comme Anna Politkovskaïa pouvait être aussi lâchement assassinée. Et de meurtres en séances de torture, de bombardements intensifs en massacres organisés, de viols en humiliations diverses, d’arrestations arbitraires en menaces de mort, Igort brosse le portrait d’une Russie contemporaine impitoyable, arbitraire et violente. Il nous permet dans le même temps de mieux connaître Anna Politkovskaïa, de découvrir son combat pour la vérité, pour la liberté, ses liens avec l’agent secret russe Alexander Litvinenko, empoisonné au polonium et mort lui aussi en 2006, ou encore son rôle de médiatrice dans la prise d’otages au théâtre Doubrovska par un commando tchétchène en 2002. Un album étonnant dans sa forme, essentiel dans le fond, à découvrir très vite ! E.G.